Chapitre 25 - La souris et la chauve-souris

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J'ignorais depuis combien de temps, j'errais dans les immenses couloirs de l'hôtel, mais je constatais que le bâtiment était bien plus grand que tout ce que j'avais connu auparavant. Guidée davantage par l'instinct, j'avais gravi quelques escaliers en marbre, me demandant presque si le building se pourvoyait de chambres. Pour l'heure, je ne rencontrais que d'immenses salles, un restaurant, un casino et une salle de cinéma. Stanislas m'ayant interdit de trop m'égarer, ce fut raté pour cette fois.

En même temps, comment aurais-je pu deviner que cet hôtel était si gigantesque ?

Finalement, après quelques détours, je pus enfin rejoindre un spacieux balcon qui donnait un panorama splendide sur le reste de la ville et un jardin en contrebas. J'aurais préféré trouver le jardin en premier, mais la vue n'était pas déplaisante. Je pris une profonde inspiration, me délectant de la brise fraîche sur mon visage qui me procura un plaisir presque extatique. Il faisait si chaud à l'intérieur que je me sentais étouffer.

Je m'accoude à la balustrade et m'accordai un moment de répit en fermant les yeux. Cette soirée débutait d'une drôle de façon. D'abord, je retrouvais mon parrain, ensuite, j'apprenais qu'il était un diurne doublé d'un Censeur et que ma mère possédait un secret dont il refusait de me dévoiler. Décidément, je vivais des montagnes russes émotionnelles tumultueuses. Ceci dit, j'étais plutôt fière d'avoir une force mentale suffisante pour affronter tout ça. Sûrement un cadeau laissé en héritage par ma mère, une femme caractérielle.

La rumeur de la ville parvint à mes oreilles comme une douce mélodie nocturne, des coups de klaxon lointain accompagnés de la sirène hurlante des ambulanciers. C'était exactement ce qu'il me fallait pour mettre de l'ordre dans mes pensées. Un peu de calme, de l'air frais, la solitude, un fond sonore, une fragrance diffuse de fleurs qui embaumait le balcon.

Je m'étais habituée durant tant d'années au calme de la campagne, mais la vie en ville ne me semblait pas déplaisante. Bien au contraire. J'aimais me sentir comme une inconnue dans une foule d'autres inconnus.

Après tout, dans mon petit village de France, tous les habitants se connaissaient. Les histoires circulaient, tout le monde était au courant de la dernière fois que le voisin avait mangé une pomme. C'était devenu insupportable. Mais la plupart du temps, j'ignorais cette façon de se comporter et je vivais tranquillement ma routine quotidienne.

Tout était différent en ville, davantage à la capitale. Comme l'aventure de ma vie, du moins, je me l'imaginais comme tel en arrivant ici. Mais après ses quelques jours, je savais que je connaîtrais bien pire que la vie citadine.

— La vue est splendide, ne trouvez-vous pas ?

La voix rêche dans mon dos interrompit mes pensées et me fit sursauter. Je me retournai d'un bond pour faire face à mon interlocuteur. L'homme avait les épaules larges, une ou deux têtes de plus que moi et un regard sombre qui en ferait pâlir plus d'uns. Je ressentais un étrange pressentiment à son égard. Tous mes sens étaient en alerte et m'incitaient à prendre mes jambes à mon cou.

— Les lumières de la ville sont agréables à regarder, commentai-je d'un ton détaché, il vaudrait mieux que je vous laisse les contempler au calme. Bonne soirée à vous.

Au moment où je m'apprêtais à partir, l'homme se rapprocha de moi à une vitesse impressionnante et me saisit brusquement le bras. Il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait d'un vampire. Je me risquerais presque à dire qu'il faisait partie des nocturnes, la force avec laquelle il m'étreignait ne pouvait pas être celle d'un diurne, il faisait nuit depuis un moment.

— Je ne parlais pas de la ville, murmura-t-il, les yeux luisant de danger.

— Lâchez-moi, s'il vous plaît.

Le goût d'une morsure : La MarqueWhere stories live. Discover now