Chapitre 24 - Le parrain

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Je restais plantée, incapable d'effectuer le moindre mouvement, pendant plusieurs secondes. Mon regard s'accrocha au sien, à ses pupilles d'un noir d'encre qui exprimait la même surprise. Ni lui, ni moi ne s'attendaient à voir l'autre ici. Depuis combien de temps, je ne l'avais pas revu ? Les funérailles de maman, peut-être.

    Je sentis mon cœur s'arrêter et je dus vérifier à plusieurs reprises d'être encore en mesure de respirer. La joie s'empara de mon corps en diffusant une chaleur agréable par vague successive. Pour être certaine de ne pas vivre un rêve éveillé, je me pinçai discrètement l'avant-bras et étouffai le gémissement qui sortit de ma bouche juste après. Prenant enfin conscience qu'il s'agissait de la réalité, j'accourus dans sa direction.

Stanislas tenta d'attraper mon bras pour me tirer vers l'arrière, mais son geste se suspendit dans le vide. Je dus surpasser la douleur provoquée par mes talons pour arriver jusqu'à lui aussi rapidement. Je bondis dans ses bras et me suspendis presque à son cou. Il ne bougea pas, dans un premier temps, sans doute, ne réalisait-il pas que je me trouvais ici.

Après quelques secondes d'hébétement, il enroula ses mains autour de mon dos, m'attirant plus près. Je pouvais reconnaître son odeur entre mille, légèrement musquée et principalement boisée. Un mélange qui rappelait la maison. Je sentis les larmes humidifier mes yeux, mais je ne devais pas pleurer. Je déglutis silencieusement et me contentai de sourire.

— Skye, tu es folle ! beugla Stanislas. Qu'est-ce qu'il te prend enfin !

L'homme se détacha de moi et posa ses deux mains sur mes épaules, il n'eut pas de mal à croiser le regard de Stanislas, car il faisait deux têtes de plus que moi.

— Allons, Mr. Adamov, calmez-vous. Il s'agit de ma filleule, expliqua-t-il en souriant.

Mon parrain n'avait pas changé. Les marques du temps lézardaient son visage, mais ne le rendaient pas pour autant disgracieux. Sa prestance lui donnait un charme naturel malgré les années qui passaient. Son charisme m'impressionnait toujours autant, je peinais dès fois à soutenir son regard.

Mais il ne ressemblait pas au personnage qu'il se donnait l'air d'être. En réalité, mon parrain était un cœur de guimauve qui me gâtait de petites attentions. Maman me répétait souvent qu'il voyait en moi la fille qu'il n'avait jamais eue. Je ne m'en plaignais pas, je l'aimais comme un deuxième père. N'était-ce pas le concept même du parrain d'ailleurs ?

— Votre filleule ? Skye ? La filleule de Cillian Reid ? Je... Pardon, balbutia Stanislas en s'avançant à côté de nous. Je ne m'y attendais pas, je dois bien l'avouer...

— Je pense que nous non plus, que fais-tu ici petit lutin ? s'enquit Cillian en fronçant les sourcils.

Nul besoin de connaître Cillian pour s'apercevoir que son inquiétude montait crescendo. Sans doute que la présence d'un humain dans une foule de surnaturel le perturbait. Cet endroit devait être le dernier sur sa liste de nos retrouvailles. Cela voulait donc dire que mon parrain appartenait au monde de la magie ? En réalité, je n'étais même pas surprise. Il avait toujours été du genre mystérieux. Tout comme ma mère. Il pourrait peut-être m'en apprendre plus sur elle.

— Je pense que tu le sais déjà, nous recherchons l'homme qui m'a fait ça, annonçai-je en penchant mon cou sur le côté pour mettre en évidence la marque de Valentino.

Du bout des doigts, Cillian toucha le relief du cercle. Il ne parut pas surpris. Je fronçai les sourcils, me demandant s'il était déjà au courant. Une déduction déplaisante naquit dans ma tête.

— Tu travailles pour lui ? demandai-je, une lueur de doute visible au fond de mes grands yeux bleus.

Mince, ce fut bien la première fois de ma vie que je me méfiais de mon parrain. Après tout, dans ce monde, je n'étais jamais au bout de mes surprises. Comment aurai-je pu deviner que Cillian faisait partie des surnaturels ? Il pourrait très bien être un allié de Valentino, sinon, pourquoi Stanislas le cherchait ? Non... c'était grotesque. Pas Cillian. Il n'avait rien en commun avec ce monstre qui mordait des inconnus pour je ne savais quelle raison tordue.

Le goût d'une morsure : La MarqueWhere stories live. Discover now