Chapitre 12 - Dante et Virgile

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Je venais de passer le voile du sommeil profond lorsque j'eus l'impression de flotter. Mes joues étaient humides et je sentais la chaleur d'un corps près du mien. Mon dos s'enfonça dans une surface moelleuse. Mes cils tapotaient faiblement contre mes paupières lorsque je clignais des yeux. Stanislas se tenait assis sur le lit, serrant ma main dans la sienne. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Il baissa les yeux vers moi, le front ridé par l'inquiétude.

— Où suis-je ?

     Je me souvins m'être chamaillée avec lui en rentrant dans l'appartement pour avoir le canapé. Il avait prétexté que les humains avaient besoin du confort d'un lit. J'étais restée sur mes positions. Il avait cédé. Je m'étais endormie avec l'un de ses t-shirt beaucoup trop large pour moi.

— Dans ma chambre, répondit Stanislas, tu as fait un cauchemar.

Je balayai d'un regard la pièce dans laquelle je me trouvais. Seule une ampoule suspendue au plafond projetait une lumière évanescente. Ce n'était pas le grand luxe, mais il y avait un lit gigantesque, un bureau, et un énorme dressing. Sûrement, là, où se trouvaient toutes les pépites vestimentaires que pouvaient porter Stanislas. Les murs peints en bleu pâle me rappelaient mon ancienne chambre, la nostalgie me fit sourire.

— Je ne m'en souviens plus.

C'était un demi-mensonge. J'étais encore dans les vapes et je ne me souvenais plus des détails, mais je ressentais une douleur fulgurante au fond de ma poitrine. Comme si quelqu'un m'appliquait un fer rouge sur le cœur. C'était cuisant, brûlant. Je sentais ma peau virer à l'écarlate, puis au noir, et humai l'odeur de la fumée qui s'élevait de ma chair carbonisée. Je vis des flammes se dresser face à moi. Les meubles de ma maison engloutis dans le brasier. La voix de ma mère qui m'appelait. J'avais une idée bien précise du cauchemar que je venais de vivre. La plupart des gens hurlaient lorsqu'ils faisaient un mauvais rêve relatant un souvenir douloureux, mais ce n'était pas mon cas. Lorsque mon esprit tourmenté décidait de me repasser les mêmes images en boucle, seules les larmes témoignaient de mon chagrin. Ce qui, en fin de compte, était assez pratique dans ce genre de cas. Si j'avais crié dans mon sommeil, Stanislas m'aurait harcelé de questions. Heureusement pour moi, il ne le fit pas.

— Je t'avais dit qu'il est indispensable pour un humain de dormir dans un lit.

Sa voix était douce, comme une caresse. Il me traitait comme une poupée en porcelaine. C'était peut-être ce que j'étais.

Je baissai les yeux vers son t-shirt noir qui portait comme inscription "À croc au Jazz". Je ne pus contenir le rire qui me démangeait les lèvres.

— Sérieusement ? ricanai-je en pointant du doigt sa poitrine.

Il prit un air offusqué et fronça les sourcils.

— Quoi ? Je suis sponsorisé par la marque de vêtements de Felix Berry en personne, c'est un ami. Je suis... Comment les jeunes appellent ça déjà ? Ah oui, un influenceur. J'ai même un compte Amstramgram.

Felix Berry ? Inconnu au bataillon.

J'avais du mal à concevoir que Stanislas soit inscrit sur les réseaux sociaux, encore moins qu'il ait une communauté. Excepté celle des vampires.

— Instagram, rectifiai-je.

— C'est pareil.

Pas exactement...

— Tiens, regarde, ajouta-t-il en me montrant son téléphone.

Je vis apparaître sur son écran son mur Instagram et son pseudonyme : @stan_le_vampire.

Le goût d'une morsure : La MarqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant