Chapitre 6 - Les gens changent

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Lorsque j'avais commencé cette journée, je savais que la fatigue n'allait pas me laisser de répit. Déjà que le lundi n'était pas, le jour, le plus apprécié, mais avec la nuit blanche qui me pesait sur le dos, il allait être encore pire. Je pensais qu'avec les récents événements de ce week-end, le sommeil viendrait de lui-même. Mon esprit tourmenté en avait décidé autrement. Me montrant sans cesse les mêmes images, les mêmes sons, les mêmes émotions. J'étais restée allongée, à me morfondre en fixant le plafond et à détester l'étrange tournure qu'avait prise ma vie. Je pressentais que cette agression ne me laisserait pas aller de l'avant aussi facilement. Au moins, ma migraine avait disparu, c'était une bonne nouvelle.

J'avançais comme un zombie jusqu'à ma première heure de cours. Les couloirs fourmillaient de monde et les étudiants semblaient moins sympathiques. Ce n'était pas étonnant, beaucoup d'entre eux avait fêté la rentrée tout le week-end. Je me sentais moins seule à avoir l'air abattu. Exceptée Holly qui rayonnait dans la foule, un sourire plaqué sur les lèvres. Comment fait-elle pour ne pas avoir une crampe ?

Nous suivîmes le flot d'élèves qui s'engouffraient dans le bâtiment principal par une lourde porte en bois jusqu'à atteindre la salle d'amphithéâtre. Elle était immense et pouvait accueillir au moins quatre cents étudiants si ce n'était plus. L'heure qui allait suivre était de l'Histoire, j'ai toujours aimé cette matière depuis que je l'ai découverte au collège. Je me sentais un peu démoralisée à l'idée de suivre un cours que j'appréciais en somnolant à moitié. En espérant que le professeur soit vif et ne récite pas simplement son cours à la vitesse d'un paresseux.

Je suivis Holly jusqu'à des chaises libres au fond de la salle.
— Ce n'est peut-être pas une bonne idée d'aller si loin, remarquai-je en traînant les pieds.

— Les places de devant sont prises, on n'a pas le choix.

On s'assit en concert sur les chaises en plastique inconfortables avant de déballer nos affaires. J'embrassai la salle d'un regard, observant les derniers étudiants qui rentraient dans l'amphi et cherchaient désespérément une place libre. Si j'avais bien compris une chose après cette première semaine, c'était qu'il valait mieux arriver tôt pour espérer assister au cours. Lane nous avait dit qu'avec le temps, ce serait plus simple, que les gens décrocheraient et qu'il y aurait moins de monde. Je l'espérais, parce que le flot de conversations rendait la salle bruyante et faisait poindre mon agacement. La fatigue me mettait à fleur de peau.

— Prête pour la deuxième semaine ? s'enquit Holly enthousiaste.

Je secouai la tête, n'ayant même pas la force de parler.

— Moi oui !

Son énergie me permettait au moins de ne pas m'endormir complètement. Au bout de quelques minutes, je commençais à manifester des signes de fatigue. Mes paupières se fermaient doucement et ma tête s'affaissa contre l'épaule de Holly. Je me demandais dans combien de temps arriverait le professeur. À peine avait-elle commencé que je voulais déjà que cette journée se termine.

— Oh mon Dieu ! s'extasia Holly en se raidissant.

Curieuse de savoir ce qui avait piqué l'attention de mon amie, je relevai la tête paresseusement. Un homme entra dans la classe, vêtu d'un chandail marron par-dessus un jean. Il était baraqué, tout en muscles bien définis ; les épaules larges, une masse de boucles brunes qui encadraient son visage. Il avançait d'un pas vif, les yeux rivés sur une feuille. Sa main frottait nerveusement son menton. Un tic qui me semblait familier sans trop savoir pourquoi. Lorsqu'il arriva au bureau, il posa son sac en cuir avant de lever la tête pour fixer la foule d'étudiants. Je comprenais désormais l'excitation de Holly — et de presque toutes les filles de la salle— à l'arrivée de ce nouveau professeur ayant l'âge d'être un étudiant. Je devais admettre qu'il était vraiment pas mal.

Le goût d'une morsure : La MarqueWhere stories live. Discover now