Chapitre 34

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- Debout.

La voix est sèche, impérieuse. Je ne prends pas la peine de voir le visage de cet intrus. Je sais parfaitement de qui il s'agit. Je peux seulement regarder ces sandales de ninjas. Je ne réplique pas, mon corps n'est parcouru d'aucun frisson. Je suis une statue, incapable d'éprouver de sensation. Une main attrape violemment le col de ma tunique. Mon dos rencontre avec brusquerie le mur de béton.

- J'ai dit debout.

Ma tête ne bouge toujours pas. Mes mèches de cheveux me cachent la vue. Comme si je ne pouvais plus river les yeux sur la lumière. Et c'est le cas, la lumière m'a quitté. L'ange censé me garder sur le chemin illuminé m'a quitté. Comment un diable de mon genre peut trouver la route de lumière ? La seule direction que je connaisse est celle des enfers. Moi, le petit diablotin, serviteur du mal. Cet être manipulé par les grands, façonné par Madara pour répandre le chaos. Mon destin se trace dans la pénombre. Pourquoi Dieu m'a-t-il repris l'espoir ? N'ai-je pas été assez puni ? Ses yeux pleins de colère, ses longs ruisseaux creusant ses joues, sa voix cassée. Je n'ai même pas la force de chasser ces images de mon esprit. Je suis condamné à revivre cet instant à jamais, tel un pêcheur en enfer. Et cette main qui me tient. Que vient-elle faire ici ? Pourquoi est-il là ? En quoi sa place est ici ? Lui, le rayon de soleil qui illumine les ténèbres. Ce zébra de lumière qui a su pénétrer mon monde de tristesse.

- Tu me déçois.

Mon corps s'affale comme celui d'une poupée de chiffon. Je ne prête pas attention à son départ. Je n'ai que faire de sa présence ou son absence. Il n'y a que la sienne, de personne, qui peut m'amener à réagir. Un bruit de talon me fait prendre conscience d'une compagnie. Je ne lève pas les yeux. Je me complais à rester cacher derrière mes cheveux. Je devine l'identité de mon futur interlocuteur. Son parfum de fleur revigore, comme une brise dans la chaleur des enfers. Je sens un léger mouvement, comme si elle s'accroupissait. Il n'y a pas de parole échangée. Elle a choisi un autre moyen de communication. Sa conscience s'introduit avec douceur dans la mienne. Elle la caresse avec sa finesse.

- Tu m'as demandé qu'est-ce que c'est d'aimer. As-tu ta réponse ?

Aimer, éprouver de l'amour pour quelqu'un. Comment aurais-je eu ma réponse ? Ce mot me paraît si laid sorti de ma bouche. Il n'y a aucun charme s'il provient de ma personne. Comprendre ce qu'est « qu'aimer » ? Mon corps ne réclame que le sang et le meurtre. Il ne veut pas de la douceur et de la tendresse. Sa conscience suit tranquillement le fil de mes pensées. Je la distingue sous la forme d'une petite balle. Bondissant de rubans en rubans. Une étincelle infantile dans un monde de tristesse.

- Pourquoi suis-tu ton cœur uniquement lorsqu'il te mène à la haine ?

Un fond de tristesse, de déception. Le ballon finit de donner un peu de joie à mon esprit torturé. Oui, elle a dit ce qu'il y avait à dire. Le champ de fleur dans lequel j'ai été recueilli disparaît. Le souffre, la chaleur et la lave des enfers me reprennent. Quelqu'un viendra-t-il me chercher dans ses profondeurs ? Un sauveur... une personne qui a connu ce que j'ai vécu. Une personne qui me suit depuis le début. Un tel individu existe-t-il ?

- Ce monde n'est pas pour toi, Sasuke.

Une voix tranquille, mature. Une voix à travers laquelle la souffrance est ressentie. Une voix qui a connu la perte d'être cher, le malheur de la solitude et le regret. Oui, cet homme est auprès de moi. Cette fois, je veux croiser son regard. Unique œil qui ne juge pas. L'iris noir qui comprend le fil de mes pensées. Mais il n'y a pas que le noir. Le Sharigan est présent. L'œil rouge si redoutable. Il le garde précieusement, tel un souvenir. Ma main se porte à mes yeux. Oui, pourquoi les haïr ? Ne devrais-je pas les chérir ? Ces yeux qui ont appartenu à Itachi. Comme pour Obito, il continue à vivre à travers eux.

Vers la libération [ Tome 1 ]Where stories live. Discover now