9🎄Le Cadeau de Noël

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Noah avait toujours été un fin observateur, que ce soit pour l'environnement dans lequel il évoluait ou les personnes qui le composaient. Au lycée déjà, il avait toujours préféré rester dans l'ombre pour regarder ses camarades et découvrir qui ils étaient, indépendamment de ce qu'ils clamaient. Quelques fois, ils souriaient face à un comportement abusif, mais leur mimique semblait factice aux yeux du jeune homme. Il ignorait d'ailleurs comment ce genre de détails n'apparaissait pas évident pour tout le monde ; il avait finalement estimé que certaines personnes ne voyaient que ce qu'elles souhaitaient, même s'ils se voilaient la face de manière presque consciente. C'était pour cette raison que la solitude lui avait longtemps paru plus attrayante que la compagnie de ses camarades.

Jamais il n'avait regretté cette attitude, non seulement parce qu'il savait s'être épargné beaucoup de séparations avec des gens qui ne le considéraient pas réellement comme un ami, mais aussi parce qu'il avait évité un mauvais entourage. De plus, elle lui avait permis de rencontrer Matt, son colocataire et petit ami, au moment où ils en avaient tous deux le plus besoin. Un sourire mélancolique étira les lèvres de Noah à ce souvenir mi-doux, mi-amer. Ils avaient réussi à transformer un triste passage de leur vie en un instant suspendu dans le temps, une bulle de bonheur et d'espoir au milieu d'un flot de douleur.

Le jeune homme secoua la tête et revint brutalement à la réalité de sa préparation de biscuits. Ses mains couvertes de farine, dont la blancheur tranchait avec la couleur sombre de sa peau, travaillaient machinalement la pâte ; cuisiner et confectionner des pâtisseries constituait une des seules activités qui le détendait avec efficacité. Tout en poursuivant son ouvrage, il jeta un regard circulaire à leur appartement décoré aux couleurs de Noël ; de fausses branches épineuses ornées de boules rouges surplombaient la porte d'entrée, des formes en fausse neige recouvraient les quelques fenêtres éclairant l'intérieur et le sapin supervisait le salon du coin opposé au canapé.

Cette année, pour leur premier réveillon fêté chez eux, Noah avait décidé d'acheter de nouvelles décorations plutôt que d'utiliser à nouveau celles de récupération que ses parents n'utilisaient plus. Matt accordant peu d'importance aux couleurs choisies, le jeune homme s'était senti euphorique à l'idée de renouveler complètement leur stock. Et, le jour où il avait repéré un ornement en forme de sucre d'orge, qu'il n'avait pas acheté, entre les branches de leur sapin, presque caché derrière une guirlande, il avait immédiatement su que son petit ami partageait plus son enthousiasme qu'il ne voulait le laisser paraître.

Oui, Noah avait toujours possédé un talent d'observation. Cependant, il n'avait pas besoin d'user de cette qualité pour remarquer que Matt était d'humeur ronchonne. D'ailleurs, il était absolument inutile de connaître le jeune homme pour s'en apercevoir ; un parfait inconnu aurait pu entrer dans leur appartement et ressentir les ondes de maussaderie émaner de lui. Affectionnant tout particulièrement cette fête, Noah estimait que personne, et encore moins l'homme qu'il aimait, ne devrait avoir de mornes pensées le matin du réveillon de Noël. Au contraire de son compagnon, que les fêtes de fin d'année laissaient de marbre, se rappela-t-il.

Avec un soupir, le jeune homme frotta ses mains poisseuses de pâte à biscuit et enleva son tablier pour l'accrocher à la porte du frigo. Après être passé à l'évier, il tenta d'épousseter ses joues, constellées de farine, et s'approcha de Matt, se morfondant au fond du canapé. Noah déposa sa main sur la sienne dans le but d'y émettre une pression réconfortante, mais son petit ami se déroba et coinça fermement ses paumes entre ses genoux. Un pincement tirailla son cœur face à ce rejet clair de son réconfort, alors qu'il s'inquiéta :

-Matt, qu'est-ce qu'il y a ?

-Rien, marmonna celui-ci.

Ses yeux bleus, cachés derrière ses lunettes ajustées de travers, démentaient pourtant fortement ses propos. Rancune et amertume s'y bousculaient en obscurcissant l'éclat qui habitait généralement ses iris clairs. Ses lèvres étaient pincées en une moue désapprobatrice, qui n'apparaissait que rarement sur son visage aux traits fins.

Calendrier de l'Avent 2020 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant