Calendrier de l'Avent 2020 [Terminé]

12🎄Lola Jordan et le réveillon de Noël improvisé

Au comble de sa concentration pour maintenir sa connexion avec ses amies, Kwal se tenait au milieu de la salle de transports, les lèvres pincées, les paupières fermement closes sur ses iris mauves et le front plissé. La pièce, petite et entièrement carrelée de pavés noirs, étaient généralement réservées aux élèves arrivant de l'autre côté par le biais de l'Espace, un des éléments étudiés à l'Académie de Gwaohar. Pourtant, le jeune homme n'était pas chargé de repérer les élèves possédant le don de magie, et encore moins de les téléporter d'un monde à l'autre.

S'il occupait la salle en ce moment même, c'était pour Lola et Raven ; cette première avait émis une idée saugrenue que la seconde avait immédiatement soutenue. Kwal n'approuvait pas réellement ce qu'ils étaient tous trois en train de réaliser ; enfreindre les règles ne constituait pas un vrai problème pour lui, il avait déjà effectué plusieurs actions qui avaient été couronnées d'une retenue, et le fait qu'il soit étranger à cette célébration ne constituait pas un obstacle non plus. Cependant, cette fois, c'était le verrou d'un puissant maître de l'Espace qu'ils transgressaient, et si l'idée de devoir en subir les conséquences l'inquiétait, il se sentait également mal à l'aise d'être capable de le franchir.

Une goutte de sueur glissa de ses cheveux ébène jusque dans sa nuque. L'adolescent guettait avec attention la moindre trace de communication télépathique de la part de ses amies. Jamais il n'aurait dû accepter. Il craignait bien trop de ne pas pouvoir les ramener, de ne pas détecter leur présence à travers cet immense néant que constituait la barrière entre les deux mondes, de les perdre et de ne plus jamais pouvoir leur parler. Là étaient les vraies raisons pour lesquelles il n'approuvait en rien l'idée des jeunes filles. Sa concentration pouvait s'user à tout moment, tout comme la source de ses pouvoirs, qui n'était pas infinie, contrairement à ce qu'elles semblaient toutes deux croire.

Pourtant, leurs yeux brillants de joie et d'excitation l'avaient poussé à accepter de les aider. Comment résister à l'appel aussi sincère et suppliant qu'avait été le leur ? Il ne voulait pas leur imposer des barrières à leur bonheur, et encore moins les observer vivre une journée morose simplement parce qu'il avait refusé de les amener dans leur monde d'origine. Projetant son pouvoir au maximum vers ce dernier, il tentait inlassablement de repérer la présence de ses amies, à l'endroit précis où il les avait envoyées.

Enfin, alors que la peur lui tenaillait le ventre, il détecta la signature psychique de Raven, suivie de celle de Lola. Kwal les ressentait plus qu'il ne les voyait, et se les représentait comme des sphères de couleur brillant de leur propre énergie. Celle de Raven était d'un bleu aussi pur que celui du lac Lénelly, et celle de Lola, d'un violet aussi profond que celui du ciel nocturne des montagnes Melwyna, sa terre natale. Leur présence, aussi éloignée soit-elle, l'apaisa instantanément ; ses amies s'étaient imposées dans sa vie et dans son cœur dès l'instant où il les avait rencontrées, et un jour ne passait pas sans qu'il ne chérisse les circonstances qui les avaient placés sur le chemin les uns des autres.

Délicatement mais avec assurance, le jeune homme appela l'Espace à lui avant de l'étendre jusqu'à l'autre côté pour former ce qu'il se représentait comme un pont, se courbant d'une rive à l'autre de la rivière des mondes. Une passerelle lumineuse dont il était le seul à pouvoir céder l'accès. Alors, il tendit les mains vers ses amies pour les entraîner sur ce passage et les ramener à lui. Il sentit leur présence, intangible mais assourdissante, et les battements paniqués de son cœur ralentirent. Soudainement, Raven et Lola se matérialisèrent, la première se réceptionnant sur ses pieds, la deuxième glissant sur le carrelage et atterrissant au sol.

-Bon sang, grommela celle-ci en frottant son arrière-train, j'en ai assez de me taper des bleus sur les fesses en arrivant ici, moi.

-C'est pour ça que tu avais les guirlandes et non les boules en verre, non ? la taquina Raven en lissant de la main ses cheveux châtains. Vois le bon côté des choses : aucune décoration n'est cassée.