25/ Fille Louve

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     — Prenez soin d'elle je vous en prie !

     Telles furent les derniers mots de la jeune femme au visage couvert de cendres avant qu'elle ne se fasse engloutir par les flammes. Sin se précipita vers la petite humaine et l'éloigna de l'incendie. Elle avait perdu connaissance. Elle ne se souviendrait sûrement jamais de ce malheureux incident, causé par la nature, et non par les Dieux.

    


     — Ils ne méritaient pas cela, articula gravement Sin devant les cendres du village.

     — On ne peut pas contredire mère nature. Si c'était sa volonté, on ne peut la défier, répondit Moro.

     Son et Sun restaient muets devant le carnage qui s'offrait à eux. Aucun villageois n'avait survécu, à part cette petite fille qui ne savait même pas marcher. Elle dormait paisiblement sur le dos de Sin, agrippée à sa fourrure blanche.

     — Qu'allons-nous en faire ? demanda un louveteau.

     Moro sembla réfléchir, mais le destin de cette petite fille était déjà tout tracé devant ses yeux.

     — Cette petite humaine est protégée des Dieux. Elle a survécu, alors elle doit continuer à vivre. Elle nous a été confiée pour que nous lui offrions une éducation digne de ce nom. Je respecte le choix du Dieu cerf et m'engage à élever cet enfant comme le mien, pour lui apprendre la haine des humains, et le former à protéger sa forêt au péril de sa vie. Le clan des loups s'agrandit, et cette petite nous sera d'une grande utilité pour vaincre les humains.

     Son ne contesta pas sa mère. Il observait la petite chose qui lui servirait de sœur, et pu y lire un grand courage. Cette petite accomplirait de grandes choses. Tous semblaient l'avoir senti. Alors Moro fit volte-face et s'éloigna en direction de leur caverne. Sin jeta un dernier regard en direction du village qui avait si longtemps cohabité avec leur forêt, et qui se trouvait maintenant sous un tas de cendres.



     Ils se dirigeaient vers leur caverne creusée dans la falaise. Ils formaient un cortège silencieux. Hana continuait de dormir et Sin lui lançait des regards attendris. Une petite branche lui tomba alors sur la tête et il geint. Les quatre loups levèrent la tête et purent apercevoir les orangs outans, avec leurs yeux rouges et luisants, les toiser de toute leur hauteur. Ils arrachaient des brindilles et les lançaient sur Moro et ses enfants. La louve grogna et ils articulèrent avec leur voix lente et monotone :

     — Qu'allez-vous faire de cet humain ? Donnez le nous, et nous l'achèveront.

     Le clan des loups n'avait jamais trop apprécié ces singes grincheux, malgré le fait qu'ils soient aussi des divinités de la forêt. Moro montra ses crocs et marmonna de sa voix raillarde :

     — Taisez-vous ! Vous n'avez pas à nous dicter notre conduite. Cette petite est ma fille, elle est la protégée des Dieux et elle le restera.

     Les orangs outans marquèrent une pause, puis se mirent à viser Hana avec leurs brindilles.

     — Donnez nous humain. Humain causera la perte de la forêt. Humain doit mourir.

     Hana s'était réveillée et observait ses agresseurs. Moro attendit sa réaction, mais elle ne pleura toujours pas.

     — Cette humaine sera déjà beaucoup plus compétente que vous. Regardez-vous pauvre singes. Vous n'arrivez même plus à faire de phrases complètes. Vous êtes petits et faibles. Cette humaine protégera le Dieu cerf car elle aura un peu plus de cervelle que vous !

     — Prends garde à tes paroles, mère louve. Tes fils sont déjà la preuve du déclin des Dieux. Nous allons tous disparaître et tu en seras en partie la cause !

     Son gronda et s'élança sur un tronc pour essayer d'atteindre ceux qui insultaient sa famille. Les orangs outans prient peur et disparurent dans le feuillage des arbres. Le louveteau revint sagement aux pieds de sa mère, et ils poursuivirent leur route jusqu'au grand rocher qui surplombait la vallée. Moro fit un bond majestueux et atteignit leur repère avec souplesse. Ses fils firent de même, et ils s'enfoncèrent alors dans la grotte contre la falaise. Moro déposa Hana à ses pieds et chargea Sun de rapporter de la nourriture.

     Il revint quelques instants plus tard avec un poulet entre les dents. Moro regarda ses trois fils dévorer la chair crue de l'animal, puis fut entièrement satisfaite de la réaction de sa nouvelle fille.

     La petite s'était mise à quatre pattes et avançait vers ses trois frères. Ils la laissèrent accéder à leur nourriture, fascinés par ce petit être qu'ils ne connaissaient pas et qui s'imposait déjà au sein de leur famille. Elle prit dans ses mains un morceau de poulet déchiqueté et le fourra dans sa bouche. Elle n'avait pas encore de dents complètements formées, mais essaya tout de même de mâcher le morceau de viande. Moro sourit et Hana laissa retomber le morceau baveux qu'elle n'avait as réussi à ingérer. Une plume s'envola et lui frôla le nez. Elle éternua et les louveteaux se mirent à sourire à leur tour. Moro prit la parole :

     — J'espère que vous prendrez bien soin et que vous éduquerez convenablement votre petite sœur, San.       

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant