45/ Evasion

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     Sa poitrine se soulevant difficilement, la jeune femme essaya désespérément de se libérer de l'emprise du marin. Elle saisit sa main qui lui entourait la gorge, espérant lui faire lâcher prise. Il se mit à hurler pour alerter tous les autres marins, tout en jetant des regards au corps de son capitaine. L'esclave manquait d'air, et son cerveau cessa de commander ses bras qui retombèrent le long de son corps.

     A peine le matelot avait-il crié quelques appels à l'aide, qu'une lame lui transperça les entrailles, manquant de peu le ventre de la jeune femme. L'homme tomba au sol en poussant un râle d'agonie, et enfin libérée, l'esclave s'écroula au sol, incapable de tenir debout. Gonza rangea l'arme dans sa ceinture et souleva la jeune femme en lui attrapant les bras.

     — Tu l'as tué ?

     Incapable d'user de ses cordes vocales pour le moment, elle lui répondit en fixant intensément le cadavre de son maitre qui gisait au milieu de la cabine. Le pirate à la peau d'autant plus sombre dans l'obscurité hocha la tête et prit la main de l'esclave pour l'entrainer à l'arrière du navire :

     — Il faut se presser, tous les marins seront bientôt réveillés.

     — Et toi, que faisais tu ? demanda-t-elle enfin.

     Il ignora sa question et se précipita vers un canot attaché sur le pont, qui n'attendait qu'eux pour les aider à s'enfuir. Tandis qu'il défaisait les nombreux cordages tous attachés avec des techniques de nœuds différents, elle monta la garde en priant que les autres matelots ne les trouvent pas de si tôt. Son souhait ne fut pas exaucé car elle entendit des exclamations de voix se rapprocher de leur position. Des torches illuminèrent le bateau plongé dans l'obscurité totale de la nuit, et Gonza lui glissa, en voyant les flambeaux se rapprocher :

     — Va te cacher vite, je vais les éloigner.

      Elle hocha vivement la tête et couru à l'opposée de la position des marins. Tapie dans l'ombre un peu plus loin, elle écouta attentivement les bruits qui se faisaient entendre à l'autre bout du pont.

     — Gonza ! Tu as vu la catin ?

     Le marin avait subitement cessé son ouvrage pour faire face à son interlocuteur.

— Non, je ne l'ai pas vue, mais en tout cas, elle ne peut pas se cacher par ici, je patrouille depuis plusieurs heures déjà.

— Elle a tué le capitaine.

— C'était à prévoir.

— Bien sûr, mais il ne l'a pas vu venir. Cette sale gamine cache plutôt bien son jeu. Allez, on continue à chercher ! Le premier qui l'a trouve, il lui fait la peau et jette son cadavre aux requins.

Approuvant grandement cette idée qu'ils trouvaient réjouissante, les marins suivirent leur meneur et repartirent d'où ils étaient venus. L'esclave se décida à sortir de sa cachette et rejoignit son complice tout en progressant avec le dos courbé. Elle l'avait presque atteint alors qu'il continuait à libérer l'embarcation, lorsqu'elle sentit une masse s'abattre dans son dos et l'aplatir au sol.

Elle poussa un cri qui résonna dans la nuit et ne mit pas longtemps à s'apercevoir que les torches faisaient demi-tour pour se rapprocher de l'agitation qu'elle avait causé. L'agile matelot dans son dos lui saisit ses cheveux d'ébène pour les tirer en arrière. Son dos se cambra face à la force du marin et elle gémit faiblement.

Son visage fut bientôt éclairé par des dizaines de brasiers ardents qui accentuaient la sueur qui dégoulinait de son front.

— Tu n'aurais pas pu te cacher bien longtemps, catin.

Elle serra les dents au moment ou un membre de l'équipage se pencha vers elle en dévoilant son sourire jaune et édenté. Elle sentit le feu se rapprocher de son visage et des étincelles lui brûler la peau. Il tendit sa torche au premier venu, et eut ainsi les mains libres pour dégainer son sabre.

Ils étaient tous là, à la regarder avec des expressions mauvaises. Son dos et son crâne la faisait souffrir mais elle ne pouvait changer de position. Elle était faible, impuissante, et elle sentait la mort approcher à grands pas.

Elle trembla au moment ou le sabre du matelot lui frôla la gorge et qu'il s'écria :

— Ta tête sera notre trophée, et ton corps sera le repas des poissons !

Il prit son élan et elle ferma les yeux, incapable de supporter la vue de cette lame qui s'apprêtait à la décapiter. Une larme roula sur sa joue. Il n'était pas dans l'intérêt de Gonza de venir la sauver, il périrait lui aussi. Elle était perdue.

Néanmoins, ce ne fut pas sa gorge à elle qui fut transpercée, mais celle de son bourreau qui s'écrasa au sol avec un bruit sourd. L'émeute débuta alors. Gonza avait rejoint la jeune femme au centre du cercle formé par les marins, et surpris l'homme qui la paralysait en lui ouvrant la gorge également. Libérée, elle mit un moment avant de se remettre de ses émotions, tandis que Gonza essayait de repousser des marins déchainés qui menaçaient de s'en prendre à elle.

Le sang giclait de toute part, le marin à la peau café au lait était vraiment habile avec son épée. Il parvint à repousser un bon nombre de ses assaillants jusqu'à ce qu'il se retrouve à son tour au sol, entouré par des épées menaçantes. Il n'osa plus faire un geste et jeta un regard à la jeune femme qui elle, essayait de dénombrer tous les cadavres qui jonchaient le sol en bois.

Sachant la fin proche, elle se recroquevilla au sol, les genoux collés contre sa poitrine. Gonza lui jetait des regards impuissants et il sentit une dizaine de lame se planter légèrement dans sa peau.

— Espèce de sale traitre, fulminaient ses camarades en attendant le moment où ils pourraient tous l'embrocher pour se venger.

Ils éloignèrent leurs épées, prêts à porter le coup fatal. Gonza ne broncha pas. La jeune femme se cacha les yeux, se rendant compte que tout était sa faute. La mort l'empêcherait de culpabiliser. Les marins poussaient de fortes exclamations de satisfaction ou de mécontentement, ils agitaient leurs torches qui dansaient dans l'obscurité.

Puis soudain, un bruit. Un bruit qui domina tous les autres. Des coups de feu. Des arquebuses. Et des cris.

— A mort les pirates ! 

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant