19/ Etranger

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     Les pleurs d'un bébé résonnèrent dans la nuit. Une jeune femme à la chevelure brune s'éveilla brusquement et se frotta les yeux. Elle posa ses pieds nus sur le sol froid et sorti de son lit chaud et douillet, pour aller voir la petite fille qui pleurait dans son landau. Elle la prit affectueusement dans ses bras et lui chuchota des mots doux pour la rendormir. Line sourit néanmoins et regarda le soleil pointer et s'infiltrer dans sa cabane à travers le rideau entrouvert qui lui servait de porte. Elle regarda Hana qui ne semblait pas vouloir dormir et soupira. Elle sortit avec la petite dans les bras et vit alors passer devant elle un groupe d'enfants qui couraient et chahutaient.

     - Vous êtes très matinaux dis donc.

     - Bonjour Line ! s'exclamèrent-ils en chœur.

     Un petit garçon aux dents manquantes se posta près de la jeune femme et se mit à admirer la petite Hana qui avait cessé de pleurer, et battait l'air avec ses petits poings fermés.

     - C'est ton bébé ? bafouilla-t-il avec sa dentition en pleine croissance.

     - Non, ce sont les Dieux de la forêt qui lui ont ramené, ajouta une petite fille en remuant ses deux couettes. Ce bébé est un protégé des Dieux, voilà pourquoi il a atterrit dans notre village. C'est un cadeau.

     Line sourit et leur annonça qu'elle ne savait pas si ce bébé était une offre des Dieux, mais qu'en tout cas, il embellirait ses journées. Même si elle était obligée de se lever toutes les nuits pour ne pas qu'il réveille tout le village. Les enfants repartirent en courant et en riant pour aller faire leurs offrandes quotidiennes aux Dieux de la forêt qui veillaient sur eux et les laissaient en paix.

     Line sorti du village, après avoir fait manger sa nouvelle progéniture. Elle observait la forêt en se faisant balloter dans les bras de sa tutrice et ouvrait de grands yeux émerveillés. La jeune mère s'arrêta devant un petit plan de fleur et s'agenouilla devant lui. Elle attendit un instant, puis un petit Silvain apparu devant les deux femmes. Il se tenait debout au milieu des fleurs, les dépassants à peine et regardait les deux inconnues avec les deux trous qui remplaçaient ses yeux.

     - Bonjour esprit de la forêt, murmura la jeune femme en harmonie avec le calme paisible qui régnait dans la forêt. Me permettriez-vous de cueillir ces jolies fleurs ?

     Un temps s'écoula, puis l'esprit blanc bascula sa tête sur le côté, et sa bouche sembla s'étirer en un sourire. Elle le lui rendit et Hana se mit à rire en voyant à nouveau ce petit bonhomme pas plus grand qu'elle. Elle en laissa même tomber au sol la couronne de sa mère qu'elle emmenait partout avec elle. Line glissa sa main dans l'herbe humide pour ramasser l'objet, et le Silvain disparu. Elle se permit alors d'arracher quelques tiges de fleur qu'elle coinça dans le creux de son coude, avant de repartir gaiement avec Hana.

     La cohabitation avec les esprits de la forêt se déroulait toujours aussi bien, et Line s'en réjouit. Un seul signe de mécontentement d'un Dieu, et tout le village se mettait à paniquer. Si les orangs-outangs ou les loups avaient un jour l'idée de les attaquer, ils seraient complètement prisonniers dans leur village contre la falaise, en plein cœur de la forêt.

     La fumée des offrandes quotidiennes commença à piquer les narines de la jeune femme. Elle entra dans le village et s'empressa d'aller mettre ses fleurs dans un vase. Hana commença alors à geindre dans ses bras. Elle l'a déposa sur une chaise et vit qu'elle tendait ses mains vers l'objet qu'elle tenait dans sa main. Line sourit et tendit le cerceau à la petite qui le remit immédiatement dans sa bouche.

     - Tu y tiens vraiment à ce bijou. Ta mère te manque j'imagine. Je ne serai jamais comme elle...

     Line soupira et s'assit par terre en face du bébé. Elle regarda un instant le sol, dépitée. Elle avait toujours été seule. Ses parents n'avaient jamais vraiment été là pour elle, puis ils avaient quittés le monde des vivants. Elle s'était à jamais jurée d'être une bonne mère, et une bonne épouse. Pourtant, elle était seule depuis des années, et elle allait sûrement le rester. Il était si difficile d'élever un enfant qui n'était pas le votre ! Elle déglutit, ravalant quelques larmes, jusqu'à ce qu'elle sente la main de l'enfant se refermer autour de son doigt. Elle leva ses yeux humides vers la petite fille aux mèches brunes qui rit de plaisir en voyant le visage de sa nouvelle mère. Des larmes roulèrent sur les joues de Line qui murmura :

     - Toi tu es vraiment un cadeau. Trouvons un nom convenable pour une frimousse aussi adorable.

     Elle fut coupée par une femme qui tira son rideau et s'exclama :

     - Line ! Il y a un étranger aux portes de la ville, viens vite !

      La jeune femme se leva d'un bond et sortit en laissant Hana sur sa chaise et son cerceau dans la bouche.

     Un attroupement c'était déjà formé à l'entrée du village, ou un petit homme avec un kimono blanc et un chapeau rouge se tenait. En s'approchant d'avantage, Line pu voir son ventre rebondit et son nez écarlate au milieu de son visage.

     - Bonjour cher amis ! s'exclama-t-il avec sa voix nasillarde.

     Le chef du village se tenait devant lui et dit d'un ton qui se voulait aimable :

     - Bonjour étranger, puis-je savoir ce qui t'amène au cœur de cette forêt ?

     - Eh bien si vous voulez tout savoir, poursuivit-il, je cherche la forêt du Dieu cerf, et il me semble être arrivé à bon port. Mais laissez-moi-vous demander également une chose, que fait un village au milieu de cette forêt si hostile aux humains ?

     Line sentit ses joues s'empourprer. Cette forêt ne leur paraissait pas hostile. Elle ne l'était que pour ceux qui n'avaient pas une âme aussi pure que la leur. Elle se méfiait de cet étranger. Comment avait-il réussi à arriver jusqu'ici ? Et que venait-il chercher exactement ?

     - Notre village a établit un pacte avec les Divinités de la forêt. Mais venez donc mon ami, laissez nous vous héberger pour la nuit.

     Line se pinça les lèvres et la foule se dispersa. Elle voyait d'un mauvais œil la venue de cet homme si étrange.

     Lors du dîner, alors que le soleil était déjà bien bas, il s'installa parmi les autres hommes du village, et Line écouta d'une oreille attentive toutes les informations qu'il fournit.

     - Mon nom est Jiko, je suis un simple moine qui cherche à se recueillir dans cette forêt. C'est un bien agréable village que vous avez là.

     Il n'en dit pas plus, mais la jeune femme n'en cru pas un mot. Elle fit avaler une portion de riz à Hana, puis rentra dans sa tente pour la coucher. Au petit matin, l'étranger du nom de Jiko avait disparu.

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant