48/ Nom

40 7 11
                                    

Les rameurs, tous esclavagés depuis des années venaient de sortir de leur trou où ils moisissaient depuis tout ce temps. Ils avaient brisé leurs chaines, volé les armes, et n'attendaient plus que de pouvoir s'en servir. La jeune femme se colla au sol au moment où une balle lui frôlait l'oreille. Le carnage se poursuivit. Le bateau ondulant sur les vagues douces étaient devenu un champ de bataille, et bientôt un cimetière de matelots.

Gonza releva l'esclave lorsqu'ils furent enfin en sécurité. Elle contempla la scène, la respiration saccadée, consciente qu'ils étaient tous les deux en vie. Le marin à la peau sombre lui fit un sourire en coin pour la rassurer et se tourna ensuite vers leurs sauveurs.

Les rameurs avaient toujours leurs arquebuses en main et les toisait d'une expression neutre. Gonza prit la parole en premier avec sa voix grave et résonnante :

— Merci de nous avoir secourus.

— Merci de nous avoir rendu la liberté, répondit un esclave.

Les deux interlocuteurs hochèrent la tête, ils étaient quittes. La jeune femme comprit enfin ce que Gonza était en train de faire lorsqu'elle avait égorgé le capitaine. Il avait libéré les rameurs de leurs entraves en leur demandant de se joindre à la bataille lorsqu'ils entendraient de l'agitation sur le pont. Travaillant juste en dessous de celui-ci, ils avaient vite aperçu le bois trembler et des coups se répéter au dessus de leur tête.

Reconnaissante, la jeune femme baissa la tête à son tour, puis il fut temps d'embarquer. Les canots furent tous réquisitionnés pour accueillir les fugitifs. Ils prirent enfin la mer alors que l'aube pointait à l'horizon. Notre protagoniste s'enroula dans son long manteau bleu et appuya son dos contre une paroi de l'embarcation en bois.

Epuisée, elle ferma ses paupières lourdes en ayant jeté un dernier regard au bateau à feu et à sang qu'ils laissaient derrière eux. Ils s'éloignaient progressivement, bercés par les vagues douces. Le calme revenait enfin. Le calvaire et la souffrance étaient passés, tout irait pour le mieux à présent.

Gonza ramait tout en regardant l'esclave dormir paisiblement et un sourire illumina son visage taché de sang. Il était fier de pouvoir lui offrir une vie meilleure. Alors, redoublant d'efforts, ils les rapprochèrent de la côte qui se dressait au loin, comme un asile ou une terre promise.

Le choc de l'embarcation qui rebondit contre le quai réveilla brusquement la jeune femme. Ils venaient d'accoster et l'aube pointait tout juste. Clignant ses paupières pour retrouver une vision normale, elle aperçut les autres canots se stabiliser près du quai. Gonza qui avait ramé sans relâche, s'adressa aux esclaves qui les suivaient, sans jamais montrer une seule trace de fatigue :

— Le jour se lève, dépêchons nous d'accoster avant que les marchands viennent amener leurs étalages et nous surprennent.

A ces mots, il attacha une corde qui gisait au fond de l'embarcation à un piquet sur le quai en pierre et se redressa. La jeune femme en fit de même et Gonza lui tendit sa main pour l'aider à traverser. Elle posa sa petite main pâle dans la sienne et s'appuya sur lui pour poser le pied sur la terre ferme.

Une vague de soulagement la submergea alors. Elle était enfin sur la terre, la première fois depuis des mois, et elle se sentit enfin rassurée, libre. Gonza posa à son tour son pied sur les pavés de pierre et prit une grande inspiration, faisant gonfler son torse :

— Bienvenue sur les terres japonaises.

La jeune femme sourit et observa les rameurs accoster à leur tour. Comme elle, ils se sentaient enfin libérés, et elle le ressentit. Derrière elle, les mats de grands bateaux amarrés sur le port tintaient, le soleil éclairait les rues pavées et les habitants ouvraient leurs volets pour laisser passer la douce chaleur du soleil printanier.

— C'est ici que nos chemins se séparent. Encore merci à toi, pirate rebelle, de nous avoir aidés.

— Adieu, esclaves libres, poursuivit alors Gonza en serrant la main de son interlocuteur.

Ils se sourirent en signe de respect, et les rameurs prirent alors chacun une direction différente pour commencer une nouvelle vie. Leur entrée dans le monde allait être rude, mais ils étaient persuadés d'y arriver.

— Attendez s'il vous plait ! les arrêta alors la jeune femme au dernier moment.

Quelques uns, sur la centaine de rameurs qu'ils avaient libérés, se retournèrent pour lui faire face. Intrigués, ils regardèrent la jeune esclave leur adresser la parole :

— J'aimerais vous offrir un travail, commença-t-elle.

— Ah oui ? Et comment ?

De son côté, Gonza était tout aussi intrigué que les esclaves.

— Je veux créer un grand village, là haut, perdu dans la montagne. Un village paisible où personne ne viendrait nous importuner. Nous serions tous ensemble et nous travaillerions et nous revendrions nos produits pour gagner notre vie. Nous ne dépendrions de personne, nous serions libres !

Les esclaves accueillirent cette idée avec une certaine appréhension.

— J'espère que tu y arriveras femme. Mais ce projet est encore trop flou pour que nous nous engagions dedans. Je te souhaite bon courage.

La jeune femme ne cacha pas sa déception, mais elle comprenait leur décision. Elle salua les esclaves en courbant la tête et ils firent de même :

— Pourrais-je au moins connaitre ton nom ? demanda-t-elle à l'esclave aux joues creuses, à la petite moustache et aux longs cheveux noirs.

— Je m'appelle Koroku. Et moi, à qui ai-je l'honneur.

Sa poitrine se gonflant de fierté, la jeune femme ouvrit la bouche pour se présenter. Elle pouvait enfin le faire, enfin le dire. Son nom, la seule chose qui restait d'elle, de sa vie d'avant, la seule chose qu'elle avait toujours pu cacher aux yeux des hommes. Ce qui constituait son unique personnalité :

— Lady Eboshi.      

Origines (Princesse Mononoké)Where stories live. Discover now