14/ Haine

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     - Tout cela pour un lièvre ?!

     Ashitaka et Kaya se faisaient déjà assommer depuis de longues minutes par les cris incessants de la mère de celui-ci. La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu'ils étaient rentrés au village. Le temps de suivre encore sur quelques kilomètres les Samouraïs pour voir s'ils repartaient bien en sens inverse, de retrouver leurs affaires au bord du ruisseau, et de rentrer précipitamment, la nuit était tombée d'un seul coup. Bien sûr, la jeune femme s'était fait un sang d'encre, comme les parents de Kaya qui l'attendant dans leur maison.

     - Tu peux aller retrouver tes parents Kaya, lui dit la mère en souriant.

     La petite s'inclina, et parti précipitamment en jetant un dernier regard au jeune homme qui allait passer un mauvais quart d'heure.

     - Quant à toi Ashitaka, que tu sois prince, guerrier, fils du chef de la tribu, et j'en passe, tu ne dois pas te forcer à risquer ta vie ! Je ne sais pas ce que ton père t'apprend, mais moi je t'ordonne de rester en vie le plus longtemps possible c'est clair !

     Ashitaka baissait la tête et frottait mollement le sol avec la pointe de ses petites chaussures en tissu.

     - Maman, je n'ai pas risqué ma vie...

     - Tu es rentré au beau milieu de la nuit avec une flèche et un arc sur le dos ! Tu aurais pu te blesser, te perdre, tomber dans une crevasse, te casser un os...

     Elle exagérait beaucoup trop. Le jeune homme ne voulu pas préciser qu'il n'était pas seul, mais cela aggraverait son cas. Kaya était plus jeune que lui, il n'avait pas à l'entrainer dans ce genre de mission périlleuse. Il fut calomnié encore pendant de longues minutes, puis demanda l'autorisation d'aller chercher à manger. Sa mère, exténuée, lui permis de sortir, sa voix complètement brisée, et elle s'affala sur une natte.

     Ashitaka sortit et referma la porte derrière lui pour laisser sa mère dormir paisiblement et se dirigea vers le centre du village. Même si elle était trop protectrice et colérique, elle était gentille, attentionnée et aimante. La meilleure mère qu'il aurait pu avoir.

     Son ventre gargouillait atrocement, mais il n'allait pas se servir une assiette de viande. Il avait menti et s'en excusait auprès de sa mère dans son esprit. Il avait donné rendez-vous à Kaya devant la tente de la vieille médium du village : Hii-Sama. C'était une petite femme très âgée qui vénérait les Dieux et lisait l'avenir dans de petites pierres ou pièces en bois qu'elle jetait sur un tapis.

     Ashitaka arriva en courant vers Kaya, lui prit la main et l'entraîna à toute vitesse vers la demeure de l'ancienne pour ne pas perdre de temps. Dans le village obscur, seuls quelques flambeaux éclairaient leur route, ainsi que la maison de la vieille femme, toujours allumée. Ils grimpèrent l'échelle verticale qui menait à l'entrée de sa maison et y pénétrèrent furtivement. Ashitaka sursauta en apercevant son père aux côtés de la vieille femme, assise en tailleurs sur une natte, les yeux fermés, signe d'une extrême concentration. Elle avait de longs cheveux blancs ramenés en un chignon serré sur sa tête maintenu par des baguettes :

     - J'ai bien peur qu'une attaque ne se prépare dans notre dos, articula-t-elle de sa voix tremblotante au moment ou Kaya faisait son apparition. Nous devons être prudents.

     - Hii-Sama ! s'écria Ashitaka. Vous avez parlé d'une guerre, et nous avons vu deux Samouraïs dans la forêt. Y a-t-il un rapport entre ces deux événements ?

     Le médium ouvrit les yeux.

     - Bonsoir Ashitaka.

     - Des Samouraïs, ici ? s'étonna le chef de la tribu, inquiet.

     - Ne vous ne faites pas, coupa Hii-Sama, ils n'avaient pas de mauvaises intentions, même si ce sont des gredins ils sont déjà repartis loin de nos reliefs.

     Ashitaka s'assit lourdement en tailleurs en face de son père. La vieille femme ne s'était jamais trompée. S'ils ne constituaient pas une menace, alors tout allait bien. Par contre, la guerre était inévitable :

     - Je suis prêt à me battre s'il le faut.

     La détermination et le courage d'Ashitaka fit rougir la jeune Kaya qui était restée en retrait.

     - Ressentirais-tu de la haine mon garçon ?

     Ashitaka fronça les sourcils et ne prit pas la peine de mesurer ses paroles :

     - Je ressens de la haine contre tous ceux qui veulent du mal à mon peuple. Je ressens de la haine pour les Samouraïs d'Asano et la destruction qu'ils sèment, je ressens de la haine contre l'Empereur qui nous persécute et nous anéanti de plus en plus chaque jour. Je ressens de la haine pour ceux qui veulent réduire à néant un demi-millénaire de lutte acharnée pour notre liberté !

     Le regard féroce du jeune homme brillait de colère et la vieille le remarqua :

     - La guerre est une chose à prendre au sérieux Ashitaka, mais cet apprentissage n'est plus de mon ressort, c'est à ton père de le faire. Néanmoins, je peux t'affirmer que la haine, n'est pas une bonne chose. Et j'espère que tu t'en rendras compte un jour. 

Origines (Princesse Mononoké)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant