34/ Déforestation

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     San couru à toute allure à travers la forêt et rejoignit en un rien de temps Moro qui observait la vallée du haut de son rocher.

     — Mère, d'où vient cette fumée ?

     La louve géante grogna et attira le regard de sa fille adoptive vers une parcelle de forêt qui avait disparu dans la nuit.

     — Des humains abattent notre forêt et la brûle, répondit la Déesse de sa voix grinçante.

     San en fut révoltée. Elle plissa les yeux pour apercevoir au bout de la vallée, un grand attroupement d'humains qui incendiaient les arbres ou les coupaient à la hache. La jeune humaine reparti à toute allure dans la direction opposée à celle de sa mère et siffla dans ses doigts. En quelques secondes, ses trois frères apparurent et continuèrent à courir à côté d'elle.

     — Que se passe-t-il San, ou est Moro ? demanda l'un d'eux avec sa voix rauque.

     Ils avaient beaucoup grandit mais n'atteignaient pas du tout pour autant la taille de leur mère.

     — Sun, j'ai besoin de toi. C'est toi qui cours le plus vite. Des humains sont en train de détruire la forêt sacrée, il faut que nous allions voir, balbutia-t-elle, essoufflée, mais sans cesser de courir.

     Le louveteau s'approcha d'elle et elle lui sauta sur le dos dans sa course. Les deux autres restèrent à proximité et répondirent néanmoins :

     — On vous accompagne.

     Ils dévalèrent alors la falaise à une vitesse impressionnante, et San n'oublia pas de positionner le masque qu'elle avait confectionné, sur son visage. C'était un morceau de bois taillé pour lui donner une forme ronde ou étaient peint en jaune trois ronds, représentant ses trois frères, sur un fond rouge. Le sang et la justice.

     Ils arrivèrent en vue des humains, ne cessant de courir à toute allure. Sun devançait ses deux frères et la jeune fille qu'il avait sur le dos agrippa fermement sa lance qu'elle pointa sur les intrus qui souillaient sa forêt. Ils furent enfin aperçus lorsqu'ils arrivèrent à quelques mètres du groupe. L'un avait perçu le martèlement de leurs pas et le souffle haletant des louveteaux. Il averti les autres qui se retournèrent et positionnèrent leurs armes devant eux, sous les ordres de leur commandant. San comprit de qui il s'agissait. C'était une grande femme à la chevelure noire et au visage fin et agressif. Elle était aux côtés d'un grand homme à la peau sombre dont les épaules étaient recouvertes d'une cape de paille. Elle fit un signe avec sa main et ordonna :

     — Feu !

     San se redressa plus sur le dos de son frère et serra la mâchoire. Elle allait faire passer l'envie à cette femme de détruire sa forêt. Pourtant, elle fut déstabilisée lorsque la balle de la première arquebuse s'écrasa à ses pieds et explosa en projetant de la terre dans tous les sens. Elle manqua de les faire tomber, elle et son frère, qui s'écarta à temps sur le côté.

     Ils se trouvaient tous les quatre à découvert, courant dans tous les sens à la merci de ces humains aux bâtons de feu. A contrecœur, San fit à son tour un signe avec sa main libre et les louveteaux se retirèrent pour gravir une colline et être ainsi hors de portée de leurs armes destructrices. La jeune humaine descendit du dos de son frère et observa la femme du haut de sa bute de terre, camouflée derrière un arbre. Comme si elle avait deviné qu'on l'épiait, celle-ci porta à son tour son regard vers San. Les deux femmes restèrent ainsi pendant un long moment, puis, impuissante, San ordonna à ses frères de se retirer. Satisfaite, l'autre recommença à observer ses hommes qui faisaient des réserves de bois en abattant un nombre important d'arbres.

     — Vous avez vu madame ? Il y avait un enfant qui accompagnait ces loups.

     La commandante n'adressa pas un regard à son second et se contenta de pouffer :

     — Une enfant louve hein ? Je me demande bien ce qu'elle a dans le ventre. Néanmoins, je ne permettrais pas qu'elle sabote tous nos plans, tout comme ces autres animaux qui vivent dans cette forêt.

     San marchait aux côtés de Sin, le visage grave. Moro les attendaient tous les quatre dans leur tanière et sa fille se chargea de tout lui expliquer. Ils étaient tous assis dans la grotte en train de mâcher des morceaux de viande fraiche et la Déesse grogna :

     — Une femme tu dis ? Elle était à la tête de ce groupe d'humains... Il faudrait découvrir ce qu'elle mijote. Demain, nous verrons si elle est toujours là, et bâtons de feu ou pas, je compte bien lui faire la peau. Les humains n'ont pas leur place dans la forêt, qu'ils soient en train de la détruire ou pas.

     San alla se dégourdir les jambes avec Sin qui était son frère avec qui elle était le plus proche. Ils déambulèrent dans la forêt en discutant de tout et de rien. Tout ce qui sortait de la bouche de Sin était néanmoins très intéressant. Ce loup sage était un puits de science et San aimait passer son temps avec lui. Elle lui gratta le sommet du crâne. Sa fourrure neige était douce, et elle aimait souvent s'y blottir pour dormir.

     Du mouvement au dessus de leur tête attira soudainement leur attention. Les Orangs-Outans se précipitaient par dizaines en direction de la vallée, et rien ne semblait pouvoir les arrêter. Ils sautaient de branches en branches, faisant tomber des morceaux de bois sur les deux enfants loups. San fronça les sourcils et se protégea les yeux avec ses bras nus.

     — Que font-ils ? demanda-t-elle à Sin.

     — Où allez-vous Orangs-Outans ? s'écria-t-il en guise de réponse.

     Quelques uns s'arrêtèrent, alertés par les cris du louveteau et répondirent de leur voix grave et résonnante :

     — Les humains détruisent la forêt, nous allons détruire humains.

     Ils se mirent même à jeter quelques brindilles sur San qui s'écria, vexée :

     — Nous aimerions faire de même et vous aider, mais vous ne pouvez pas y aller maintenant ! Ils possèdent des bâtons de feu, des armes qui peuvent vous anéantir, c'est beaucoup trop risqué !

     — Tais-toi enfant louve, dirent-ils en la fixant avec leurs yeux rouges et luisants, tout ce que tu souhaites c'est protéger les humains.

     — C'est faux ! J'irai leur faire payer !

     — Un jour, c'est toi qui payeras, et la forêt disparaitra à cause de vous les loups, car vous aurez fait confiance aux humains. 

Origines (Princesse Mononoké)Where stories live. Discover now