40/ Voix

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     Le clan des loups observait l'armée de sanglier qui s'éloignait d'eux en direction du village d'humains. Son se rapprocha de sa mère en sortant ses crocs :

     — Ne devrions-nous pas aller les aider ?

     — Même si ces humains méritent de disparaitre, il est hors de question que j'envoie mes enfants dans une bataille suicidaire.

     — Il faut que tu ailles le dire à Nago. Ils vont tous périr !

     Sin observait sa mère, les yeux implorants. San, quant à elle, paraissait distraite. Le dernier sanglier passa près d'elle, l'effleurant avec son pelage brun, mais elle ne le retint pas. Elle sentait quelque chose, une sorte de présence malveillante qui les observait.

     — Nago est trop entêté pour se résigner à faire demi-tour. Cette bataille, s'ils veulent absolument la mener, c'est la leur. La notre viendra en temps voulu.

     Moro fit alors volte-face et tourna le dos aux sangliers qui se rapprochaient lentement de la haute colline qui les séparait du village d'humains. Ils auraient atteint le lac à la tombée de la nuit, car le jour commençait déjà à décliner. Enfin, si jamais ils arrivaient à atteindre le lac...

     Les quatre loups s'éloignèrent avec une marche nonchalante. Seule San ne bougea pas d'un pouce. Elle observait les alentours, les yeux plissés. Sin remarqua qu'elle manquait à l'appel et s'arrêta. Il la dévisagea alors qu'elle prenait un air soucieux, toujours aux aguets. Il la vit alors soudain se redresser et sursauter, avant de bondir dans la forêt, poignard à la main.

     Il s'approcha doucement pour voir ce qui avait tant captivé sa sœur, mais quand il fut à l'endroit même où elle s'était tenue quelques instants auparavant, elle avait disparu.

     San arpentait la forêt, avec toujours ce mauvais pressentiment qui lui faisait froid dans le dos. Elle était certaine d'avoir aperçu du mouvement dans les fourrés, et elle ne laisserait pas sa proie s'échapper aussi facilement. Elle entendit des voix. Avec une extrême discrétion, elle se faufila derrière un buisson et écouta avec attention :

     — Il faut prévenir Dame Eboshi où les villageois se feront exterminer par ces bêtes sauvages.

     Elle compta les humains au nombre de trois. Il fallait absolument qu'elle les empêche d'arriver à leur village, ou les sangliers étaient perdus d'avance.

     D'un bond, elle sorti de sa cachette, son poignard brandi devant elle. Elle poussa un cri presque animal, se plongeant dans la peau d'une louve enragée prête à mordre et à tuer. Les trois hommes se retournèrent d'un bond pour la voir fondre sur eux et trancher l'air avec son arme. Elle en atteignit un au visage et le sang gicla de son éraflure en dessous de son œil qu'il avait bien faillit perdre.

     Elle allait remettre son attaque, alors l'un des trois cria :

     — Allez prévenir Dame Eboshi, je m'occupe de la gamine.

     San serra les dents au moment où il ôta sa cape et sorti un long sabre de sa ceinture. Elle allait lui faire passer l'envie de la traiter de gamine. Alors que les autres courraient en direction de la colline, elle esquiva l'attaque brutale de son adversaire et le repoussa en arrière. Ce fut alors à son tour de le provoquer. Elle fit trois pas pour réduire la distance qui se trouvait entre eux et bondit au dessus de la tête de l'humain. Celui-ci, déconcerté par la taille du saut de la jeune file et son agilité, n'esquissa pas un geste. Les pieds de San atterrirent sur les épaules de l'humain et elle en profita pour lui planter brusquement son couteau dans le cou.

     Elle sauta à nouveau sur sol avec adresse tandis que son adversaire derrière elle, s'écroulait au sol, sans vie. Elle se mit alors à courir aussi vite qu'un loup, bondissant par-dessus les obstacles et encaissant les branches qui lui fouettaient le visage. Elle sortit enfin de la forêt et aperçu au loin les deux humains qui gravissaient la colline dépourvue de végétation.

     A sa gauche, le troupeau de sanglier semblait faire une halte, et attendre la nuit au pied de la falaise. San hésita à aller les prévenir que les humains étaient au courant pour leur attaque. Néanmoins, elle préférait s'assurer que cela n'arrive pas plutôt que d'essayer de convaincre Nago, sachant qu'il n'abandonnerait pas pour autant.

     Elle poursuivit sa course et ne ralentit même par lorsqu'elle dû escalader la montagne. Les deux humains, qui peinaient à grimper et s'aidaient même de leur main, retrouvèrent vite l'usage de leurs jambes lorsqu'ils virent la jeune fille fondre à nouveau droit sur eux, tachée du sang de leur partenaire. Ils parvinrent jusqu'à la crête avant elle et dévalèrent la pente qui les séparaient du lac à toute vitesse.

     San arriva à son tour en haut de la montagne. Elle s'arrêta un instant, et positionna son masque sur son visage. Les deux hommes étaient maintenant à mi-chemin entre elle et leur village. Ils prirent le temps de faire une pause et de regarder derrière eux :

     — Où est-elle cette sauvage ? questionna l'un d'eux.

     — Elle est là ! s'affola l'autre en pointant San du doigt.

     Ils l'apercevaient comme une ombre minuscule de là où ils étaient. Néanmoins, elle eut vite fait de lever son arme devant elle, de se pencher en avant lentement, et d'entamer la descente des crêtes avec une vitesse effrayante.

     — Vite cours !

     Les deux humains prirent de nouveau leurs jambes à leur cou, mais San les rattrapa en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Elle prit de l'élan et sauta une nouvelle fois par-dessus les fuyards pour se retrouver devant eux. Les deux hommes, piégés par l'humaine masquée qui leur faisait face, s'arrêtèrent instantanément, les jambes tremblantes.

     — Elle ne peut rien contre nous deux, affirma celui de droite, du côté du lac. On va lui régler son compte !

     Il sortit à son tour un sabre, tandis que son partenaire n'osait pas bouger et espérait un miracle qui pourrait les sauver avec des yeux implorants. L'humain au large chapeau de paille s'élança sur la jeune file et un long combat s'ensuivit. Le bruit des lames qui s'entrechoquaient résonnait dans la vallée, et, voyant leur adversaire occupée, le deuxième humain en profita pour contourner les deux combattants et partir au pas de course pour prévenir Dame Eboshi.

     San remarqua l'absence de l'autre. Il ne fallait pas qu'il s'échappe. Elle le regarda s'éloigner en serrant la mâchoire et cette distraction lui couta un coup de pied dans les côtes. Elle tomba à la renverse et roula sur le sol pentu jusqu'au bord du lac. Elle se releva avec peine, le cerveau brumeux et les oreilles bourdonnantes. Elle se tint le ventre en grimaçant et encaissa un nouveau coup de la part de son adversaire. Il se jeta sur elle et ils tombèrent tous les deux à la renverse dans les profondeurs du lac.

     Tandis qu'ils coulaient, encore collés l'un à l'autre, San trouva la force et planter son couteau dans le ventre de l'humain. Il se détacha d'elle tandis que l'eau prenait une teinte rouge. N'ayant plus la force de se débattre, elle ferma petit à petit les yeux, en voyant la surface de l'eau s'éloigner lentement tandis qu'elle coulait dans les profondeurs du lac.

     Ses muscles la faisaient atrocement souffrir et son esprit en avait assez de lutter. Avant de perdre connaissance, elle entendit tout de même une voix masculine résonner dans sa tête.

     Non ne meurs pas !        

Origines (Princesse Mononoké)Where stories live. Discover now