38/ Plaine

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     Un silence de mort régnait tout autour du village des Emishi. Ashitaka, caché derrière un arbre, s'avança prudemment, prêt à tomber sur de nouveaux gardes. Rien ne se passa. Furtivement, il sorti de sa cachette et emprunta le même passage à l'arrière du village qui lui avait servi quelques heures plus tôt pour faire sortir les femmes et les enfants en toute discrétion. Une odeur de brûlé émanait de tous les coins, et Ashitaka regarda avec désolation son village désert sur lequel pesait une ambiance lourde remplie de souffrance.

     Le jeune guerrier dirigea son regard vers le haut des remparts en bois, constituant les fortifications de son village. Tous les hommes étaient là, recroquevillés sur des sortes d'échafaudages contre les poutres verticales et qui étaient assez solides pour soutenir tous les combattants du village. Ashitaka se précipita vers une échelle et grimpa à son tour sur les étroites plaques de bois ou se tenait assis un homme avec une certaine carrure et un certain âge. Il avait un arc à la main et des flèches dans le dos, et ne quittait pas des yeux l'extérieur du village, d'où pouvait surgir l'armée de l'empereur à tout moment. Il fut néanmoins déconcentré par l'apparition du jeune homme :

     — Ashitaka, qu'est ce que tu fais ici ?

     — Je viens vous aider.

     — Où sont les autres ?

     — Ils sont tous à l'abri dans la montagne, et Kaya est avec eux.

     L'homme qui avait exactement le même petit chignon qu'Ashitaka, serré au dessus de sa tête, soupira et reporta son attention sur la plaine éclairée par le soleil de midi.

     — Où est mon père ?

     — Il dirige une opération à l'extérieur du village. Ils sont partis à l'aube, après que les troupes de l'empereur se soient retirées en voyant la puissance de nos flèches. Mais ils reviendront sois en certain. Ils doivent être en train de préparer leurs armes technologiques pour anéantir le village, mais nous sommes restés pour le défendre.

     Il désigna toute une rangée d'homme, assis au même niveau qu'eux, et qui semblaient attendre les soldats de pied ferme.

     — Le but de ton père est de les chasser une bonne fois pour toute avant qu'ils ne tentent quoi que ce soit contre le village. Ils sont partis se cacher dans la forêt, ils auront l'effet de surprise.

     Ashitaka hocha la tête avec conviction. Il était trop tard pour aller rejoindre son père, mais il se battrait jusqu'au bout pour défendre son village. Du mouvement au bout de la plaine attira son attention. Des hommes sortaient de la forêt. Le jeune guerrier décocha immédiatement une flèche et la positionna près de son œil. Il ferma le second et observa avec attention les nouveaux venus. Ils semblaient tirer quelque chose avec de grosses cordes, et ils s'y mettaient à plusieurs. Ils avaient certainement décidé qu'il était temps de sortir l'artillerie lourde.

     — Les chiens ! s'exclama l'homme à la gauche d'Ashitaka. Ils ont ramenés leurs catapultes et leurs canons !

     Ashitaka serra la mâchoire et exerça une plus forte pression sur son arc. Les soldats affluaient en masse, suivis des plus grosses armes que le jeune homme ait jamais vues. Posés sur des planches de bois et acheminés grâce à de grandes roues, des catapultes immenses et des canons chargés furent positionnés en direction du village. Ashitaka senti la peur lui ronger l'estomac.

     — Il faut que nous les achevions maintenant, sinon ils nous extermineront tous !

     Il s'apprêta à lâcher sa flèche en direction de la troupe, mais l'Emishi d'une quarantaine d'années l'arrêta :

     — C'est inutile, ils sont hors de porté Ashitaka.

     — Mais nous, nous ne le sommes pas pour leurs armes, grogna le guerrier.

     En effet, à peine eut-il achevé sa phrase qu'il vit une grosse pierre s'élever dans les airs. Les hommes restés au village eurent à peine le temps d'esquisser un geste, que le rocher s'écrasait avec lourdeur sur leur palissade de bois. Un nuage de fumée s'éleva, et Ashitaka manqua de tomber à la reverse, secoué par le tremblement. Le trou se formait à quelques mètres de lui, l'ayant manqué de peu. Il toussa, essayant tant bien que mal de reprendre sa respiration.

     Les soldats ne semblaient pas prêts de s'en arrêter là. Alors qu'ils s'apprêtaient à remettre une de leur attaque, Ashitaka vit arriver au loin, un groupe d'Emishi armé. Ils fondirent sur les soldats et se lancèrent dans une lutte acharnée avec sabres, lances et flèches. Les assaillants, pris au dépourvus, réagirent avec un temps de retard et se firent massacrer par les flèches sifflantes des guerriers cachés dans le feuillage des arbres.

     — C'est le moment, hurla alors l'homme aux côtés d'Ashitaka à l'adresse des derniers villageois restés sur place.

     Ils descendirent tous de la palissade et passèrent par le trou formé par les soldats pour sortir du village, armes au poing.

     Ashitaka avait reçu l'ordre de rester caché derrière les remparts et de tirer sur le maximum de gardes de l'empereur de là où il était. Il n'avait pas contesté, et attendit que les soldats se rapprochent du village.

     La plaine verdoyante devint un véritable champ de bataille et se teinta de rouge. Seuls les cris et le tintement des armes résonnaient dans cet espace de guerre, et Ashitaka en avait mal à la tête.

     Il aperçu alors son père parmi la foule, du haut de son échafaudage. Celui-ci luttait d'arrache pied contre un soldat, sabres à la main. Il esquivait les coups avec une incroyable agilité malgré son âge, et Ashitaka en était subjugué. Il réagit à temps néanmoins pour transpercer le ventre d'un soldat avec sa flèche, lequel était maintenant à sa portée, et qui avait manqué de décapiter le chef des Emishi. Celui-ci en profita pour achever son premier adversaire et jeta un coup d'œil furtif à l'archer qui lui avait sauvé la vie. Il écarquilla les yeux lorsqu'il reconnu la tunique bleue de son fils, et cette seconde d'inattention lui couta une balle dans la poitrine.      

Origines (Princesse Mononoké)Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ