8/ Flèches

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     - Ashitaka, c'est ton tour !

     Kaya posa son arc au sol et regarda Ashitaka prendre le sien en main. Il avait les sourcils froncés, signe d'une extrême concentration de sa part. Même si ce petit tournoi de tir à l'arc n'était qu'un jeu, il prenait cette discipline très au sérieux. Cette méthode de combat était celle la plus utilisée par les Emishi qui arrivait à repousser les troupes de l'Empereur seulement avec des arcs et des flèches, comparé aux soldats qui utilisaient l'artillerie lourde. Il leur était plus facile de se cacher et d'atteindre leur cible sans qu'elle sache d'où venait le tir.

     Il dégagea des mèches rebelles qui retombaient devant ses yeux et se mit de profil à la cible. Kaya était face à lui et son regard se perdit sur le visage doux de son ami, sur ses yeux flamboyants et ses lèvres pincées. Il décrocha son regard de la cible un instant et comprit l'attention qu'on lui portait. Ils rougirent tous les deux et Ashitaka balbutia en souriant :

     - Je...enfin...tu...

     - Excuse moi, marmonna Kaya, tire dépêche toi !

     Elle s'écarta de lui et pu entendre ses deux amies derrière elle pouffer en les regardant. Elle leur tira amicalement la langue et la flèche d'Ashitaka émit alors un léger sifflement avant de se planter en plein cœur de la cible.

     - Bravo ! Bien joué !

     - Il est trop fort.

     - C'est pas juste !

     - Il faut le désavantager ou il gagnera à chaque fois.

     - Oh je suis quand même deuxième.

     Ashitaka regarda impuissant, les trois jeunes filles en pleine discussion très animée et se gratta l'arrière du crâne :

     - Calmez-vous les filles, vous êtes aussi très débrouillardes. Et puis j'ai quelques années d'avance sur vous.

     - Cela ne veut rien dire, s'indigna Kaya.

     Ashitaka eut un sourire gêné puis lança pour détendre l'atmosphère :

     - Bon, refaisons un tour, et je m'éloignerai de cinq pas. Partantes ?

     Elles se regardèrent avec sérieux puis s'exclamèrent à l'unisson :

     - Partantes !


     

     Ashitaka pénétra dans sa maison en boitant. Il était tard et le repas du soir était dans très peu de temps. Ils avaient continué leur tournoi pendant des heures, mais Ashitaka avait toujours été le vainqueur. Les trois filles avaient renoncé à se battre, juste après qu'une flèche ait frôlé la jambe du jeune garçon.

     Il s'assit lourdement sur un tapis de paille au sol et inspecta sa jambe. Il n'y avait qu'une légère éraflure qui ne le dérangeait guère, mais il n'eut pas le temps de le cacher à sa mère qui fit irruption dans la pièce :

     - Enfin rentré ! Alors, cet élan rouge, que t'a-t-il fait ?

     Il mit sa main sur sa cuisse pour couvrir sa blessure mais elle s'alarma immédiatement, ayant eu le temps de voir une seule petite goutte de sang sur l'habit bleu de son fils.

     - Mon dieu, mais qu'est ce que ton père te fait faire ?

     Elle s'agenouilla près de lui, tournant le dos à la porte restée ouverte, et examina Ashitaka.

     - Ton père est irresponsable. Je lui avais dit qu'à treize ans tu étais trop jeune pour ce genre de choses.

     Ce fut à ce moment là que l'intéressé entra dans la petite maison et qu'Ashitaka s'empressa de répondre :

     - Ce n'est pas à cause de Yakkuru maman, même s'il m'a quand même réduit le dos en miette. Je suis allé jouer avec Kaya et ses amies.

     La femme aux cheveux bruns relevés en chignon soupira :

     - Je savais que c'était une brave bête qui ne ferait de mal à personne. Mais à quoi as-tu donc joué ?

     Ashitaka serra la mâchoire et jeta un regard à son père par-dessus l'épaule de sa mère qui elle, ne l'avait pas remarqué. Celui-ci hocha la tête pour l'inciter à dire la vérité et Ashitaka prit une grande inspiration :

     - Au tir à l'arc.

     - Avec de vraies flèches ? s'écria la jeune femme devenue soudain pâle. Mais où avez-vous donc la tête ? Vous pourriez gravement vous blesser ou même vous tuer !

     - Ne dramatise pas tout voyons.

     La femme sursauta en entendant la voix de son mari derrière elle et porta une main à sa poitrine tout en se retournant.

     - Mais as-tu entendu ? Dis quelque chose voyons ce n'est pas raisonnable !

     Le mari soupira et s'assit en tailleur face à sa femme et son fils :

     - Il a treize ans, il sait ce qui est raisonnable ou pas. Il se débrouille très bien au tir à l'arc, je doute qu'un incident malencontreux se reproduise. Si l'empereur attaque demain, il faut qu'il soit prêt à combattre. Et pour cela, il faut qu'il pratique.

     La mère resta muette et baissa la tête. Elle savait très bien qu'il avait raison, mais comment une mère pouvait elle accepter que son enfant à peine adolescent puisse aller faire la guerre, et devienne le nouveau chef de la tribu ?

     - Je ferai attention maman, je te le promets. Papa m'a bien entrainé, je serai aussi fort que lui.

     Ashitaka entendit un faible sanglot secouer les épaules de sa mère. Elle porta une main à sa bouche et les deux hommes de la maison vinrent l'entourer de leurs bras protecteurs.

     - Désolé, murmura-t-elle, mais j'ai tellement peur de vous perdre.

     Ashitaka voulu ajouter une parole optimiste pour réconforter sa mère, mais son père fut plus rapide :

     - Je sais, je sais. Mais il faut s'y attendre, tout peut arriver subitement.

     Ashitaka se tut, ne voulant pas contredire son maitre. Pourtant, il n'avait pas peur, il n'appréhendait pas un conflit imminent. Il n'avait jamais vraiment été confronté à cela. Et puis, pourquoi encore venir les attaquer ? Ils avaient déjà résistés jusqu'ici. Pourquoi l'Empereur s'obstinait-il à vouloir les voir disparaitre ?

     Mais les malheurs et la guerre, cela n'arrivait qu'aux autres, pensait Ashitaka pour se rassurer. 

Origines (Princesse Mononoké)Where stories live. Discover now