44/ Fin

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Comme s'il venait de recevoir une flèche, Ashitaka sentit son cœur s'arrêter de battre et ses yeux s'écarquillèrent à cause de la frayeur. C'était bien un cri de femme qu'il venait d'entendre quelques secondes plus tôt, et son cerveau n'arrivait pas à digérer l'information. Le temps sembla être arrêté, autant pour les Emishi que pour les soldats Impériaux. L'aube pointant à l'Est leur permis de distinguer le sinistre événement qui s'apprêtait à survenir.

Des soldats encadraient les femmes et les enfants du village qui criaient de peur ou sanglotaient discrètement. Leur cachette avait été découverte. Les soldats, aidés par d'autres qui laissèrent tomber leurs catapultes, alignèrent les malheureux devant les fortifications du village Emishi. Le message semblait clair, mais le chef des troupes s'avança alors et dit d'une voix claire et forte :

— Rendez vous immédiatement, ou vos femmes et vos enfants mourront.

Le silence se poursuivit. Ashitaka sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine et sa main se resserra sur son arc au moment où il vit un soldat approcher son sabre de la gorge de sa mère. Celle-ci ferma les yeux pour éviter d'avoir à supporter la vision de cette lame étincelante prête à lui trancher les artères. Au même moment, les villageois décidèrent de s'en remettre au jeune prince :

— Qu'allons-nous faire ?

— La question ne se pose même pas, il faut sauver nos épouses et nos enfants ! Baissez vos armes !

— Si nous nous rendons, ils nous tuerons tous !

Ashitaka écoutait ces remarques désespérées d'une oreille distraite. La situation échappait à son contrôle. Kaya essayait de réconforter une de ses amies plus loin, car celle-ci craignait pour la vie de sa mère et de son frère. Ashitaka n'y tint alors plus et se redressa pour surplomber les assaillants de toute sa hauteur, son arc bandé devant son œil :

— Si vous les tuez, nous vous tuerons à notre tour !

Inconscient de ce qu'il était en train de faire, Ashitaka laissa la haine prendre possession de lui. Il ne permettrait pas que sa mère meure après avoir assisté au décès de son père. Le chef des troupes de l'Empereur s'esclaffa, et son rire résonna dans la plaine silencieuse. Même le vent et les oiseaux s'étaient tus :

— Tu crois être en position de force, gamin ? Lâchez vos armes ou vous périrez après avoir vu vos femmes tomber sous nos épées !

Ashitaka craignait de sentir son cœur exploser dans sa poitrine, et surtout de voir le sang gicler de la gorge de sa mère. Il resta quelques secondes sans changer de position, la pointe de sa flèche orientée vers le crâne de leur chef. Il laissa la raison reprendre le dessus sur son être et abaissa son arme, résigné.

— Sage décision, lui souffla un homme derrière lui.

Le reste des villageois déposa ses armes au sol sans faire d'histoires. Ashitaka prêta attention aux moindres mouvements des soldats, prêt à riposter s'ils faisaient ne serait ce qu'une seule victime parmi les femmes et les enfants. Cependant, l'attaque ne vint pas du camp adverse.

Ashitaka eut le temps de voir une flèche fendre l'air avant de se planter dans la gorge d'un des soldats qui tomba raide, mort sur le coup. L''attaque provenait bien évidemment du village, mais il n'eut pas le temps de voir qui déclencha l'énorme massacre qui se déroula si vite sous ses yeux :

— Vous l'aurez voulu ! s'écria alors le chef Impérial.

— Non ! tenta en vain de les arrêter Ashitaka.

Le sang gicla de tous les côtés, les enfants hurlèrent et tombèrent pour recouvrir l'herbe de leur sang vermeil. Ashitaka croisa le regard larmoyant de sa mère avant de voir une lame lui transpercer le ventre. Ses jambes ne purent plus le soutenir, il tomba à genoux. Ne prenant plus part au combat, il regarda à travers le trou béant dans leur muraille, les femmes mourir en criant et les soldats mourir d'une flèche dans le crâne. Au bout de seulement quelques minutes, le silence revint dans la prairie.

Un silence de mort. Seule la mort pouvait être aussi silencieuse. Il ne restait plus personne debout par delà les fortifications du village. Tous les enfants étaient morts, recouverts par leurs mères, et par leurs bourreaux, eux même assassinés. Les Emishi, bien que finalement victorieux, pleuraient leurs pertes en silence. Et Ashitaka, incapable de supporter la vue de ses deux parents couchés sur le sol rouge de leur sang, ferma les yeux et se laissa tomber en arrière, en espérant trouver la paix dans ce monde infâme.   

Origines (Princesse Mononoké)Where stories live. Discover now