Chapitre 6

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Coucou toi ! Avant de commencer ce chapitre, je t'invite à aller jeter un coup d'œil à mon nouveau roman : Aveuglément. Mafia, amour, handicap, suspens, guerre seront au rendez-vous !

Je ne t'embête pas plus, bonne lecture ! ;)

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Sur la glace, les crosses de hockey s’entrechoquent et les coups dans le palet résonnent nous livrant ainsi une mélodie dissonante et sonore. En plein entraînement, les athlètes donnent tout ce qu’ils ont et leurs imposantes masses musculaires se heurtent si durement que certains sont propulsés contre les parois de la patinoire. Pour en avoir déjà vu à la télé, je savais que le hockey représentais un sport très… intense. Chaque jour, les garçons m’impressionnent. Chacun rivalise de force, de vitesse et d’agilité alors que leurs lames fendent la glace avec assurance durant la course du petit palet noir.

Le 78 se démarque : plus rapide, plus robuste, plus massif. Lui, personne ne le plaque, c’est lui qui écrase. Tel un lion, les muscles bandés, il s’impose et se distingue. Archibald est indéniablement un grand sportif. Tantôt brutal, tantôt tactique, il a déjà conclu trois buts en moins d’une heure. Il créer la différence.
 
— Tu filmes John ?
 
Du coin de l’œil, j’observe la femme à ma gauche. Arrivée depuis près d’une demi-heure, elle attend avec une impatience visible que le coach ait fini pour l’interviewer. Le premier match éliminatoire des Tigers se profilant dans trois jours, elle est venue recueillir les impressions et les sentiments d’Andrew dans l’objectif de contenter les supporters. Emmitouflée dans une veste rose bonbon, elle s’applique une couche de gloss, la troisième en dix minutes. Celle-là, elle ressemble à tout sauf à une journaliste sportive.
 
Tirée à quatre épingles et maquillée comme l’on peut l’être sur le tapis rouge d’une remise de prix, elle détonne. Mais c’est sans doute ce que les spectateurs veulent voir : une jolie fille présentant un sport bien viril ! Manque plus que de la bière et l’on a le combo, gagnant… C’est incroyable de constater que la femme est utilisée en guise d’objet d’attraction d’audimat à la télévision. Ahurissant et déplorable.
 
Lorsque le coach souffle bruyamment dans son sifflet pour annoncer la fin de l’entraînement, je me positionne près de la porte que vont franchir les joueurs pour aller au vestiaire, les mains chargées de serviettes. Tous se servent, Archibald le dernier… il a dégoté son occasion de me rendre chèvre tout compte fait ! Aucune aide extérieure ne me sera accordée, Andrew est occupé par la journaliste et l’ensemble des Tigers a déjà rejoint les douches.
 
— Alors, comment m’as-tu trouvé ?
 
Si je devais faire preuve d’honnêteté, je dirais incroyable. Aussi bien « sportivement » parlant ; que physiquement parlant. Suant dans son équipement qui lui donne une carrure gigantesque, le casque sous le bras et une serviette à la main, il s’éponge rapidement le front avant de la déposer autour de son cou puissant. Pour observer son visage, il me faut largement pencher la tête en arrière, conséquence de ma petite taille. Sa mâchoire ciselée comme celle d’un guerrier grec, son nez aquilin, ses sourcils ombrageux et épais… Tous ces traits arborent une virilité attractive.
 
— Tu crois si peu en tes compétences que tu as besoin qu’on te rassure… pauvre chou, ça doit être difficile à vivre !
 
Ce sourire, c’est exactement celui-ci qu’il affiche avant de me taper sur le système. D’ailleurs, pourquoi faut-il qu’il soit si attirant quand il le montre ? Deux belles fossettes viennent creuser ses joues halées par le soleil, tandis que ce regard pénétrant prend des lueurs malicieuses.
 
— Ne t’en fais pas, chérie. Je connais mes compétences.
 
Un irrépressible frisson me parcourt l’échine. Quelque chose me laisse à penser qu’il n’est actuellement pas en train de parler de hockey. L’accent chaud de sa voix ? L’électricité qui crépite entre nous deux ? La tiédeur surprenant — et ridicule — qui naît dans mon bas ventre ?
 
— Tu feras gaffe, ma jolie. Encore un peu et tu deviens plus rouge qu’une écrevisse.
 
Instinctivement, mes mains rendues glaciales par l’air conditionné de la patinoire se posent sur mes joues, effectivement brûlantes. Je ne l’ai même pas senti venir. Mes propres réactions m’intriguent : comment se fait-il que mes sens deviennent si… exacerbés, enclins à se manifester ? J’ai déjà fréquenté des hommes, sans pour autant qu’un comportement similaire ne naquît…
 
— C’est le froid, King. Prends pas tes rêves pour la réalité…
 
Il ricane. Ne peut-il pas simplement me considérer avec sérieux ?
 
— C’est moi ou toi même que tu essaies de convaincre ? Tu es une piètre menteuse, joli cœur.
 
Au bordel, il m’a lancé ! Agacée, je murmure pour n’être entendue que de lui.
 
— Putain King, arrête de te prendre pour un foutu sexe symbole tu veux ? Toutes les femmes ne te désirent pas dans leur lit.
 
— Toutes nan, toi oui ; rétorque-t-il du tac au tac.
 
Mon imagination fiévreuse je me figure Archibald, dans ma chambre. Son corps immense alangui par l’amour, transpirant à côté du mien qu’il étreint sur mon petit matelas. Pas une once de répugnance à cette visualisation, je me sens toute chose. Une pression significative et inappropriée gonfle dans mes reins.
 
— Plutôt embrasser un crapaud !
 
— Pourquoi faire quand tu as déjà le prince ?
 
Quelle prétention !
 
— Tu es loin d’être un prince charmant.
 
— Ça me fend le cœur ce que tu me dis là, chérie… Mais dans ce cas que suis-je ?
 
— Un démon te définit mieux.
 
Il sourit, une idée lui a traversé l’esprit.
 
— Je trouve aussi. Je n’en ai pas les cornes… En revanche, je possède la queue !
 
Mes yeux s’écarquillent tandis que je prends une profonde inspiration, visant à me calmer et à m’empêcher de rire à l’absurdité de sa remarque.
 
— T’es… Tu es tout le temps si motivé à avoir le dernier mot ?
 
— Oui, encore plus avec toi. Je sais que ça t’énerve.
 
— Très bien, dans ce cas, faudra pas t’étonner si tu reçois un jour l’une de mes chaussures.
 
Et c’est pas l’envie qui m’en manque…
 
— Si tu les envoies aussi bien que l’autre fois, j’ai pas trop à m’en faire !
 
Il se moque et je perds espoir. C’est sans fin. Il est grand temps que cette conversation cesse, dans le cas contraire je risque d’attirer l’attention.
 
— Va te laver, tu sens l’ours King.
 
Sans attendre, je me détourne. Il poursuit.
 
— Merci du compliment, chérie ! Et je confirme, ton cul est magique…
 
Mortifiée, je me retourne pour le voir disparaître avec un sourire si large qu’il illumine son visage, lui octroyant quelque chose de proprement tentant. Précipitamment. Je regarde en direction du coach. Plongé dans son interview, il ne me prête pas la moindre attention. Soulagée, je m’affale sur le premier gradin venu pour reprendre mes esprits après le passage de la tornade Archibald. Je ne comprends pas ce que ce mec me veut… Enfin non, il reste plutôt clair dans ses intentions : me sauter, toutefois cet acharnement conserve un aspect nébuleux.
 
Ça l’amuse sans doute ? Je dois représenter une distraction dans sa vie surchargée de star du hockey. L’interdit est un excellent stimulant. Telles étaient les paroles prophétiques de Lara. Elle avait raison, ça me coûte de l’admettre. Archibald ressemble au genre d’homme à qui tout réussit et auquel personne ne s’oppose. Si je lui apparais comme un fruit défendu, normal qu’il essaie de me croquer. En outre, le repousser n’entraîne pas une simplification de la situation, ça doit le rendre dingue.
 
Quand même… Il pourrait conquérir toutes les filles qu’il veut, y compris les mannequins, les actrices ou les chanteuses ! Humblement, je me considère comme une jolie fille, pour autant ça ne me confère pas le pouvoir pour rivaliser avec ces femmes-là ! C’est absurde ! De toute façon, nulle concurrence n’a besoin de s’installer, Archibald ne m’apportera que des problèmes. Et cela fait à peine une semaine… Maudit soit celui qui l’a placé sur ma route !
 
Réfléchir plus longtemps dans mon coin serait ridicule et accorderait bien trop de crédit à cet homme imbuvable. Aussi, je me lève et m’approche du coach en prenant garde à ne surtout pas entrer dans le champ de la caméra. J’aurai bien trop peur de passer devant en pensant que des milliers — voire des millions — de personnes me regardent. Le projecteur fait rêver de nombreuses filles. Ce n’est pas mon cas, la célébrité n’a pas d’attrait à mes yeux. Je me sens bien dans cette petite vie inconnue qui est la mienne.
 
Celle que je surnomme Miss beauté, et mon père se tiennent face au caméraman, la première souriante à s’en décrocher les mâchoires, le deuxième plus modéré, professionnel je dirais. La fille n’affichait pas du tout ce visage radieux quand elle attendait Andrew tout à l’heure… L’hypocrisie de la télévision. Peut-être que plus sa risette est grande, plus les spectateurs sont présents… À moins que ce soit le cas pour son décolleté. Il me paraît plus plongeant que précédemment : a-t-elle détaché des boutons de sa chemise ?
 
En réalité, je m’en moque et puis ça ne me ressemble pas de cracher dans le dos d’une femme. Qu’est-ce qu’il me prend ? Après tout, nous sommes libres d’agir comme on le désire sans jugement, à l’instar des hommes. Je demeure simplement curieuse de savoir si le choix de sa tenue très… révélatrice relève sa propre décision, ou de celle de son boss.
 
Mon père surpasse de taille la journaliste et se montre serein. La caméra ne lui glace pas le sang comme elle le ferait avec moi. Posément, il répond aux questions avec une sélection de mots si minutieuse qu’il semble avoir préparé ses paroles. Non, Andrew n’est pas du genre à perdre son temps avec de telles broutilles, il a déjà bien assez à gérer avec l’équipe. Ce doit être l’entraînement et l’habitude qui lui ont forgé cette assurance et cette aisance. Après tout, il n’en est pas à sa première saison de hockey en tant qu’entraîneur. Il me semble que ça fait 3 ans qu’il travaille auprès des Tigers et chacun s’accorde à dire qu’il produit de bons résultats ; aussi bien les joueurs, que les supérieurs ou les fans. J’avoue avoir mené des recherches depuis un moment…
 
— La période éliminatoire va commencer et vous vous apprêtez à affronter les Hurricanes de Columbus, comment se sent votre équipe ?
 
— Mes garçons sont en pleine forme, prêts pour attaquer la saison éliminatoire avec force. Ils fournissent de bons résultats lors des entraînements.
 
— Confronter les Hurricanes ne vous effraie pas ? Après tout, ce sont eux qui vous ont disqualifié lors de la demi-finale de l’an passé.
 
Le regard du coach se voile un instant tandis que la journaliste sourit… Du « croustillant », c’est tout ce qu’elle veut, et l’évocation de ce souvenir douloureux lui en offre un sur un plateau d’argent. Quelle garce !
 
— Nous sommes confiants, cette année nous sommes encore mieux préparés qu’auparavant.
 
— Vous croyez donc être en mesure de les éliminer ?
 
— Seul l’avenir nous le dira, mais je pense que les Tigers détiennent ce qu’il faut pour venir à bout de leurs adversaires.
 
— Vous estimez pouvoir remporter la coupe Stanley cette année ?
 
— Chaque équipe qui participe à ses chances. Et si elles se préparent durement, c’est pour la gagner. Mes joueurs ne font pas exception à la règle. Nous avons bon espoir de décrocher le trophée.
 
J’admire profondément sa retenue et la modestie dont il fait preuve. Il n’est pas grossier comme de nombreux entraîneurs et ne déclare pas orgueilleusement souhaiter « écraser les adversaires », je l’ai souvent entendu. Il parle d’eux avec le respect qui leur ait dû, les considérant en égaux. Encore une fois, il me surprend et se distingue de l’image que j’avais préconçue de lui.
 
— Très bien monsieur David, merci d’avoir répondu au revoir.
 
— Au revoir ; conclut-il en sortant du cadre pour laisser à la jeune femme le temps de finir son speech.
 
Arrivé à ma hauteur, il s’assoit à côté de moi et soupir.
 
— Je hais les journalistes.
 
Un petit gloussement m’échappe. La première fois que mon père me fait rire : chose qui m’aurait paru aussi fantasmagorique que l’existence des licornes. En tout cas, il cache bien son jeu, lorsqu’il parlait dans le micro, personne n’aurait été en mesure de déceler la moindre trace d’animosité. J’ai souvent eu cette impression qu’il prenait tout sur lui et ne laissait jamais rien transparaître. Par exemple, ses sourires restent si fugaces qu’on se demande s’ils ont eu lieu et quand il se montre trop amical, il remet bien vite son masque de froideur. Il n’offre à personne la possibilité de l’approcher.
 
Qu’est-ce qui a bien pu changer cet homme en cette huître désespérément close ? Son passé ? J’ai eu beau fouiller sur le net, je n’ai rien trouvé hormis des articles sur ses exploits sportifs. À croire qu’il n’a pas eu de vie en dehors du hockey. Pas de scandales liés aux femmes comme il y en a partout aujourd’hui. Pourtant il fut logique qu’il en soit ainsi, qu’il y ait des témoignages de cette vie de libertin qu’il aimait mener. Ce goût pour les aventures féminines qui l’ont poussé à abandonner ma mère. Étrangement, rien. Ce père représente un mystère qu’il me faut percer.

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