Chapitre 7

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Coucou toi ! Avant de commencer ce chapitre, je t'invite à aller jeter un coup d'œil à mon nouveau roman : Aveuglément. Mafia, amour, handicap, suspens, guerre seront au rendez-vous !

Je ne t'embête pas plus, bonne lecture ! ;)

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Le week-end reposant se concrétise enfin, et comme souvent le samedi, je m'éloigne de la ville pour m'enfoncer dans cette campagne où vit paisiblement ma mère entourée de chien et de chevaux. Si cela me permet de lui donner un petit coup de main pour s'occuper des bêtes, c'est avant tout un moment de partage où mère et fille se réunissent pour prendre des nouvelles.

J'ai toujours aimé cet endroit pas si coupé du monde, et qui parvenait pourtant à offrir cette bulle de solitude bienfaitrice et lénifiante, propre au paysage. Autour de moi, les forêts tantôt vertes tantôt jaunies par les rayons du soleil brûlant s'étalent librement. Ici, le béton n'a pas encore dévoré la végétation et si la route ne se formait pas pour m'indiquer le chemin à emprunter, on pourrait se croire perdu en pleine nature.

Aujourd'hui, ma détente et mon appréciation de cet environnement qui m'est si cher sont limitées. Je ne peux pas parfaitement savourer ce moment à bord de mon vieux bolide diffusant du Frank Sinatra. Cette boule de stress et d'appréhension qui me pèse sur le cœur refuse de disparaître. Grandir avec ma mère a fait d'elle ma plus proche confidente lui conférant la capacité de détecter les choses qui me tracassent. Je n'ai jamais eu de secrets pour elle, jusque maintenant. En lui rendant visite la semaine dernière, même si la culpabilité d'avoir postulé pour être l'assistante de mon père me taraudait, je me consolais en me disant que ça n'allait sans doute mener à rien. Je n'étais pas la seule à avoir candidaté, et il tombait sous le sens que j'étais loin d'être la plus calée pour ce poste. Et contre toute logique, j'ai été choisie. Je persiste à croire que le destin m'a filé un coup de main.

Puis tout s'est vite mis en forme, j'ai été rappelé le dimanche et le lundi j'attaquais mon premier jour. Bref, maintenant, je me retrouve à devoir lui mentir en la regardant droit dans les yeux. Quelque chose que je n'ai jamais fait et provoque un accroissement de mon appréhension. Je ne sais pas où ça me mènera. Si ma mère l'apprend, elle sera très déçue et je crains de lui apporter énormément de peine. Mais je ne peux malheureusement pas lui dire la vérité. Elle a toujours fait preuve d'une telle colère vis-vis de mon père, que ne pas l'informer de mon désir de le rencontrer m'est apparu comme la meilleure ligne de conduite à suivre. Elle n'aurait pas compris pourquoi j'y tenais tant : découvrir celui qui nous a abandonné et n'a témoigné aucune forme d'amour envers nous. Envers moi surtout, me rappelait-elle souvent alors qu'il avait souhaité ma mort.

Garé dans la cour de la maison familiale, j'attends un instant, essayant de me remettre les idées en place et de me calmer. Tout va bien se passer, il n'y a pas de raison, il faut y croire. Après une profonde inspiration, je sors de la voiture, aussitôt Max, un berger australien plein de vigueur, vient à ma rencontre pour me saluer. Je suis rassurée que ma mère ait de tels animaux pour lui tenir compagnie et veiller sur elle dans cette campagne reculée. La présence de chiens dissuade souvent les gens malintentionnés.

Lorsqu'il arrive à ma hauteur, il m'octroie une fête pas possible, jappant joyeusement quand je le gratifie de caresses. Cette bête est un amour. Derrière lui, d'un pas plus lourd et tranquille, notre vieux labrador blond, Bess, approche. Avoisinant maintenant les onze ans, la mémère coule des jours heureux à la campagne. Ameutée par tout ce tintamarre, ma mère sort bientôt sur le perron, impatiente de m'accueillir. Elle me serre dans ces bras, comblée de me voir, et je savoure ce moment. Ses câlins représentent l'une des sensations les plus agréables au monde.

- Tu as fait bon voyage, ma chérie ?

Elle ne possède pas le permis, c'est pourquoi elle est rarement sereine quand je prends la route. Savoir qu'elle vit seule sans voiture ne m'a jamais rassuré, s'il lui arrivait quoi que ce soit elle n'aurait aucun moyen de se déplacer. J'ai bien essayé de la rapprocher de la ville, mais elle a toujours refusé de quitter cette maison qui m'a vu grandir. Quant à lui apprendre à conduire : elle est une fervente adepte du vélo ; du cheval ; et du vieux bus dirigé par le tout aussi vieux Hearl s'arrêtant quatre à cinq fois dans la journée non loin d'ici.

- Oui maman, tout s'est très bien passé. Juste quelques bouchons.

- Tant mieux.

La porte d'entrée restée ouverte dans la précipitation de ma mère, un doux fumet me ravit les narines. Une senteur que je reconnaîtrais entre mille pour en avoir mangé sans cesse quand je vivais encore avec elle.

- Ne me dis pas que tu as fait du Hash !

- Si jeune fille, s'amuse ma mère. J'ai même concocté une Key Lime Pie pour le dessert et je t'ai emballé quelques Cinamon Roll afin que tu puisses en ramener chez toi.

Je l'embrasse sur la joue, ravie. On pourrait effectivement dire qu'elle constitue un fin cordon bleu. Quand j'étais petite, elle a travaillé dans un bon restaurant en tant que chef, d'où les compétences acquises. Mais un problème subsiste : à partir du moment où l'on a une mère qui vous nourrit si bien, on prend vite des formes que l'on entretient à coup de plats, tous plus délicieux et diversifiés les uns que les autres. En effet, bien que mère célibataire, cette dernière a toujours tout mis en œuvre pour que je ne connaisse jamais la faim. Une énième preuve de son amour inconditionnel.

- Tu ne crois pas que je suis déjà assez grosse comme ça ?

- Mais qu'est ce que tu racontes ? Tu es ravissante. Tu n'es pas grosse, ma chérie, tu as des formes.

Nous rentrons et passons directement à table, j'ai pour habitude de me distinguer par ma ponctualité et ma mère le sait. Aussi elle n'hésite pas à dresser les couverts et servir nos assiettes, juste avant que je n'arrive. Devant moi, le plat de viandes et de légumes fume tranquillement, alléchant. Sans attendre, je le goûte et une fois encore, c'est une explosion de saveur. De toutes les cuisines que j'ai mangées, celle de ma mère reste ma préférée. Délicieuse, elle se teinte de souvenirs, d'expériences... Je l'adore.

- Alors ma puce ?

Une habitude de ma mère. Si ce qu'elle prépare est à chaque fois excellent, elle a la fâcheuse manie de constamment me demander ce que j'en pense, se remettant en question. De tous les avis qu'elle peut obtenir, j'ai toujours été celui qui compte le plus.

- Délicieux, comme toujours !

Elle sourit rassurée de ce « feu vert » et se commence elle-même à manger. Discrètement, j'observe ma mère dont l'expression joyeuse déforme le visage. Elle dégage quelque chose de chaleureux et de bienfaisant. À quarante-trois ans, elle a conservé une beauté stupéfiante et rayonnante : un regard en amande vert comme les pins, une longue chevelure blonde qui dissimule les éventuels cheveux blancs, un petit nez fin bordé de hautes pommettes... Elle est très jolie, et je lui ressemble beaucoup. De mon père, je n'ai eu que les yeux et le menton volontaire.

Pour parfaire son joli physique, ma mère est d'une extrême gentillesse, très douce, elle ne s'énerve jamais ou presque. Les seules fois où elle a fait preuve de sévérité envers moi furent courtes et motivées par de bonnes raisons. Toutefois, un sujet la contrarie vraiment... mon père. Malgré les années et tout ce qu'elle peut dire, la douleur est encore bien ancrée dans son cœur.

L'ouverture d'esprit et la tolérance qu'elle témoigne à mon égard sont - il me semble - surtout liées au fait qu'elle n'a eu de cesse de vouloir me rendre heureuse. Seule, elle essayait de compenser l'absence de mon géniteur en étant chaque jour plus impliquée dans mon quotidien. Elle s'est si bien consacrée à moi qu'elle n'a jamais songé à reconstruire sa vie avec un homme. Et elle n'a pourtant pas manqué d'occasions. Dans le fond, elle ne s'est jamais remise de sa relation avec mon père. Je crois qu'il était le grand amour qui l'a brisée à jamais.

- Tu m'as l'air bien silencieuse tout à coup, ça ne te ressemble pas !

Elle est si heureuse de me voir, je ne veux pas la tracasser avec les problèmes qui me rongent...

- Je pensais juste que tu étais très belle, j'espère être aussi bien conservée que toi en vieillissant.

Ma mère rit quelque peu gênée. Humble, elle ignore comment recevoir un compliment.

- Enfin ma chérie, qu'est-ce que tu racontes ? Tu n'as pas besoin d'être comme moi de toute façon ! Ma fille est parfaite et unique en son genre.

Sa douceur maternelle me touche, elle détient ce truc qui la rend d'un grand réconfort... Et moi je me sens sale et indigne de lui cacher ce que je fomente dans son dos, en toute impunité.

- Et sinon, ton nouveau travail. C'est bien ? Ça te plaît ?

On pourrait croire qu'elle lit dans mes pensées, voilà qu'elle aborde le sujet fatidique que je voulais à tout prix éviter.

- Super j'apprends, mes collègues sont sympathiques, mais ça reste provisoire.

- Comment ça ? Quelque chose ne va pas ? S'inquiète-t-elle les sourcils froncés.

Je suis comme un chat immergé dans une baignoire, je ne sais pas comment m'en sortir.

- Non du tout ! J'aime beaucoup, mais ce n'est qu'un poste d'assistante, j'ai d'autres aspirations. Il s'agit juste d'un moyen de me créer de l'expérience !

Heureusement, elle se contente de mon explication.

- Je vois.

Je pense m'en être sorti, et cela avec plus de facilités que présumé. Tant mieux. Je ne suis pas fière de cette aisance au mensonge, surtout envers un être qui m'est aussi cher. Ça reste pour le mieux, ne pas lui avoir dit la vérité lui évite un chagrin inutile.

King of IceWhere stories live. Discover now