Chapitre 48 : une douleur insurmontable

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Les jours passaient. Mais la douleur pas. Enfin, Lidonna pensait que les jours passaient, mais au fond, elle n'en savait rien. Il n'y avait que ce trou béant dans sa poitrine et ses pleurs qu'elle n'arrivait jamais à arrêter dans son quotidien. Alors comment savoir s'il s'était passé une heure, une journée ou bien un an depuis la mort de Rordian ?

Depuis que Xander l'avait ramenée de force, elle n'avait pas bougé de leur chambre. Elle ne sortait pas pour manger ni boire. Elle ne sortait pas pour chercher du réconfort auprès de ses proches endeuillés. Elle n'était pas allée à la Disparition. Elle n'en avait eu ni la force, ni l'envie. Si lorsqu'Éthène était morte, elle avait ressenti ce besoin de la voir reposer en paix pour faire son deuil, la situation était ici bien différente. Rordian était mort et elle savait que si elle voyait son corps à nouveau elle ne pourrait ni le laisser partir ni s'en relever. Et ce n'était pas comme si elle allait déjà bien.

Lidonna avait fini par s'enfermer dans une bulle de douleur que personne n'arrivait à percer. Il lui semblait bien avoir entendu des voix, parfois, mais elle n'en était pas sûre. On venait peut-être s'enquérir de son état, mais un coup d'œil suffisait à chacun à comprendre. Il lui semblait également avoir la réminiscence de la plainte de Larisa réclamant Rordian auprès d'elle. Mais tout était flou. Rien ne lui paraissait réel. Elle était dans sa bulle.

« Elle n'a encore une fois pas touchée à l'assiette de ce midi, soupira Sam en sortant de la chambre.

— Et elle t'a répondu ? » s'inquiéta Loïs.

Il secoua tristement la tête.

« Ça ne fait qu'une semaine, c'est normal... »

Loïs essayait de se convaincre elle-même. Voir sa meilleure amie dans cet état en étant totalement impuissante la faisait bouillonner de rage à l'intérieur.

« Sauf que la potion est bientôt terminée, le temps lui est compté.

— On ne va pas faire boire cette potion à qui que ce soit hein ? s'inquiéta l'Empathe. On ne sait absolument pas ce qu'elle fait, ce serait assez suicidaire. »

Sam ne répondit pas. En fait, il n'avait aucune idée de ce qu'ils allaient faire une fois la potion en leur possession. C'était à Lidonna qu'Harrgos avait demandé de la faire. Et ce serait certainement à Lidonna qu'il s'adresserait le moment venu. Pour l'instant personne ne l'avait encore revu, mais il avait certainement choisit son moment avec la plus grande des attentions.

« Je sais qu'on avance petit à petit, murmura Loïs. Mais il serait peut-être temps qu'on se décide à ce que l'on va faire après. Histoire que Rordian ne soit pas... »

L'Empathe s'interrompit quand elle vit le visage de Sam se tordre. Elle se mordit la lèvre. Elle oubliait constamment qu'il était le cousin de Rordian. Elle avait encore l'image d'un Rordian complètement solitaire, sans famille.

« Enfin, t'as compris quoi...

— Oui. Et je suis d'accord. Mais c'est dur. Même quand on croit faire un pas vers la victoire, on finit par se rendre compte qu'on est complètement acculé contre un mur et que les Ombres continuent de nous mettre des coups qui nous font tomber encore plus bas. Chaque jour qui passe est encore plus horribles que le précédent et je n'arrive pas à m'empêcher de me demander qui va mourir. J'en ai marre de vivre comme ça, j'en ai marre.

— J'aimerais bien être capable de faire comme Sulvan et de réguler les émotions négatives des autres, soupira-t-elle.

— Tu dois probablement pouvoir l'apprendre.

— J'espère. »

Leur petit rituel depuis ces quelques jours étaient qu'après avoir déposé l'assiette de Lidonna, ils rejoignaient Rivel et Firân dans le réfectoire. La Luminaire n'était pas la seule écrasée par un deuil trop lourd à supporter. Firân avait également beaucoup de mal à tenir le coup. Après tout, lui aussi venait de perdre son Protamenté. Lui aussi ressentait ce trou béant dans sa poitrine, cette impression d'avoir été arraché d'une partie de lui-même. Il déambulait dans les couloirs en tentant de continuer à agir normalement. Mais il ressemblait plus à un zombie qu'un membre actif des Papillons. Et il refusait de rester dans sa chambre comme le faisait Lidonna. Même au bord de la crise de larmes, il préférait être entouré.

Kilidohanas Tome 2 : Les Papillons [FIN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant