Chapitre 16 : Le travail honnête est honnêtement récompensé

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Ayden commença son travail le lendemain, en début d'après-midi. D'après Britta, la taverne était peu fréquentée et facilement gérable le matin. Il avait voulu aider, mais la jeune avait refusé maintes et maintes fois.

— T'auras besoin de ton énergie ce soir, disait-elle avec un sourire espiègle sur les lèvres.

Alors il la laissait faire et en attendant, il comptait les livres sur les étagères de Sardas sans les toucher et brossait pour la énième fois la robe de Yu, qui s'agitait de plus en plus dans son box, désireuse de promenades. Mais il ne pouvait pas retourner en forêt avec elle pour le moment, à moins de vraiment vouloir être envoyé précocement chez lui, quelque chose qu'il ne voulait pas vraiment : son père l'avait laissé chez Sardas pour apprendre et être protégé des dragons, il ne serait sûrement de savoir qu'il a utilisé ses connaissances pour quelque chose de dangereux et qu'il avait fini avec le spectre d'un dragon qui le hantait dans ses rêves...

Son travail en tant que serveur-cuisinier à l'auberge-taverne de la Pie Voleuse fut beaucoup plus éprouvant que prévu. Il était aussi épuisant que celui de médecin, mais pas pour les mêmes raisons : il n'avait pas à se souvenir de plats difficilement extravagants et de quelle quantité de poivre et de thym il devait saupoudrer sur chaque pomme de terre, mais le rythme était soutenu. Il savait que Mérégris était une cité et fortement peuplée en conséquence. Mais quand le soir arriva, il réalisa à quel point il était loin du compte.

Le nombre astronomique de plats et de boissons lui donnait le tournis. Il passait son temps à aller et venir de la réserve au comptoir, tentant de se remémorer quel tonneau contenait quelle bière. Britta le suivait de près, le reprenait avec des yeux sévères quand il se trompait et perdait le rythme, avant de repartir servir, un sourire radieux aux lèvres. Il coupait les légumes pour le chef cuisinier, ajoutait les derniers détails aux plats et les déposait sur le comptoir pour être emmenés par la jeune femme. Puis il recommençait encore et encore, jusqu'à ce que la dernière personne ne passe le seuil et que Britta ne ferme boutique.

Le premier soir, alors que le soleil n'était plus qu'un vague reflet violacé à l'horizon, Ayden s'écroula sur une chaise, fou de joie de pouvoir enfin reposer ses jambes. Britta le releva par le col de son tablier et l'emmena dans la cuisine. Elle lui pointa toutes les assiettes et chopes sales avec un sourire narquois.

— Ton travail n'est pas fini : aide-moi à tout nettoyer et tu seras libéré de tes souffrances.

Alors qu'il essuyait la dernière chope d'un coup de torchon et que Britta finissait de balayer, il ouvrit la bouche :

— Comment fais-tu? Comment fais-tu pour gérer tout ça presque toute seule?

— Hé bien... comment dire...

Elle ne s'arrêta pas dans sa fastidieuse tâche, mais son rythme effréné ralentit légèrement, assez pour qu'elle puisse offrir à Ayden un regard doux, mais qu'il savait fatigué. Ses mains fortes et rêches, ses cheveux d'un roux flamboyant mais rendus graisseux par l'effort, sa robe belle mais usée, tout son être exprimait cette fatigue qu'elle ne laissait pourtant jamais transparaître dans sa carrure et son sourire.

— On finit par s'y faire. C'est ce que mon père et ma mère auraient voulu. Ils ont tout donné pour cette auberge et je ne la laisserai jamais tomber. (Elle déposa son balai contre un mur et commença à arpenter la taverne, remettant les chaises en place et arrangeant les tables :) Je pense à eux chaque fois que je suis démoralisée. Je pense à quel point ils seraient fiers de me voir travailler si dur. Je pense à tous les gens qui attendent impatiemment l'ouverture de cette taverne. Savoir que je peux tous les rendre heureux me rend heureuse, alors je continue. (Elle soupira un coup, essuyant son front d'un revers de manche, et continua :) Des tas de gens m'ont dit qu'il y avait un tas de métiers mieux fait pour moi. Des Gardiens m'ont même proposé de les rejoindre... mais je suis heureuse là où je suis. Cet endroit est l'endroit où je dois être.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Where stories live. Discover now