Epilogue : Merci

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 Le soleil était dans le paysage de rêve d'Ayden. Les pins géants s'étendaient vers les cieux comme des colonnes naturelles aux couleurs estivales et le soleil frappait le sol de leurs ombres aux branches griffues. Le vent frais soufflait une brise dorée à l'odeur agréablement forestière et les oiseaux gazouillaient des chants aux couleurs criardes. Quel paysage merveilleux, se disait-il, comme à chaque fois qu'il observait ses rêves lucides : quand il était éveillé et en plein voyage, il n'avait pas vraiment le temps et l'humeur d'observer le monde autour de lui. Ces rêves qui le suivaient chaque nuit lui permettaient de finalement se détendre et de voir ce qu'il avait raté. C'était vraiment une expérience enrichissante qui le rendait parfois presque impatient de retrouver le sommeil, surtout maintenant qu'il comprenait les vraies intentions de Feu-de-Sang— non, Sskya : tant qu'il gardait son petit en sécurité, il savait que tout irait bien pour lui et que ses nuit seraient tranquilles.

En parlant du loup : Orthal, assis juste à côté de lui, avait les yeux levés droit vers lui, leur éclat d'un inexplicable bleu de glace perçant droit dans les siens, gris sombre. Le dragonnet ronronna doucement en le voyant lui rendre son regard et se blottit contre lui, sa peau fraîche et rugueuse usant ses vêtements d'un blanc éthéré. Ayden posa sa main sur son encolure constellée des minuscules cristaux qu'étaient le début de ses écailles. Le reptile répondit en enfonçant son museau dans la paume de sa main et Ayden ne put s'empêcher de rire en le voyant faire.

Il se sentait heureux à ses côtés : Orthal était un ami unique qu'il n'aurait jamais pensé avoir, un compagnon qui comblait sa solitude, un enfant qui rendait ses jours plus passionnants, et bien que sa présence ait parfois été un des plus grands désagréments qu'il ait jamais rencontré, il était quand même heureux de l'avoir rencontré. S'il regrettait d'avoir le petit sous son aile, il ne savait plus, à présent. C'était bien trop compliqué pour être explicable, alors il se contentait de simplement d'ignorer la question et de profiter de cet instant de tranquillité.

— Orthal, dit-il tout bas pour ne pas déranger la quiétude qui s'était installée. Merci de m'avoir sauvé de ce chien. Tu m'as sauvé la vie.

Le dragonnet sembla frissonner en entendant cela et se serra plus près de lui, ouvrant son œil vers lui.

— Tu as sauvé Orthal, Ayden, répondit-il. Sans toi pour vaincre tes peurs et déconcentrer ce chien, Orthal ne pouvait pas le battre... Orthal pensait mourir un moment. Comme ça. Sans pouvoir te dire au revoir, ou merci. Merci.

Sa queue battit l'air et il vrombit. Il bailla alors à s'en décrocher la mâchoire, déployant par la même occasion ses ailes membraneuses et dévoilant ses petits crocs acérés. Ayden remarqua que certains avaient commencé à tomber, pour laisser placer à des dents bien plus grosses.

— Tu as tellement grandi, nota Ayden en passant sur la grande membrane pâle de ses ailes, si fine qu'il pouvait voir les veines qui la traversaient comme un réseau rougeâtre sous le soleil. Dire qu'il y a seulement un an, tu tenais encore dans mes mains... maintenant, tu peux affronter des chiens de la Garde...

— Toi aussi, souffla brusquement le dragonnet.

— Hm?

— Tu as... grandi aussi. Si on tombait dans cette situation quelques mois avant, tu aurais fui...

— N-Non!, répliqua-t-il en rougissant jusqu'aux oreilles, donnant un coup de coude taquin au reptile. Je t'aurais aidé! Du moins, je pense... (Il soupira, un maigre sourire aux lèvres :) C'est que... quand ce chien t'a attaqué, je t'ai senti, toi. J'ai senti que tu avais encore plus peur de la mort que moi. Ça m'a forcé à agir, malgré le fait que chien me terrifiait. Je devais te sauver. Je ne savais pas pourquoi, mais je devais te sortir de là...

Orthal le fixa de ses grands yeux si doux et pourtant si perçants. Dans ce regard si clair, Ayden, pouvait sentir tout ce qui pouvait traverser l'esprit du dragon comme s'il n'était qu'un livre ouvert : sa joie, son amusement, son affection. Cela lui faisait tout drôle, faisait frissonner son échine toute entière, mais il appréciait cela. L'animal vrombit toujours plus fort, jusqu'à ce que les sons autour d'eux ne soient qu'une vague distraction, et son museau se dressa vers son visage. Le bout de son nez toucha doucement son front et sa langue lapa l'air alors qu'il ronronnait.

— Je t'aime, Ayden. Tu es vraiment mon meilleur ami.

Ayden frissonna et son cœur se gonfla de bonheur autant que de nervosité. Il l'aimait vraiment beaucoup... mais que fera-t-il quand il devra partir? Il ne voulait pas s'imaginer cela, alors, sans dire mot, il serra Orthal contre sa poitrine. Le dragonnet, gros comme un grand chien, tenait avec peine sur ses jambes croisées, mais il ne s'en préoccupa pas. Ce n'était vraiment pas le moment de se poser ce genre de questions : ils avaient battu les Gardiens et les chiens, ils avaient gagné le combat, ils étaient toujours libres comme le vent. Il étreignit Orthal toujours plus fort, grattouilla l'arrière de son crâne, son flanc, malgré sa peau toujours aussi froide.

— Moi aussi je t'aime, Orthal.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz