Chapitre 23 : Vhongëdas l'imprenable

19 6 0
                                    


 La gorge nouée par l'angoisse, Ayden se laissa docilement emporter vers une grande calèche de métal tirée par deux chevaux de trait et recouverte par une épaisse bâche. On lui fit monter la marche à l'arrière du véhicule, mais les quatre gros chiens qui étaient postés à chaque coin de la cabine le firent trembler de terreur, forçant les Gardiens à le soutenir pour le garder sur pieds et le faire grimper dans la carriole.

Une fois installé, les quatre Gardiens prirent place à ses côtés, alors que deux autres soulevaient avec peine la lourde cage d'acier qui gardait Orthal, inconscient, muselé et enchaîné par tous les membres. Il jeta un regard peiné sur le corps inerte du dragonnet, avant de relever les yeux vers les visages des Gardiens, dont les sourcils s'étaient froncés de désapprobation : la cage fut immédiatement recouverte d'un tissu suite. Des coups de rênes furent donnés et le chariot se mit en marche après un long grincement de roues.

A cause du tissu qui protégeait la calèche, il n'y avait pas grand chose à regarder, à part la minuscule fenêtre de paysage par delà la porte. Ayden, ne voulant pas avoir à affronter le regard des Gardiens, baissa le regard vers ses mains menottées et n'ouvrit pas la bouche. Après un moment qui sembla durer des heures entières à écouter le claquement des sabots sur la terre, une voix finit par s'élever, gênée :

— Pourquoi tu as fait ça...?

Ayden leva la tête, les lèvres pincées. Il ne voulait pas répondre. Même s'il le voulait, sa gorge était serrée et il risquait de pleurer de nouveau. Si cela arrivait, les Gardiens le prendraient sûrement pour un enfant.

— Je ne sais pas, souffla-t-il en évitant les yeux des soldats, si bas qu'il vit ces derniers se pencher pour l'entendre.

Il espérait que cette réponse idiote suffirait à les faire taire, et il eut raison. Le silence s'installa de nouveau et il put enfin vaquer de nouveau à l'observation du plancher troué. Après un instant, ses yeux se fermèrent et il s'appuya contre le dossier du banc de bois en soupirant. Il n'avait plus la force de dire un mot de plus. Il n'avait plus la force de rien.

————————————————————————————————————


Après plusieurs heures de pur silence et de repas fades, il dut changer de charrette et de Gardiens à un point de contrôle, le vent étonnamment froid autour de l'avant-poste indiquant qu'ils se dirigeaient vers le nord d'Estepène. Puis ils repartirent de plus belle pendant une nouvelle série d'heures encore plus interminables, sans distractions, sans la moindre parole, et avec les gémissements étouffés d'un Orthal terrifié pour assombrir l'atmosphère déjà tendue.

Ayden fut réveillé d'un sommeil léger par une secousse brusque de la carriole qui freinait. Le silence de la route de terre avait été changé par le fracas des sabots sur le pavé et la tranquillité des plaines de Pyrreim remplacée par le brouhaha de plus en plus fort d'un marché lointain. Alors qu'un des Gardiens rabattait un pan de la bâche pour aller converser avec un soldat à l'extérieur, Ayden put enfin voir le paysage alentour. Malgré la nervosité et la peur qui s'était installé dans son cœur depuis le début du voyage, il ne put s'empêcher de pousser un soupir d'émerveillement devant ce qui se trouvait devant lui, ou plutôt, au-dessus de lui.

Ces murailles immenses et hérissées d'acier rouge, ces tours de Garde centenaires taillées à même dans la montagne tels des géants, ces rues peintes de mille-et-un symboles protecteurs qui menaient vers les hauteurs des quartiers supérieurs... et surtout, ces statues d'aigles géants taillées dans le cuivre neuf et serties de gemmes... se trouvaient-ils à Vhongëdas, la cité imprenable? Comme toutes les petites gens de Pyrreim, il avait entendu parler maintes fois de ses volières peuplées, de ses églises colorées de vitraux et du lac immense qui lui servait de nombril. Mais alors que le chariot peinait à entamer les pentes abruptes de la cité, il se rendit compte que tout ce qu'il voyait était beaucoup plus grand et extravagant que ce que disaient les histoires, qui avaient pourtant des airs de légende quand il était petit. La réalisation le fit sourire : Vhongëdas avait été construite pour protéger les Nordiques des dragons et être un phare d'espoir pour les habitants de Pyrreim. Son architecture reflétait la puissance de ces créatures imposantes en conséquence.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)On viuen les histories. Descobreix ara