Chapitre 22 : Les Autres

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C'était un jour comme les autres : Ayden était venu comme tous les matins pour me donner à manger. Après mon repas frugal, je profitai de mon instant de digestion pour loger toute la partie avant de mon corps sur les jambes pliées d'Ayden afin de faire la sieste. Avec son appréhension habituelle, il me grattouillait les flancs, le dos, les ailes et l'arrière de la tête et soulageait la démangeaison qui courrait entre mes épaules, me faisant ronronner de bonheur. Puis après cette agréable séance d'affection, nous avions fini par lire un nouveau livre. Cependant, alors qu'il s'apprêtait à ranger son livre dans sa besace, un bruit résonna dans la forêt et le pétrifia totalement comme une pierre.

Je vis ses yeux s'écarquiller et sentis sur ma langue l'odeur acide de sa peur. C'était une peur différente : pas une simple nervosité comme il en avait l'habitude, mais une terreur pure, si animale et concentrée que mon cœur se serra en compassion.

— Non non non non non- pas ça, non..., haletait-il entre deux respirations effrénées.

Il se leva d'un bond sur ses pieds et, sans même me prévenir, il bondit sur la selle de Yu, paniquée et trépignant de frayeur. La jument détala au triple galop dans la forêt alors que les bruits, que j'avais d'abord associé à des glapissements de renards, devenaient de plus e plus fort, se transformant finalement en une cacophonie d'échos rauques et de grondements qui réveillèrent brusquement la voix en moi.

Cours.

Je l'écoutai sans attendre et tentai de suivre la course inarrêtable d'Ayden. Les aboiements derrière-moi devinrent toujours plus fort, mais j'avais beau allonger mes foulées abonnies par des mois de jeu et de course, je ne parvenais pas à rattraper le pas de Yu, dont la robe baie avait fini par se fondre dans les fourrés. Le craquement des feuilles derrière-moi se fit entendre et je manquai de trébucher, mais je parvins à me rattraper. Je remerciai mes réflexes, avant qu'un énorme chien – encore plus gros que ceux que j'avais vu près de la cité – au poil ras et à la gueule dégoulinante de bave ne sorte d'un fourré près de moi, les crocs dévoilés et les yeux exorbités par la rage. Il aboya et le son fit vriller mes oreilles. Mon cœur battait à tout rompre alors que je faisais enfin face à ces créatures monstrueuses que je n'avais vu que de loin.

— Ayden! Ayden! Aide Orthal!

Je glapissais, mais personne ne me répondait à part le monstre derrière-moi, qui semblait avoir doublé ses foulées. Ses aboiements avaient attiré d'autres bêtes, toutes aussi grosses et terrifiantes, avec leurs petits yeux brillant d'une soif de sang que je n'avais jamais vu.

Je ne comprenais pas la colère de ces monstres. Qu'avais-je fait de mal pour mériter un tel regard? Avais-je trop gratté le sol et les arbres dans mon désir d'étendre mon territoire de jeu? Avais-je trop pourchassé les lapins en vain? Avais-je trop espionné les maisons humaines quand Ayden n'était pas là? Je ne savais pas, et ça me terrifiait. La voix qui me hurlait de courir me déchirait la poitrine, mais je n'allais pas assez vite. Une horrible douleur fusa le long de mon bassin et une force bien trop puissante me tira sur le côté, me faisant tomber sur mon poitrail et rouler au sol. Je ne pouvais plus respirer. La douleur, atroce, me donna la nausée et je fermis un instant les yeux, pétrifié de terreur alors que je sentais l'ombre des chiens m'entourer.

Ils grondaient, aboyaient, certains me griffaient de leurs pattes et l'un d'eux, le mufle maculé de mon sang noirâtre, avait renfoncé ses crocs dans ma hanche et me gardait plaqué au sol de son poids. La douleur me faisait voir trouble : je distinguais avec grande peine les gueules à l'haleine fétide qui me bavaient dessus. Je remarquai autre chose du coin de mon œil embrumé, mais mon cœur se serra en en percevant les contours et les attributs de la silhouette : elle ressemblait à Ayden, mais était... Autre. Son visage était plus dur, plus ridé, plus clair, et elle avait de la fourrure autour de sa mâchoire. Son armure d'un cuir rouge carmin se détachait de la verdure comme une tâche de sang et son pic d'acier acéré scintillait quand le soleil passait dessus.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Where stories live. Discover now