Chapitre 40 : L'Enfant

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 — Sÿervik, il faut te reposer. On marche depuis des heures, tu vas te faire mal.

— Non, il faut continuer à avancer. Je vais bien.

La dragonne gronda son indifférence pour une énième fois, grattant vivement la terre de ses griffes pour souligner sa frustration. Elle ne chercha même pas à ralentir le rythme de ses pas, distançant Ayden de plus au plus de ses foulées trop grandes. Néanmoins, Ayden pouvait bien voir que sa respiration était lourde, que ses pattes tremblaient sous son poids et que sa tête branlait sous la fatigue. Cela faisait des heures qu'ils marchaient, maintenant, et Ayden pouvait sentir la douleur des blessures sur ses cuisses commencer à l'élancer le long de ses jambes courbaturées. Même le bâton qui l'aidait à marcher ne suffisait plus à lui faire garder le rythme de la dragonne, qui refusait de ralentir malgré ses blessures bien plus graves.

— Sÿervik, tenta-t-il d'une voix qu'il espérait plus autoritaire, tapant sur un rocher avec son bâton pour attirer l'attention de la dragonne. J'ai... j'ai dit qu'on s'arrête! On a assez marché pour aujourd'hui.

— Ce n'est pas à toi de me donner des ordres!, aboya-t-elle en bondissant vers lui, ses crocs entièrement dévoilés en un grondement menaçant.

Ayden recula précipitamment pour éviter d'être percuté, manquant de tomber à la renverse. Heureusement, la dragonne devait avoir surestimé ses forces sous la colère, car ses pattes se dérobèrent sous elle à l'atterrissage et elle s'écroula sur son poitrail avec un jappement de douleur suraigu. Ayden courut à ses côtés alors qu'elle déployait ses ailes dans l'espoir de retrouver l'équilibre. Ses pattes tremblantes ne supportèrent plus son poids et elle se laisser choir à terre avec un gémissement, ses ailes déployées autour d'elle comme un grand drap de satin. Ayden posa une main prudente sur son encolure tressaillante. Sÿervik gronda sous sa caresse, mais elle se laissa faire sans rechigner.

— Je te l'avais dit. Tu as de la chance, tu aurais pu te faire plus mal que ça...

— Hmf...

Un bruissement brusque leur fit tourner la tête à l'unisson. Il venait d'un endroit où le sol se perdait dans une pente étrangement abrupte par rapport aux petits élévations qu'ils avaient vu jusqu'ici. Le craquement de branches et le bruissement des feuilles suivirent alors, rapides et désordonnés. Quelque chose essayait de fuir. Ayden senti son cœur s'alourdir de nervosité et un rapide regard vers Sÿervik ne le rassura pas plus : ses crocs étaient de nouveau dévoilés et son regard fixé vers la pente.

— C'est un humain. Il est seul, mais il sent le chien : c'est peut-être un Gardien éclaireur. Reste prudent.

Sÿervik étant vraisemblablement la dernière personne à envoyer dans cette situation, Ayden se décida à aller voir à contrecœur. Descendre la pente glissante debout semblait bien trop risqué dans son état, alors il partit les pieds en avant et contrôla sa marche-glissade avec ses bras courbaturés. Arrivé en contrebas, les bruissements étranges s'intensifièrent : c'était proche. Le cœur d'Ayden battait la chamade et ses mains tremblaient, mais le son répété et aigu qu'il entendit derrière l'énorme tronc d'un arbre lui fit baisser sa garde. Était-ce... des sanglots?

Ayden fit un pas pour regarder derrière le pin et poussa un soupir tremblant de soulagement en voyant ce qu'il se cachait sous une des épaisses racines.

— Salut, petit, souffla-t-il à l'enfant terré contre le tronc. Tu t'es perdu? Où est ta famille?

Le garçon ne lui répondit pas et continua à le fixer de ses grands yeux sombres et gonflés de pleurs. Ses cheveux courts avaient piégé branches et feuilles entre les boucles rousses et son vieux pantalon de cuir était déchiré par endroits, laissant voir des genoux écorchés. Quand Ayden tendit une main pour l'aider à se relever, il se terra plus fort contre l'arbre, laissant voir le panier qu'il serrait contre lui, rempli de baies et de racines.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Where stories live. Discover now