Chapitre 17 : Le pardon

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Ayden ne sut pas comment réagir quand il réalisa qu'il n'était pas seul avec Feu-de-Sang, cette nuit-là.

Comme toujours, il était piégé entre les griffes de l'ombre. Comme toujours, il devait attendre inlassablement que le calvaire de ses chants se termine. Il ne faisait même plus attention à ce qu'il se passait autour de lui : il avait tellement l'habitude de cette routine nocturne que plus rien ne pouvait l'étonner. Mais quand il finit par entendre un pépiement familier à la place des grondements de Feu-de-Sang, il sentit son cœur se serrer si fort qu'il crut presque en mourir.

L'ombre avait disparu et quand il tourna l'oeil, à sa place, il découvrit le dragonnet. Sa tête était affalée sur le sol glacée et la couleur de sa peau était crayeuse, si bien qu'il aurait pu le croire mort, si ce n'était pour ses faibles glapissements rauques, qui semblaient lui demander un effort herculéen à produire. Et pourtant, il les répétait sans cesse, sans bouger un muscle, comme s'il attendait une réponse à sa détresse. La peau tremblante de ses flancs embrumés laissait deviner les contours d'un squelette sans chair. C'était tout juste s'il respirait. Ayden n'eut pas à réfléchir longtemps pour que la réponse ne soit claire dans son esprit : la créature mourrait. Elle mourrait de faim, elle mourrait de froid. Et elle refusait de mourir.

Comment s'était-elle traînée jusqu'ici? Était-ce le désespoir qui l'avait portée jusqu'à lui? Sa ténacité était impressionnante. Mais son calvaire était bientôt terminé : elle devait juste survivre quelques heures de plus...

— Tout va bien, souffla Ayden à la forme sinueuse. Je serai là demain, tu n'as plus rien à craindre...

Le dragonnet réagit à ses paroles : il souleva sa tête avec un soubresaut, ses iris passant de l'or au bleu en un clignement d'yeux. Mais alors qu'Ayden s'attendait à entendre un nouveau pépiement, il entendit un son nouveau, un qu'il n'aurait jamais cru entendre et qui lui glaça le sang. Un gémissement, déraillé et aigu comme une plainte animale, mais dont les vocalises portait un message bien plus terrifiant et lourd de sens. Il était sûr de reconnaître quelque chose d'humain dans ce qu'il entendait. Un soupir sec et haletant suivit, avant que le gémissement ne reprenne, plus fort, faisant vriller ses oreilles :

— A-Ay... Ayden...

Alors que la réalisation le frappait, il se réveilla en sursaut, les yeux écarquillés et le front trempé de sueur. Un regard vers la fenêtre lui indiquait que le soleil venait seulement de pointer à l'horizon encore sombre. Néanmoins, il se précipita hors de son lit et attrapa sa besace au vol alors qu'il sortait de sa chambre, les larmes aux yeux.
Il ne pouvait pas laisser le dragonnet seul plus longtemps. S'il le laissait mourir, il aurait un meurtre sur la conscience et il ne pourrait plus dormir la nuit.

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— Ay-Ayden...

L'appel était si faible, si tremblant qu'Ayden faillit le rater, dissimulé par le souffle du vent et le craquement des branches sous les jambes trapues de Yu. Mais quand un deuxième suivit, son cœur s'arrêta le temps d'une seconde et il plissa les yeux, à la recherche de l'origine de la voix.

Un nouveau pépiement le fit descendre précipitamment de selle. L'aube perçait avec peine entre les branches et il devait se pencher vers le sol pour discerner quoi que ce soit dans les fourrés. Il survolait du regard chaque buisson et chaque renfoncement dans les rochers à la recherche de l'éclat blanc de la créature, mais il ne discernait rien, à la vitesse où il allait. Son cœur battait toujours plus fort à chaque seconde passée sans que le petit ne couine, de peur que son gémissement ne fusse le dernier.

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Where stories live. Discover now