Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)

Chapitre 37 : Envol

 La fin de la journée approchait peu à peu : la foule se faisait de plus en plus dispersée alors que les températures s'adoucissaient et que les ombres s'étiraient dans les rues telles des griffes noires prêtes à attraper les passants. Ayden et Räeghan décidèrent donc de commencer à repartir, afin de pouvoir rentrer à la maison avant la nuit tombée. Personne ne les interpella durant tout le trajet du retour. Ayden s'acheta un sachet de viennoiseries à la boulangerie pour son repas du soir, puis ils longèrent la muraille impénétrable de la cité pour trouver le mur de ronces qui dissimulait un trou béant dans la pierre rouge, passage caché qui leur avait permis d'entrer en ville sans devoir passer par les portes sud et être vu par les Gardiens.

La route dans la forêt était longue, ou du moins assez pour pousser Ayden à parler de la pluie et du beau temps. Alors qu'il énonçait tous les endroits qu'il aimerait visiter lors de leur prochaine escapade, Räeghan l'interrompit soudainement d'une main ferme sur la bouche.

— Chut.

Ayden obtempéra. Il tenta de tendre l'oreille pour comprendre ce qui avait alarmé son camarade, mais il n'entendit rien de spécial. Les yeux de Räe brillaient anormalement sous l'éclat crépusculaire du soleil, laissant voir des reflets dorés dans ses iris normalement bruns.

— Suis-moi, souffla le blond. Et surtout, pas un bruit.

Ils avancèrent avec une lenteur torturante afin d'éviter les branches et les pierres qui jonchaient le sol, se dissimulant régulièrement derrière les troncs d'arbre quand Räeghan le demandait. Alors qu'ils s'apprêtaient à finalement arriver vers la clairière où se trouvaient leur résidence, Räeghan lui intima de s'accroupir avec lui derrière un fourré d'un mouvement précipité du bras. Ayden entendait quelque chose, maintenant : c'était bien des voix, mais ce n'était pas celles d'Orthal ou de Sÿervik. Elles venaient de leur cabane de bois...

Quand Ayden jeta un coup d'œil par dessus le buisson, son sang se glaça : un escadron d'une douzaine de Gardiens était là, leur armure rouge vif ressemblant à une tâche de sang au milieu de l'herbe verte de leur clairière. Deux d'entre eux s'affairaient à attacher la masse inerte d'Orthal sur une sorte de luge métallique harnachée entre deux chevaux. De la maison de rondins s'échappait le fracas sourd des meubles que l'on retournait. Une petite meute de chiens reniflaient l'herbe aux pieds de leur maître qui, tout en bavardant et s'esclaffant, était en train de monter l'armature métallique d'une machine immense qu'Ayden ne reconnaissait pas. Il frissonna en remarquant les flèches noires posées à ses côtés : elles étaient aussi longues qu'il était grand, et étaient probablement plus épaisses que ses poignets.

— C'est une sorte de baliste, mais le mécanisme semble différent de celles que j'ai vu auparavant..., siffla Räeghan, les sourcils froncés. Sÿervik a dit ce matin qu'elle partait en promenade avec Orthal. Vu qu'il est ici et blessé, elle ne doit pas être loin... merde.

Qu'allaient-ils faire, maintenant. Ils ne pouvaient pas affronter une douzaine de soldats entraînés spécialement pour le combat, ni même les convaincre de les laisser passer. Personne ne connaissait l'existence du cabanon à part lui et Räe : s'ils se montraient, ils seraient immédiatement jugés comme suspects et attrapés. Ils pouvaient s'enfuir, mais... ils n'allaient quand même pas laisser Orthal ici, si...? Alors que des dizaines de possibilités impossibles fusaient dans son esprit, Ayden pouvait entendre la conversation des soldats, qui s'esclaffaient comme si personne ne pouvait les entendre. Ça, c'était l'intonation de quelqu'un qui avait réussi sa mission avec brio, et qui ne s'attendait pas à perdre. Il frissonna d'effroi.

— Où est Aile-de-Nuit?, dit l'un des soldat.

— Il doit voler pas loin d'ici. Il a pas arrêté de nous suivre depuis qu'on a attrapé le petit, mais il semble réticent à nous attaquer. Pas courant, un Messager avec un minimum de jugeote. Il a sûrement senti les chiens et le métal de la baliste.