Chapitre 33 : Sentir

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 — Tu es sûr que tu ne connais pas la personne qui a écrit cette lettre?, demanda Raëghan en relisant le papier qui tombait en morceaux sous ses doigts. L'écriture ne te dit rien?

— Non..., répondit Ayden, désolé de ne rien savoir de plus. Mais plus tôt dans la journée avant de recevoir la lettre, j'ai entendu la prêtresse interpeler quelqu'un qui disait venir au nom de la Garde et d'un certain commandant...

— Ça n'aide pas vraiment : chaque grande cité d'Estepène a sa propre Garde et un commandant attitré. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin...

— Mais ça reste très étrange, tu ne trouves pas? Pourquoi la Garde s'intéresserait à moi, alors que je suis un criminel à leurs yeux? Qu'ai-je d'important pour eux?

— Je l'ignore. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'ils cachent quelque chose. Chercher à contacter un prisonnier victime de corruption par le Chaos est un acte grave qui risque d'attirer des suspicions de corruption sur les Gardiens. Et ça, c'est dans mes cordes.

— Tu travailles sur la corruption?

— Je fais un peu l'homme-à-tout-faire pour mon père, mais j'étudie principalement le Chaos : les criminels, la magie, la corruption des dragons, les actes suspicieux, tout ce qui peut déranger la paix ancestrale. Mes rapports sont régulièrement envoyés à la Garde, qui peut alors agir en conséquence pour protéger la population. (Le blond se mit alors à ricaner :) Mais c'est pas parce que c'est la Garde qu'elle est libre de faire ce qu'elle veut sans conséquences : j'ai récupéré assez d'informations pour pouvoir commencer une petite enquête de mon côté.

Raëghan semblait s'apprêter à siroter sa tasse de thé quand il tourna brusquement la tête vers la fenêtre. Des nuages sombres s'étaient amassés dans le ciel et la pluie tombait en trombes noires, dans un fracas qu'Ayden trouvait étrangement relaxant.

— Sÿervik arrive, dit simplement le blond en se retournant vers lui. Dans trente minutes, environ.

— Comment peux-tu le savoir? Je ne l'entend pas.

— Je le sens, c'est tout. (Räe leva les yeux vers lui, visiblement étonné :) Tu ne ressens rien? Même pas Orthal?

— Qu'est-ce que tu racontes, bien sûr que non...

— ... Ferme les yeux.

— Quoi? Pourquoi?

— Ferme-les, tu verras ce que je veux dire.

Ayden était perplexe, mais il obtempéra.

— Que sens-tu autour de toi?

Il entendait la pluie qui claquait contre la fenêtre; le grondement de l'orage et le hurlement du vent, aussi. Il sentait le bois mal poncé sous ses doigts et la douceur des vêtements propres sur ses épaules. L'odeur persistante d'infusion de la maison titillait ses narines ainsi que celle, agréablement acide, du parfum citronné de Räeghan. Rien d'autre de spécial ne lui venait et surtout, pas d'Orthal à l'horizon.

Il entendit une chaise crisser et des bruits de pas s'approcher de lui. Une main se posa sur son épaule et un souffle chaud parvint à son oreille. Il frissonna.

— Une rencontre avec un dragon change la façon dont on perçoit le monde, qu'on le veuille ou non. Toi et Orthal êtes plus proches que tout ce que tu peux imaginer : vous vous connaissez depuis sa naissance, après tout. Vous êtes liés par bien plus qu'un simple concours de circonstances, et vous partagez bien plus qu'un simple destin, crois-moi. N'as-tu jamais eu l'impression que tes émotions miroitaient celles de ton dragon? N'as-tu jamais rêvé d'un reflet distordu de notre monde, en sa compagnie?

Le Vœu du Dragon (LES ÉVEILLÉS - I)Where stories live. Discover now