Chapitre 28 : Compose

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Lorsqu'à toute allure j'avais traversé le parc, je ne m'étais pas attendue à le trouver là.

Il fallait dire que c'était la dernière personne que je m'attendais à retrouver ici, et ne le connaissant que peu, j'avais mis quelques minutes avant de le reconnaître.


Je m'étais prise à le trouver beau, concentré sur son calepin, à griffonner à toute vitesse comme si sa vie en dépendait.


Alors, en silence, je m'étais avancée vers lui pendant qu'il me tournait encore le dos, désireuse de découvrir le fruit de son travail.



Et, sans plus attendre, j'avais lu à toute vitesse les premières lignes qu'il avait consigné dans son précieux livret.


« Il se tenait là adossé à la balustrade, insensible face à l'effervescence mondaine, insensible face à ce brouahah de klaxons, insensible face à tous ces rires, tous ces sourires. Il demeurait appuyé à ce pont, depuis deux bonnes heures et déjà il lui était devenu impensable de s'en détacher.

Tout le maintenait fixé à lui. Tout l'éloignait de cette vie qu'il avait pu aimer, auparavant. Tout l'éloignait d'eux. Tout l'éloignait d'elle. Et il contemplait la lune. »


Sans comprendre réellement pourquoi, ces lignes ne me suffirent pas. Il m'en fallait plus. Et je ne pus m'empêcher de m'agenouiller encore davantage afin de poursuivre avidement ma lecture.


« Tout l'insupportait dorénavant, le poussant à fuir ce qu'il avait au plus profond de lui-même chéri. Il ne comprenait pas ce soudain revirement de situation. Il avait juste marché sans savoir où il allait. Il avait juste parcouru l'entièreté de la ville tout en pestant contre ces foutues pensées qui l'accaparaient. Il avait tenté d'ignorer ce douloureux poids dans sa poitrine, ce cœur qui battait à toute allure ... Il avait essayé de réchauffer ses membres paralysés par le froid sans y parvenir. Il avait fumé cigarettes sur cigarettes en espérant y trouver un quelconque réconfort.


Il l'avait fuie toute la journée ; elle reparaissait toujours. Elle monopolisait ses pensées, son cœur, son être tout entier. Elle lui rendait la tâche plus dure encore. »


Ses maux me fascinaient, provoquaient un attrait singulier en moi, lequel m'interdisait formellement de détacher ne fut-ce que quelques secondes mon regard de ce récit qui me plaisait tant.


« Ces démons, il ne cessait de les combattre et il n'en voyait pas le bout. Alors, il était posté sur ce pont bourré de monde, de passants, et pourtant plus seul qu'il ne l'avait jamais été en cette veille de Noël »



J'étais si absorbée par le texte de Zak que je ne réalisai pas sur le moment que je venais littéralement de lui arracher des mains son calepin afin de continuer, encore et toujours ma lecture.

Ce fut son regard insistant, accompagné de tapes répétées sur mes épaules qui me ramenèrent à la réalité ; à regret je dus décoller mon regard de ce que je n'avais - à mon plus grand dam - pas eu le temps d'achever et trouver rapidement une contenance face à son regard noir.

Somehow, I would know ... [ ANCIENNE VERSION ]Where stories live. Discover now