Chapitre 14

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Les derniers rayons de soleil avaient définitivement quitté le ciel de Poudlard, et la neige au sommet des montagnes qu'on pouvait apercevoir du haut de la tour d'Astronomie s'était largement étalée. Peter regarda le petit nuage de vapeur qui se formait quand il respirait avec circonspection. Il aurait préféré que l'hiver n'arrive jamais. Il s'épanouissait dans la chaleur.

Remus, au contraire, savourait la sensation de ses doigts glacés, de son nez rouge dépassant de son épaisse écharpe, de ses grosses chaussettes réchauffant à peine ses pieds. La saison des feux de cheminée, des heures passées dans un fauteuil de la salle commune avec une couverture et un livre, des cinq pulls empilés était officiellement ouverte. Remus aimait l'automne, et l'hiver. Il aimait le froid qui les gelait, qui réussissait à lui rappeler les limites de son corps. Il ne pouvait pas s'empêcher d'apprécier le picotement dans ses membres quand il entrait dans la salle commune tiède après avoir passé des heures dehors. Il était heureux que plus personne ne lui reproche d'avoir froid, parce que tout le monde avait froid (ce qui était un état permanent chez Remus). Il se délectait même des râleries sans fin de Peter parce qu'il faisait vraiment, vraiment beaucoup trop froid pour aller en Botanique, et que pourquoi l'école n'avait pas construit un stade de Quidditch couvert, et c'était une honte qu'il n'y ait pas de feux dans les salles de classe, et bon sang, par la barbe de Dumbledore fermez cette punaise de fenêtre ou il allait finir par s'énerver s'il n'était pas congelé avant !

La saison du froid signifiait aussi que l'anniversaire de Sirius approchait à grands pas. Ce jour était toujours un peu en demi-teinte, dangereux parce que Sirius ne voulait pas qu'on le fête. Il détestait son anniversaire. Ça lui rappelait trop de souvenirs des Black, où ses parents lui offraient toujours des cadeaux avec un double-sens (comme par exemple un trousseau de robes marqués avec le blason familial - tu nous représentes partout, montre toi digne de ton héritage - ou bien Arbres généalogiques des Sangs-Purs depuis 1887 tome 1, 2 et 3 - le sang de tes enfants sera aussi pur que le tien, et nous y veillerons). Orion et Walburga tenaient aussi à rassembler la famille entière chaque année, mais pas dans un esprit de fête comme l'aurait fait n'importe quelle famille. Non, lors de ces sympathiques réunions, les Black discutaient de ce que ferait les plus jeunes d'entre eux dans l'année qui s'ouvrait devant eux. 

Au début, c'était simplement « Tu viendras au bal des Nott avec nous cette année » ou encore « Tu rejoindras ta cousine à Serpentard à la rentrée prochaine ». Au fil des années, ça s'était transformé, intensifié. Tout à coup, il s'agissait d'aller vandaliser des quartiers Moldus, puis de mettre feu à leur maison, et enfin de les terroriser. Quand il avait de la chance, le sujet se concentrait sur la sorcière avec qui il se marierait et ferait de beaux héritiers au Sang-Pur. Les enfants n'avaient pas le droit de parler à table, et Sirius était condamné à écouter ses parents et ses oncles et tantes tracer son avenir sans avoir voix au chapitre. C'était une torture.

Ces informations, les trois autres maraudeurs les avaient glanés au fil des années, des nuits blanches ou des colères. Sirius ne voulait habituellement pas en parler, et quand le sujet était abordé, il se murait dans un silence où personne ne pouvait plus l'atteindre. Ils avaient appris à ne pas poser de questions et à reconnaitre le moment où ça allait trop loin, mais les anniversaires étaient restés une source de traumatisme vivace. C'était la deuxième année que Sirius ne retournerait pas dans sa famille, depuis qu'il avait refusé de vivre un instant de plus avec eux. La première fois est toujours difficile, mais la deuxième a quelque chose d'effrayant. Elle dit que les choses sont définitives, que ça se passera comme ça maintenant. Et même si c'est quelque chose de positif, les changements brutaux laissent toujours un vide. Un vide creusé dans la chair même de Sirius par toutes ces années de violence et de silence.

Les maraudeurs avaient quand même réussi à lui faire accepter de petites attentions au fil du temps, un petit paquet de bonbons de Honeydukes laissé au coin de son oreiller, une partie de Quidditch tous les quatre au lieu de faire leurs devoirs. Mais cette année serait difficile, ils le savaient. Sirius avait dix-sept ans. La majorité, un passage important de la vie de chaque sorcier. La Trace serait levée et il serait officiellement indépendant, ses parents n'ayant plus aucune autorité juridique sur lui. C'était à la fois réjouissant et amer. Amer de devoir être libéré d'une entrave qui ne devrait pas en être une, de voir que malgré les efforts, les espoirs, les Black seraient toujours les mêmes. Et Sirius avait beau les détester avec une intensité effrayante, perdre sa famille enfonçait le couteau toujours un peu plus dans la plaie.

Tout ira bien [une fanfiction maraudeurs]Where stories live. Discover now