Chapitre 22

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James avait regardé Regulus partir, les bras ballants, se sentant comme un idiot. Peut-être parce qu'il était idiot. Il se détestait de ne pas réussir à améliorer la situation, et il avait même l'impression que tous ses efforts ne faisaient qu'empirer les choses. On le surnommait Golden boy, mais finalement, il était plus semblable à Midas, ce roi grec qui avait reçu des dieux le don de transformer tout ce qu'il touchait en or. Rapidement, le cadeau s'était transformé en malédiction et il avait supplié les dieux de le libérer de ce mauvais sort. James, lui aussi, avait l'impression d'être dépassé par ses atouts, qui devenaient des défauts. Tout ce qu'il avait essayé pour réconcilier Sirius et Regulus avait échoué, et parfois même les deux frères ne s'étaient plus parlés des mois durant après une rencontre qu'il avait provoqué.

Il n'aurait pas dû faire ça. Bien sûr que faire se côtoyer les frères Black au milieu d'une soirée avec tous les yeux sur eux et leurs amis respectifs présents n'était pas une bonne idée, il aurait dû s'en douter. Mais peut-être, s'avoua James, que son but ce soir n'était pas seulement d'arriver à quelque chose entre Sirius et Regulus, mais aussi simplement de permettre à Regulus de passer une bonne soirée et de s'amuser un peu. Le jeune homme l'avait toujours étrangement ému. Bien sûr, il y avait cette proximité avec Sirius, mais il avait aussi une fragilité flagrante qui lui coulait du coeur et que James avait envie de prendre entre ses mains et de protéger. Et cette colère, toute cette colère... La question qu'il lui avait posée toute à l'heure était sincère, et un peu étonnante, comme tout ce qui venait de James. 

Maintenant qu'il y repensait, évidemment que Regulus était en colère. Pourquoi ne le serait-il pas ? Mais le coeur de James avait toujours un léger sursaut lorsqu'il contemplait le gouffre au fond des yeux du jeune homme. N'ayant lui-même jamais réussi en vouloir quelqu'un plus longtemps que quelques jours, il comprenait mal comment on pouvait cultiver à ce point une émotion, jusqu'à en faire votre définition, et une partie intégrante de votre personnalité. James avait toujours été ce garçon qui changeait d'émotions aussi rapidement qu'un orage d'été, la pluie lavant à chaque fois toute trace de ce qui subsistait auparavant. Il vivait avec une intensité rare, et rien ne durait.

En un sens, tant mieux, puisque les sentiments négatifs n'avaient que très peu de prises sur lui, et il oubliait facilement ce qui avait pu le blesser ou l'agacer. Quant aux sentiments positifs, il savait les faire durer en créant sans cesse des occasions où il pourrait les ressentir, encore et encore. Cela ne voulait pas dire qu'il manquait de constance dans ses convictions ou dans ses promesses, simplement qu'il prenait ce qui venait sur le moment, peu importe ce que c'était.

D'un autre côté, ça lui avait déjà attiré pas mal de problèmes. Notamment parce que puisqu'il était si prompt à pardonner et à oublier, il attendait que les autres fassent de même pour lui. Il n'avait rien contre une bonne grosse engueulade de temps à autre pour désamorcer les problèmes, mais il avait du mal à concevoir que quelqu'un lui en veuille pour quelque chose qu'il avait dit trois mois plus tôt, ou ait de la rancune pour lui à cause d'une action malheureuse un jour précis. Il avait aussi du mal à reconnaitre des moments réellement importants, et lorsque quelqu'un évoquait un souvenir particulièrement marquant, lui s'en souvenait parfois à peine. Puisqu'il vivait tout à la même intensité, il ne différenciait que très rarement les instants du quotidien des moments privilégiés.

En grandissant, il avait compris que les mots qui sortaient de sa bouche et ce qu'il faisait pouvaient avoir un impact durable sur les gens qui l'entouraient, et que porter de l'attention à ses proches était une des preuves d'amour les plus sincères qu'il puisse leur donner. Il avait changé, il avait appris.

Pour le moment, James regrettait de ne pas avoir fait assez attention pour avoir deviner ce qui allait se produire. Il s'en voulait sincèrement, et même lorsque Sirius lui assura que ça allait, que ce n'était pas grave et que ce n'était pas de sa faute, il ne voulut pas le lâcher. S'il y avait quelque chose que James avait retenu au cours de sa vie, c'est que quand on faisait des erreurs, il fallait essayer de les réparer. Parfois ça ne marchait pas, mais il fallait essayer quand même, malgré tout, et avec toute la force de son regret. Il suivit Sirius au milieu de la foule qui les observait toujours, sans qu'on sache trop à présent si c'était à cause de leurs vêtements, de la dispute des Black ou simplement parce que c'était eux. Il céda son verre à son ami en lui souhaitant un peu d'oubli ce soir, parce que parfois c'était plus facile, et que tout le monde avait le droit à quelques heures de béatitude avant de retourner à tout le reste. 

Tout ira bien [une fanfiction maraudeurs]Where stories live. Discover now