Chapitre 1 :

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Quand j'entre dans le bar, ma guitare à la main, une odeur que je n'oublierais jamais me frappe au nez. Le bar devient de plus en plus vieux et sale. Ça fait plus de quatre ans que je suis ici. Je pensais que tout irait bien mais je me suis trompé. Nous nous sommes trompés. Épuisé par mes nuits blanches, je baille et je me frotte les yeux, fatigué. Je n'ai pas dormi cette nuit comme toutes les nuits qui suivent. Je ne sais même pas si j'arriverai à trouver le sommeil à nouveau. Son visage hante toujours mes pensées.
 
— Liam, viens par ici !
 
Le patron, Dylan qui est un de mes plus chers amis – puisqu'il me permet de vivre –, m'interpelle et me demande de le rejoindre sur la scène. La scène est surélevée de quelques centimètres ce qui fait que nous nous sentons supérieur, important, face au public assis sur une chaise. Je regarde le serveur qui tourne la pancarte sur la porte qui désormais affiche « Ouvert ».
 
— Allez, place-toi ici, me demande mon patron en montrant une marque blanche sur le parquet.
 
Je m'exécute, perplexe puis avec le signal de Dylan, un projecteur s'illumine et m'éclaire le visage. Je ferme les yeux un instant, surpris par la forte lumière.
 
— Nous avons réussi à réparer le projecteur, c'est une bonne chose, déclare Dylan.
 
Je souris faiblement. Il aurait peut-être dû racheter des nouvelles tables avant. Le confort du public avant tout. Mais Dylan est quelqu'un de très gentil et ne veut que mon bien. Il me fait passer avant le public ce qui peut être un problème pour lui et ses clients. Il sait que le nombre de clients baisse au fur et à mesure vu l'état de ce bar mais il préfère s'occuper de moi.

Après quelques minutes, le projecteur s'éteint et je m'installe dans les coulisses. Dylan va saluer son premier client. Je m'aperçois qu'il n'y a pas grand monde. Comme d'habitude. Je n'ai pas l'impression que ça changera, un jour. Le premier client demande un verre au serveur et s'assoit au comptoir. D'autres arrivent en petit groupe et dégustent leurs boissons alcoolisées assis sur leurs chaises. Je pose ma guitare, stressé. J'ai beau jouer tous les soirs, j'ai beau être habitué, je ne suis pas calme. Je suis épuisé, j'ai peur de tout rater sans elle. Je tiens le coup mais j'ai peur de sombrer un jour où l'autre. Malgré les difficultés, j'essaye de survivre. Elle n'a pas voulu essayer.
 
— Liam, tu peux commencer ! me prévient Dylan.
 
Je sors de mes pensées. Je me lève et je prends ma guitare. Je me place au milieu de la scène, face au micro qui date de très longtemps. Heureusement, on m'entend encore dedans. Je ne vois pas de sourire sur les visages des clients. Je ne me sens moins motivé que dans le dernier bar où j'étais, les clients étaient plus sympathiques là-bas. Peu importe, espérons qu'ils aimeront ma nouvelle chanson, maintenant. Après un soupir, je me concentre et je commence à chanter.
 
—  « Tu es là,
      Je suis là,
    Nous sommes ici,
   Seuls et vivants.
  Dans les ténèbres,
  Dans la lumière.
  Mais où sont nos jours heureux ?
  Tu es partie,
  Laissant un vide,
  En moi.
  Mais où sont nos jours heureux ?
 
Les souvenirs sont douloureux mais je continue à raconter notre histoire parce que je ne veux pas l'oublier.
 
« Nous étions ensemble,
Nous étions soudés,
Jusqu'à ce moment,
Où tu es partie,
Laissant un vide,
En moi.
Mais où sont nos jours heureux ?
Je pensais que notre histoire serait éternelle,
Mais elle s'est éteinte,
Telle une chandelle.
Notre histoire était écrite,
Notre avenir était prédit,
Nous savions quoi faire,
Jusqu'à ce fameux échec ».
 
Je baisse la voix. Ensuite, je commence à chanter le refrain en haussant la voix. Je le chante avec toute la force que j'ai. J'exprime ma douleur, mon chagrin et ma colère. Je prie pour qu'elle entende mes paroles même si elle est déjà loin.
 
Quand je fais retentir les dernières mélodies, je baisse la tête et le projecteur s'éteint. Quelques applaudissements surgissent et je souris, émue, dans l'obscurité. C'est la chanson que je n'avais pas réussi à terminer. Enfin, je l'ai fait. Et je l'ai écrite pour toi, à présent. Je te dédie, avec tout l'amour que j'ai pour toi, cette chanson. Elle est pour toi et pour personne d'autre.

~

Quand le bar est sur le point de fermer, je range ma guitare dans mon étui et j'enfile mon vieux manteau. Dylan s'approche de moi, quelques billets à la main.
 
— C'est pour toi. Félicitations. Tu as vraiment bien chanté. Espérons qu'à l'avenir, il y ait plus de clients.
 
J'acquiesce. Oui, j'espère que ce bar ne fera pas faillite comme le dernier où je travaillais avant. J'espère que cela va fonctionner. J'espère que ce bar restera ouvert encore longtemps, il le faut pour que je puisse vivre.
 
— Liam, c'était une très belle chanson. C'est une nouvelle ?
 
— Oui, je l'ai écrite récemment, je réponds.
 
Dylan me donne ma paie que je range dans la poche de mon pantalon.
 
— Je devine qu'il y a une femme qui t'a brisé le coeur là dedans. Comment est-ce qu'elle s'appelait ?
 
Après une grande respiration, je lui dis son prénom. Même si cela me brise le cœur.
 
— Eva. Elle s'appelait Eva...

L'art dans la peau - [Tome 4] La musique dans l'âmeWhere stories live. Discover now