13. L'inquiétude d'un ami

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Un mois.

Cela fait maintenant un mois que je connais la vérité.

Un mois jour pour jour que ma nouvelle vie a débuté.

Une nouvelle maison, une nouvelle famille, de nouveaux pouvoirs...

Toutes ces choses si nouvelles pour moi au départ sont maintenant devenues mon quotidien. J'essaye de m'adapter du mieux que je peux à toutes ces situations.

Je m'entraîne chaque jour avec ma magie sous la direction du professeur pour pouvoir me défendre si un danger survient à nouveau. J'ai réussi à faire mon deuil de mes parents adoptifs depuis que ses assassins ont été reconnu coupable et incarcéré en prison. Et pour finir, j'essaie de communiquer du mieux que je le peux avec ma nouvelle et vraie famille. Après, heureusement pour moi, j'ai aussi le droit à des moments plutôt ordinaires comme passer du temps avec Emy ou Esteban.

Je regarde du coin de l'œil mon cher voisin et je vois qu'il reste concentré sur le cours.

J'aimerais tellement pouvoir faire comme lui et suivre le cours comme si de rien était. Si seulement je le pouvais.

Esteban me lance un regard inquiet et je lui souris pour le rassurer.

La vérité, c'est que même moi je suis inquiète mais je ne veux pas qu'il le remarque. Je ne veux pas l'embarquer là-dedans.

J'attends la sonnerie en fixant mon cahier puis je me dirige directement vers la sortie. J'évite comme je peux le regard des autres et trace ma route. Je sais qu'ils parlent dans mon dos et qu'ils se font un malin plaisir à le faire. J'ai eu le droit à un nombre incalculable de mots insultants dans mon casier et des propos déplaçant sur les réseaux sociaux depuis quelque temps. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?! C'est quoi leurs problèmes ?!

Je me mords ma lèvre et je serre mon poing droit tellement fort que je sens mes ongles me rentrer dans ma peau.

-Arrête ça Luna.

Je sursaute en découvrant face à moi Esteban. Il est couvert de sueur et respire bruyamment.

-Tu as couru ?

Il soupire et regarde autour de nous d'un air méfiant. Je remarque en effet que presque tout le monde nous regarde avec insistance et moquerie. Il m'attrape alors mon poignet pour nous éloigner de la foule et nous approche des toilettes. Je le laisse faire n'ayant pas envie de me débattre.

-Pourquoi tu ne dis rien Luna ?

Je lance des regards de droite à gauche pour vérifier une quelconque présence et fronce les sourcils. Il l'a remarqué ? Je croise les bras autour de ma poitrine.

-Je ne vois pas de quoi tu parles Esteban. Les cours vont reprendre et je n'ai...

Je souhaite lui passer devant mais il se met face à moi et tend son bras contre le mur derrière moi. Mon corps se retrouve collé contre le mur et bloqué par le sien.

Je suis coincée.

-Tu sais très bien de quoi je parle Luna. Les photos, les rumeurs et les insultes sur toi, je les entends aussi. Je suis au courant que tu n'arrives plus à gérer tout ça.

Je baisse mon regard en fixant le sol tellement je me sens mal.

J'ai honte. Je ne voulais pas qu'il le sache et encore moins l'embarquer dedans.

-Tu dors en cours, tu as des cernes et tu es distante, je l'ai bien remarqué. S'il te plaît Luna, parle-moi.

Je sens sa main se poser sur mon menton pour me le relever délicatement. Je suis le mouvement et affronte ses yeux bleus inquiets.

C'est exactement l'expression que je voulais éviter.

-Esteban, écoute je...

Je m'arrête nette en me mordant les lèvres.

Je ne veux pas pleurer devant lui. Je ne veux pas mais je sais qu'il a raison. Je devrais lui dire mais je n'y arrive pas.

Esteban me prend dans ses bras et ma tête se retrouve calée contre son torse.

-Tu peux pleurer Luna. Jamais je ne te jugerai, je veux juste t'aider. Je suis ton ami et ça me fait mal de te voir comme ça.

Je serre mes mains contre sa veste grise et pleure silencieusement contre son torse.

-Merci, dis-je faiblement.

Il ne dit rien et je me laisse du temps pour me calmer dans ses bras. Après de longues minutes qui semble durer une éternité, je me calme et me desserre de son emprise. Il me donne un mouchoir avec un sourire.

-Ne me remercie pas. C'est normal, dit-il.

Je sèche mes larmes et regarde l'heure. Merde, les cours vont reprendre ! Esteban a dû le comprendre puisqu'il commence à partir en direction de la salle. Je le suis sans dire un mot et m'installe à ses côtés.

-Je te couvre si tu as besoin de dormir.

Je le remercie puis j'essaye de me concentrer sur le cours du prof.

Enfin un prof. C'est un grand mot pour le définir désormais. Un colocataire ? Une connaissance ? Un ami ? Même moi, je n'arrive toujours pas à lui donner une place particulière. Lui qui m'a sauvé la vie deux fois.

Je ne peux m'empêcher de regarder ses yeux durant quelques secondes. Ses yeux m'avaient tellement marquée et même maintenant cela me hante. La façon dont il m'a regardée ce jour-là ne correspond en aucun cas au regard de maintenant. Il est si dur à déchiffrer par moment.

Je vérifie d'un coup d'œil ma main droite et sourit en constatant que l'on ne voit pas mon tatouage. Heureusement qu'il fait froid et que porter des gants par ce temps ne choque personne, me rassuré-je.

Je cale par la suite ma tête contre mes bras et je sens mes paupières se refermer doucement. D'un coup, je sens une boulette de papier atterrir sur le haut de mon crâne puis une deuxième. Là, c'en est trop...

-Ça suffit maintenant ! crié-je en me mettant debout et en tapant mon poing sur la table.

Quelques personnes sursautent, d'autres me regardent avec surprise tandis que Pauline ne cache pas son amusement. Le prof, lui, arrête d'écrire sur le tableau et se retourne pour me faire face.

-Quelque chose ne va pas Luna ? demande-t-il.

Je le regarde d'un air indifférent mais la vérité est toute autre. Il m'avait déjà posé cette question durant un entraînement et j'avais fait le choix de ne rien lui dire. J'ai agi par pur égoïsme en pensant que je pourrai m'en sortir toute seule et voilà que maintenant il me demande ça en plein cours devant tout le monde.

Je suis si bête.

-Non...rien...excusez-moi...marmonné-je d'une voix tremblante.

Je me rassois en évitant son regard et j'entends énormément de personnes parler entre elles. Le prof ne dit rien, attendant que le bruit passe, et il me lance de temps en temps un regard interrogateur et craintif. Il compte reprendre son cours mais quelqu'un d'autre l'interrompt.

-Non, ce que voulait dire Luna, c'est que rien ne va, s'écrie Esteban.

Tous les regards se dirigent vers lui tandis que lui reste de marbre face à eux.

-Esteban tu n'as pas à....dis-je en lui attrapant sa manche.

Il me regarde du coin de l'œil avec un sourire puis il se concentre sur la personne face à lui qui n'était autre que le professeur.

-Si allez-y, expliquez-vous Esteban. Je vous écoute.

Les flammes du destin T1 - La DécouverteWhere stories live. Discover now