Hunting me [en réécriture]

S2 - Chapitre 1 : Diabolo fraise

❝ La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur. ❞ - Paul Eluard

Y S I A S C O T T

24 septembre, 6:00pm, Le Queens

Je jetai un bref coup d'oeil à l'horloge noire qui trônait sur le mur en face de moi. Il me restait une petite demie-heure de travail. En juillet, lors d'un festival, j'avais rencontré Blase. C'est un jeune papa qui approchait de la trentaine. Crane rasé, piercing à l'arcade sourcilière gauche, carrure musclée, tatoué de la tête aux pieds, il avait été jugé par une vieille coincée alors que j'étais en train de commander une bière au bar de la 3eme édition du LineFest'. Interloquée, je n'avais pas pu m'empêcher de prendre sa défense. Depuis, nous avions développé un lien amical, et il avait réussi à me faire embaucher dans le salon de tatouage où il travaillait. Le Queens était l'endroit le plus réputé de Nashville, et des gens faisaient des centaines de kilomètres juste pour avoir le privilège de se faire tatouer par Liz, qui était désormais ma patronne.

" Ysia ! m'interpella t-elle à l'autre bout du salon. "

Je traversai la pièce entièrement décorée par ses soins, arborant un aspect rétro, et m'approchai d'elle. Elle venait de finir un tatouage imposant sur le torse d'un jeune homme. Il était encore rouge et je souriais en remarquant la grimace figée par la douleur sur son visage juvénile.

" Tu en penses quoi? "

Liz était mon aînée de seulement 5 ans, mais elle n'en était pas moins autoritaire avec son personnel. Cependant, elle aimait partager ce qu'elle faisait avec ses quatre employés. Mes yeux parcouraient scrupuleusement tous les contours du dragon qu'elle venait d'ancrer dans la peau du client. J'étais toujours époustouflée de son travail. Elle était définitivement douée, précise, appliquée. Et Dieu, je ne pouvais m'empêcher d'être admirative.

" C'est très réussi, affirmais-je.

- Bien, lança t-elle en retirant ses gants. Tu peux ranger le plan de travail? "

Ce n'était pas vraiment une question. Ça ressemblait plus à un ordre, et je le savais. Elle accompagna le jeune homme jusqu'à la sortie et je nettoyais derrière elle. Je n'aimais pas vraiment ça, à vrai dire, j'avais beaucoup moins de liberté ici que dans l'ancien salon où je travaillais. Je ne tatouais que rarement; le plus souvent je devais simplement assister Blase ou les autres employés. Je soupirai avant de hausser les épaules et de finir ma tâche.

" Ysi, ton ami est là, chuchota Blase. "

Je relevai la tête et observai la baie vitrée de la devanture du salon. Zain se tenait là, debout sous la pluie, à tirer sur une cigarette, sa main gauche fourrée dans la poche de son slim noir troué.

" Il n'est que 18h15, s'agaça Liz. Il te reste un quart d'heure de travail, pourquoi vient-il toujours si tôt? "

Il n'y avait plus personne dans le salon. Dan et Mary, les autres employés, avaient fini depuis une bonne heure. Ma supérieure arrangea ses longs cheveux noirs devant un miroir avant de souffler.