Chapitre 3 - Comment quitter ce maudit navire ?

144 18 1
                                    


Je me réveille, le cœur au bord des lèvres, un mal de tête terrible s'installe derrière mon front. Je cligne plusieurs fois des yeux pour tenter de me repérer. La faible lueur à l'extérieur m'indique qu'il est encore tôt. Où suis-je déjà ? Tout tangue autour de moi, mon estomac se retourne et je retiens la nausée qui me gagne. La vérité me frappe de plein fouet et je comprends enfin que je me trouve toujours sur ce navire. Ce n'était pas un mauvais rêve.

Je me pince le bras à plusieurs reprises et, mise à part une grosse marque rouge, je ne quitte pas ce bateau.

Un frisson d'horreur me hérisse les poils quand je crains me souvenir de ce qui s'est produit hier soir. Mes vêtements sont toujours entassés dans un coin. La décoration ignoble a regagné les étagères et je remarque qu'un verre d'eau est posé sur le bureau du fond. La surface du liquide tangue au rythme de la mer.

Je me lève du lit, ma peau empeste le rhum de ma tenue d'apparat. Des mèches de cheveux se sont échappées de ma coiffure et barrent mon visage. Lorsque je suis debout sur mes pieds, je me retiens de vomir mon dernier repas. Comment est-ce que j'ai pu atterrir ici ? Je tâte mon cou et la brûlure sur ma peau est toujours aussi vive.

Au travers du hublot, l'océan s'est calmé et plus aucune baleine ne traîne dans les parages. Le jour se lève et d'énormes nuages tels du coton semblent toujours flotter à la surface de l'eau. Les timides rayons du soleil les colorent en un dégradé de rouge et orange. J'ai l'impression que des filets d'or tombent en harmonie parfaite du ciel, comme les grains d'un sablier.

Je suis hypnotisée par le spectacle. Personne ne vient me chercher cette fois-ci. C'est comme si le navire avait été déserté dans la nuit.

Ma porte n'est pas scellée, alors je sors sur le pont, m'avance jusqu'au gaillard d'avant. J'observe le beaupré nous guider vers le lointain. Une brise chaude se faufile à travers les cumulus et caresse mon visage. Le paysage dehors est à couper le souffle. Jamais je n'en ai vu un avec une telle palette de couleurs pastel.

Je ramène des mèches sauvages derrière mon oreille. Tout n'est qu'une étendue d'eau à perte de vue. Toujours personne à l'horizon, l'endroit est désert, pas même un matelot pour tenir le gouvernail. Je m'en approche.

Mon Dieu ! Il bouge tout seul. J'ai envie d'y toucher, mais je ferais mieux de ne pas m'attarder sur ce navire. Ma mère doit être peut-être morte d'inquiétude. Par réflexe j'amène mes doigts à mon cou, mais le collier a disparu. Le dénommé Elliott me l'a arraché sans gêne. Mon cœur me hurle d'aller fouiller toutes les cabines à sa recherche, mais mon cerveau m'ordonne de filer.

Il a peut-être raison.

Je traverse d'un pas rapide l'entrepont pour établir un état des lieux. Une vieille barque se balance à des cordages tout aussi anciens que ce navire. Comment est-ce qu'il peut vraiment flotter ? Mais ce n'est pas mon problème. Le mien est de m'éloigner et regagner le rivage. Malheureusement, je suis perdue au milieu de la mer. Par ironie du sort, je me remémore les heures passées sur le bateau de mon père, qui aimait tant donner des conseils aussi loufoques que lui.

Si tes yeux ne peuvent pas voir l'horizon, sache qu'il ne se cache jamais longtemps.

C'est dénué de sens, encore aujourd'hui.

— Si seulement j'avais une boussole ou une longue-vue, me plains-je en faisant un tour sur moi-même.

Un bruit sourd résonne derrière moi, je sursaute en sentant du métal froid contre ma cheville. À mes pieds vient d'apparaître une longue-vue en acier doré.

— C'est très étrange...

Je jette un regard pour remercier le matelot qui a entendu ma requête, mais il n'y a que moi et l'écho des vagues.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeWhere stories live. Discover now