Chapitre 22 - Le port de Findar

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Trois heures plus tard, Elliott fait signe à plusieurs matelots de rester sur le pont alors qu'ils bâillent bruyamment. La nuit noire d'encre sans étoile nous surplombe, nous avons avancé vers les Quatres Terres & Mers dans le silence. La brume s'est posée à la surface et je grelotte dans mon manteau, m'habituant à sa chaleur. On y voit à peine à dix mètres avec ce brouillard.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? braille Lasmur en se grattant la joue.

— Ton Capitaine a des ordres pour toi.

L'homme reptilien souffle en roulant des yeux, il m'examine de ses grands iris dorés avant d'esquisser un sourire narquois.

— Tu as dû bien l'agacer pour que nous prenions la mer.

Je ne rétorque rien, me contentant de serrer mes poings contre ma taille. Mon humeur ne déteint pas sur celle de Morgan, il est lunatique, et cela depuis le départ. Ce dernier débarque, de nouveau coiffé de son immense chapeau, ayant enfilé sa veste noire aux broderies d'or. Les mains dans le dos, je distingue au creux de sa paume, un objet brillant.

Ma pureté.

Le coquillage donné par Cysara est un phare éblouissant dans cette nuit sombre. Morgan s'avance jusqu'à son gouvernail, il tape des talons contre les planches pour attirer l'attention sur lui. Aussitôt, tous les matelots se tournent dans sa direction. Il a de la prestance, du charisme et sait faire preuve de beaucoup d'autorité.

— Dans moins d'une demi-heure, nous serons sur les Terres de Findar. Cet endroit n'est pas connu pour son hospitalité, vous y ferez de mauvaises rencontres.

Toujours les mains dans le dos, il examine d'un regard ses troupes avant de sourire, un rire qui me glace les sangs.

— N'oubliez pas que les Quatres Terres & Mers sont envoûtées, tous les sorts de magie noire sont inhalés par l'énergie centrale du Cyclone Fuve. Si vous passez des pactes maléfiques, vous en souffrirez dès votre retour sur La Chimère.

Morgan dévoile le coquillage, des murmures s'élèvent et il claque du talon pour les faire taire à nouveau. Je l'aperçois déposer le précieux sur le gouvernail, retenant mon souffle.

— Cette expédition exceptionnelle sera peut-être votre dernière si vous vous faites prendre.

J'observe en plissant les yeux, au point de m'en faire mal. De la poudre blanche semble s'en échapper. Je meurs d'envie de découvrir ce que ma pureté est capable de faire.

— Les gardes royaux sont à nos trousses, dès lors que vous aurez un pied à Findar, le charme s'estompera. Il vous faudra vous débrouiller seuls. Personne ne viendra vous sauver.

Son regard océan s'ancre au mien et je déglutis difficilement.

— Je ne veux pas en entendre un seul pleurer, ni même soupirer. Vous désirez être des hommes riches, libres, alors remplissez-vous les poches durant ce voyage. Personne ne s'arrêtera sur vous. Certains seront rappelés sous mes ordres si j'en requiers le besoin.

Son ton est cassant, mais ferme. Il foudroie ses hommes du regard, attendant la moindre rébellion, mais aucun ne bronche. La richesse, c'est tout ce à quoi ils aspirent. Morgan se saisit du coquillage et le tape trois fois sur le gouvernail.

La magie opère aussitôt. L'objet disparaît, comme s'il n'avait jamais existé, il s'efface comme de l'encre au soleil. Le sort s'étale sur le pont, les lattes de bois disparaissent, je recule de peur de tomber dans l'eau.

Elle apparaît sous mes pieds, tranquille. Je peux parfaitement distinguer une forme ondulée avant de disparaître dans les abysses. En relevant la tête, un hoquet de surprise m'échappe.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu