Chapitre 19 - Le Cauchemar du Capitaine

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À force de barboter dans l'eau ne refroidissant jamais pendant des heures, j'ai fini par m'assoupir, la nuque contre le rebord en bois. Je grimace en me pétrissant le cou, les yeux encore collés de fatigue. Au travers du hublot, les nuages noirs changent de couleur et prennent des teintes plus rosées. J'adore le lever du jour dans ce monde, il a quelque chose de réconfortant.

Un coup d'œil au sablier posé sur un reste d'étagère, les grains de sable ont fini de s'écouler depuis un moment. J'observe mes mains et les passe sur mon visage.

Je ne ressens plus de nausée, ni aucune douleur physique.

Bien que nous voyageons en fin de journée et toute la nuit, j'apprécie les moments de solitude qu'offre le navire plongé dans le sommeil. Chaque matin se ressemble, le calme, la douceur des nuages de coton et soudainement, les cris. Je me demande toujours d'où ils peuvent venir, s'il ne s'agit pas des fantômes des anciens matelots.

Et ils s'exclament en cet instant. Cette fois-ci, je sursaute dans mon bain, éclaboussant le sol au passage. Les hurlements, plus puissants qu'à l'accoutumée semblent provenir de la chambre de Morgan. Un gémissement rauque m'effraie à nouveau. Rapidement, je quitte mon bain chaud et me vêtis prestement.

Les cris de l'aube - c'est comme ça que j'aime les nommer - n'ont jamais été aussi intenses. Habillée, mes cheveux collant à ma peau humide, je souffle un grand coup pour prendre mon courage à deux mains et entre dans la chambre de Morgan.

La pièce est chargée d'une énergie désagréable qui m'étouffe. Alors qu'aucun hublot n'est ouvert, une brise froide se glisse partout où elle peut, soulevant des feuilles volantes, ouvrant les manuscrits comme si on les lisait à toute vitesse.

Morgan hurle, recroquevillé dans son lit. Mais les cris ne proviennent pas de sa gorge, ils sont partout, créant une onde de choc qui me bourre le crâne, comme au premier matin. Je plisse les yeux et me bouche les oreilles. Quel est donc ce phénomène ?

Le Capitaine s'agite dans ses draps, il geint, suffoque. Mon cœur double ses battements quand je m'approche de son lit. Il est torse nu, le front couvert de sueur, les yeux fermés. Comme s'il était en train de faire un cauchemar.

Des traînés de sang frais marquent sa peau, son bandage, ses couvertures. Mon Dieu, d'où provient tout ce liquide ?

— Morgan !

Je m'époumone plus fort que les bruits autour de nous, lui aussi s'égosille. Je pose une main sur son épaule, sa peau est brûlante sous la mienne. De toutes mes forces, je tente de l'extirper de son rêve. Contrairement à lui, mon grain de peau est intact, aucune goutte rouge ne s'écoule.

— Morgan, réveille-toi !

Il tourne la tête dans tous les sens, pousse un râle étranglé. Son visage est défiguré par le coup d'Elliott, la douleur et trempé de sueurs. Un bruit sourd retentit, comme un coup de fusil. Je fais volte-face, je n'aperçois rien ni personne. Pourtant les balles continuent de siffler.

Le torse de Morgan est maculé d'hémoglobine, ses draps sont teintés à leur tour. Mes yeux cherchent frénétiquement la marque de l'impact.

Je commence à avoir des sueurs froides, la panique me gagne, mon cœur tonnant dans ma poitrine. Un autre sentiment que je n'avais connu s'immisce en moi. Un agréable frisson parcourt ma peau, une satisfaction étrange m'étire presque les commissures.

Le cri de Morgan m'éloigne de mes pensées.

Je tâte son torse, de nouveau le sang ne colle pas à ma peau, je ne sens que sa chair couverte de sueur et bouillante. Mes joues se colorent de gêne, mais je me défais rapidement de cette sensation en me mordant la lèvre.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeWhere stories live. Discover now