Chapitre 25 - La piste des pommes de pain

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Après un quart d'heure d'effort, les genoux et les mains en feu, je sors enfin la tête du tunnel poussiéreux. Comme annoncé, nous débarquons dans une ruelle étroite, les murs de briques vont me dévorer tant ils sont penchés vers l'avant.

Je dépoussière mon manteau et arrange mes cheveux quand je sens des doigts effleurer ma nuque. Je sursaute et me tourne vivement vers Morgan.

— Il vaut mieux que tu sois présentable pour notre couverture.

— Pardon ?

La main de Morgan glisse dans ma nuque et je frissonne de la tête aux pieds. Il ajuste sa propre coiffure et sort de sa besace une fausse moustache et des lunettes. Je bats des cils, essayant de comprendre ce qu'il fait. J'éclate de rire lorsqu'il applique sa fausse barbe au-dessus de ses lèvres charnues.

— C'est grotesque, blagué-je.

— Mais essentiel ! Pour ta gouverne, nous sommes désormais un jeune couple fiancé à la recherche d'un magnifique bijou serti de diamants. Findar est aussi connu pour ses forgeries et ses bijouteries.

Il place ses lunettes sur les yeux, il semble ne pas avoir de verres et je meurs d'envie de glisser un doigt au travers pour vérifier. Ce que je décide de faire, mon index bute contre sa paupière et le Capitaine lâche un juron.

— Aie ! Tu vas me crever un œil.

Je ricane tandis qu'il délasse les boucles de sa cape pour dévoiler une tenue de parfait gentleman et brosser ses cheveux à l'aide de ses doigts. Il peste en rencontrant des noeuds.

— Tu fais ça n'importe comment, le grondé-je en me hissant sur mes pointes pour l'aider à se coiffer.

Morgan frémit quand mes mains passent dans son cuir chevelu, j'appuie volontairement sur des zones sensibles. Je suis si proche que ma poitrine se colle à son buste, qui se soulève difficilement. Mes yeux se plongent dans les siens.

Des ricochets de sabots dans la rue voisine me sortent de ma rêverie, je cligne des yeux frénétiquement avant de plaquer sa tignasse en arrière. Il n'a plus rien du fougueux Capitaine Krug, mais il n'en reste pas déplaisant.

— Tu crois réellement que cet accoutrement convaincra quelqu'un ?

Morgan place une montre à gousset dans une poche sur le buste, en or si vif que j'en ai mal aux yeux dans ce décor gris et blanc.

— C'est toi qu'ils vont tous regarder de toute façon, Miss Layton.

Je fronce les sourcils.

Il me tend un passeport à la couverture en cuir marron. J'ignorais qu'il existait aussi des papiers d'identité dans ce monde. Morgan me montre fièrement le mien.

— Rianiel a des mains de fées, c'est un elfe très doué.

J'ouvre la bouche, pas certaine de comprendre, mais Morgan m'entraîne dans l'avenue principale. Mon cœur s'emballe. Les passants déambulent dans les allées encore désertes. Je crois reconnaître une des entrées des catacombes, des personnes y pénètrent discrètement en regardant autour d'elles.

Le jour s'est levé, mais difficile d'apercevoir le ciel avec cette couche de pollution qui flotte au-dessus de nos têtes. Nous pénétrons dans une rue immense, celle-ci est en meilleur état. Des femmes secouent leurs linges gris au-dessus des balcons remplis de fleurs. La neige tombe sur les pétales, masquant leur couleur originelle.

Des petites étales sont recouvertes d'objets en tout genre, il y a beaucoup d'armes, d'épées, de poignards. Je sens la douce chaleur du charbon des forgeries. Plus haut, un verrier souffle dans une longue tige et la matière gonfle pour prendre sa forme définitive. Des vitraux aux multiples couleurs sont en train d'être modelés par des enfants.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeWhere stories live. Discover now