Chapitre 38 - La Lagune de Gaapda

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La température est encore plus agréable qu'à Celos. La brise est douce, caressant mon visage, et les rayons du soleil réchauffent ma peau, sans pour autant m'étouffer. Une odeur florale se dégage des parterres de tulipes rouges. Nous marchons en groupe dans ces rues parallèles, impeccables, sans qu'aucun caillou ne vienne se coincer sous ma chaussure. À y regarder de plus près, les jardinières de fleurs sont identiques à leurs voisines. La fleur bleue est toujours entre la rose et la jaune, ainsi de suite. À mes pieds, je suis le tracé des joints entre les pierres blanches, tout est symétrique, droit. Contrairement à Celos qui grimpe vers le ciel maladroitement ou Findar qui penche dangereusement vers le sol.

Les passants marchent d'un côté ou de l'autre dans les rues sans jamais se cogner le coude. L'effervescence de la Baie de Fela ou du Festival de la Feuille me manque. Nous marchons quelques minutes en rang d'oignons, sans qu'aucun ne bronche. J'observe les gens, tout le monde semble perdu dans ses réflexions et je n'accroche aucun regard.

— Ha, notre bonne vieille gargote ! s'exclame Dubh en s'arrêtant devant une devanture.

J'arque un sourcil, elle n'a rien de différent des autres demeures de la rue. Comment une taverne peut-elle se trouver en plein milieu d'une rue commerçante ? Je m'attendais à m'enfoncer dans des endroits malfamés et effrayants. Mais Thera semble parfait sous toutes les apparences. Un frisson me parcourt l'échine, je sais qu'elles peuvent être trompeuses.

— Très bien, n'éveillez pas les soupçons, nous sommes là pour savoir où se trouve Médusa, déclare Morgan en poussant la porte d'entrée.

Nous pénétrons les lieux animés sans que ça ne corresponde à l'image que j'ai des tavernes, du moins celles que nous avons croisées. Tout est très épuré, aucune odeur désagréable d'alcool ne me retrousse les narines. Aucun ivrogne n'est avachi sur son tabouret dont les pieds manquent de céder sous son embonpoint.

À la place, un immense comptoir en marbre blanchâtre et moucheté, où quelques passants s'abreuvent autour d'une tasse fumante. Une machine à grains de café bourdonne derrière un serveur dans une tenue impeccable. Le seul détail qui dénote, c'est la longue cicatrice qui transperce son visage, de son arcade sourcilière à la naissance de ses lèvres. Dans un silence pesant, il essuie des tasses en porcelaine et sert les habitants qui lisent leur journal.

Je me demande bien comment nous allons trouver Médusa, dans cet endroit si parfait. Morgan s'avance vers l'homme et le salue d'un signe de tête. Son interlocuteur se doute-t-il qu'il s'adresse au Capitaine Krug recherché de tous ?

Je n'ai aperçu aucune affiche sur les murs, mais les rumeurs sont plus rapides qu'une traînée de poudre. Combien de temps avant que la garde ne réalise qu'il s'agit en réalité de Nibäel ? Combien de jours sans soldats royaux à nos trousses ?

— Nous descendons à la Lagune de Gaapda.

— Veuillez prendre place, indique le serveur en désignant des tabourets à l'assise beige.

Je m'installe, curieuse de savoir ce qui va se dérouler par la suite. L'homme en uniforme patiente, Haes et Lasmur font à leur tour leur entrée, échangeant une simple oeillade avec leur Capitaine.

Lorsque nous avons chacun notre tabouret, l'homme du bar se tourne vers son immense machine à café. Il réfléchit en agitant ses doigts comme des papillons qui s'envolent vers le ciel. Il examine ses manettes en or et en actionne une. Je fronce les sourcils, aucune tasse n'a été disposée en dessous.

Puis, après avoir jeté un coup d'œil sur nous par-dessus son épaule, il tire sur les autres. Huit au total. Haes soupire en agrippant son assise tandis que Lasmur se moque de lui. Dubh frétille d'impatience en s'agitant, quant à Morgan et Elliott, ils restent sereins. J'échange un regard interloqué avec Malo qui m'offre un clin d'œil. Nika garde les yeux rivés sur ses petites mains blanchâtres.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeWhere stories live. Discover now