Chapitre 1 : Glitter and gold - 2/2

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Elles traversèrent ensemble le hall, empruntèrent l'escalier, s'arrêtèrent devant sa porte. Cyrielle déposa à ses pieds la pile de manuels, se saisit de la clé qu'elle portait au bout d'une chaîne en or pour ne pas la perdre, et souffla sur cette frange un peu trop longue qui commençait à lui tomber dans les yeux. Une fois la porte entrouverte, Madeline entra la première sans attendre la moindre invitation.

« Les chambres des deuxièmes années sont tellement plus spacieuses, j'avais oublié que celles-ci ressemblaient à des placards. »

Cyrielle était loin de partager cet avis. Sa joie d'avoir été acceptée à Oxford la rendait aveugle à tous les défauts de l'endroit. Même la moquette couleur crotte, à ses yeux, rivalisait de grâce avec les plus beaux tapis d'Orient.

« Je pose ça où ? l'interrogea sa nouvelle acolyte.

— Sur le bureau, ça ira. Merci beaucoup pour ton aide, Madeline.

— Mais je t'en prie. Wow, ces bouquins sont magnifiques. »

Elle s'était dirigée vers la bibliothèque de Cyrielle et s'était saisie d'un ouvrage. Encore une fois, sans demander la permission.

« Ce n'est pas moi qui dirai le contraire », acquiesça Cyrielle.

Elle se retint d'ajouter que d'ordinaire elle n'appréciait pas que des étrangers s'amusent à les toucher.

« Celui-ci, c'est l'un de mes préférés de tous les temps, déclara Madeline en caressant la couverture d'une édition limitée de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. Ce qui est particulièrement cliché, oui, je sais, pour une étudiante en droit.

— Mais il ne traite pas de droit, la contredit-elle, il parle surtout d'enfance. De cette époque où tout était plus simple.

— Rien n'était simple, ma belle, rien n'a jamais été simple. C'est juste qu'on pigeait rien. Oh, et ton Jane Eyre est sublime. Je crois bien que je tuerais pour jouer Jane Eyre, tu sais. Et ce — ».

Madeline stoppa net son élan.

« Et de toute évidence, à en juger par le regard noir que tu me jettes, conclut-elle avec un hochement de tête, tu n'aimes pas trop que les gens promènent leurs sales pattes dessus. Reçu cinq sur cinq, mon capitaine, j'arrête tout de suite. »

Cyrielle ne put s'empêcher de lui sourire, de lui sourire vraiment pour la toute  première fois depuis leur rencontre, en décelant une sincère frustration sur les traits de son visage.

« De toute façon, reprit la deuxième année, il faut vraiment que j'y aille. J'ai encore plein de choses à organiser avant demain. Deux rentrées le même jour, c'est un peu la folie. Je vais devoir être à deux endroits en même temps, et à la fin de la journée je m'estimerai satisfaite si je n'ai pas commis un meurtre. Bon, un seul, à la limite. »

Elle s'arrêta sur le seuil, ancrée au sol par les regrets à ses chevilles.

« Je sais que je t'ai dit plein de choses effrayantes, tout à l'heure, mais je ne voulais pas te faire peur. Je suis sûre que tu vas t'en tirer. Et encore une fois, si jamais tu as besoin d'aide, avec quoi que ce soit, tu n'hésites surtout pas à frapper à ma porte. Chambre 202, souviens t'en. De toute manière tu n'as pas vraiment à t'inquiéter : quoi qu'il arrive, le Préfet veillera sur toi. Toujours. »

Elle disparut sur cette énigme et un sourire, tandis que Cyrielle secouait la tête. Elle tourna la clé dans la serrure après son départ, se dirigea vers sa fenêtre, écarta les rideaux pour se dégager une vue sur le campus.

CyrielleWhere stories live. Discover now