Chapitre 15 : I don't trust nobody - 3/3 {Bennett}

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Danny la rejoignit au bout de quelques minutes et s'assit à ses côtés en silence. Elle essuya ses joues en vitesse et prétendit s'intéresser au couple de personnes âgées qui se promenait sur le trottoir, tout au bout de la rue.

« Ton père ne t'enverra nulle part.

— Tu n'en sais rien.

— Bien sûr que je le sais, tu m'as déjà vu me tromper ? » A peu près un jour sur deux. « Il dit ça pour te faire peur, mais il en serait incapable. Pas avec Alyssa qui quittera la maison cet été pour se rendre à l'université, et pas après ce qui est arrivé à votre mère. Il ne t'enverra nulle part, répéta-t-il, mais ça ne veut pas dire que tu ne dois pas faire attention. Le type que t'as essayé de sauver, – il avait baissé le niveau de sa voix de quelques décibels, et ce ton prompt à la confidence fit presque oublier à Bennett les raisons de son chagrin – il était défoncé, apparemment. C'est pour ça qu'il s'est évanoui avant même le début de l'incendie et que contrairement à ses voisins, il n'a même pas été en mesure d'ouvrir sa fenêtre. Alors tu vas me dire : oui, et alors ? Des gens qui se shootent dans la journée pour faire passer la vie, il y en a plein, c'est triste mais c'est comme ça, qu'est-ce que ça change, pourquoi est-ce que ce serait particulièrement inquiétant ? Enfin non, tu as douze ans, tu ne vas pas me dire ça, tu ne sais pas ce que c'est que de ressentir le besoin de s'éteindre le cerveau pour faire taire le bruit. Mais tu pourrais. Bref, oublie. Si c'est inquiétant c'est parce que ce pauvre gars, paraît-il, était sur la liste.

— La liste des témoins ? demanda Bennett, plus intéressée qu'effrayée.

— Celle-là même. Maintenant comprends-tu pourquoi tu devrais faire profil bas ? Ces types sont des chiens.

— Je n'ai jamais compris cette expression. Tout le monde adore les chiens, et c'est bien normal.

— D'accord, ces types sont de vrais fils de pute. Là, t'es satisfaite ? Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a, pourquoi tu me regardes comme ça ? Tu vas me dire que tout le monde adore les – Non, tu as douze ans. Tu ne vas pas me dire ça. Oublie ça aussi. Et n'emploie jamais cette expression. La morale de l'histoire, c'est qu'il faut s'en tenir éloigné au maximum. Au maximum, tu m'entends ? Alors tu respectes les règles. Pas parce que Joan te le demande, pas parce que tu vas envoyer ton père à l'hosto avec un ulcère, si tu continues – quoique j'imagine que ça devrait aussi être une bonne raison – mais parce qu'il en va de ta survie. La ville n'est pas sûre en ce moment, mais il te suffit d'être patiente. Bientôt tout redeviendra comme avant. D'accord ? »

Il fut interrompu par Joey, qui sortait de la maison à son tour.

« Mais regardez qui voilà ! C'est bon, tu as fini de te faire remonter les bretelles par la famille d'une autre ? Tu vas enchaîner directement avec tes propres parents, ou tu fais le tour du quartier d'abord ? »

L'intéressé ne fit pas cas de sa remarque. Il avait repéré les vestiges de larmes, sur les joues de Bennett, et fronça les sourcils.

« Est-ce que ça va ?

— Très bien, lui assura-t-elle froidement.

— Je dois y aller, j'ai dû leur jurer que je ne t'inciterai pas à dépasser les bornes. Comme si de nous deux c'était moi, qui avais les idées les plus folles. Mais si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où me trouver. »

Bennett ne se força pas à lui répondre. Elle rabattit ses genoux contre sa poitrine et les entoura de ses bras. Joey ouvrit la bouche et la referma aussitôt. Il lorgna Danny, qui se contenta de hausser les épaules, et finit par l'imiter avant d'opter pour la solution la plus facile : partir. En le voyant leur tourner le dos comme un lâche, sans s'expliquer, Bennett ne contint plus sa colère.

CyrielleWhere stories live. Discover now