Chapitre 4 : Let me introduce myself - 1/2 {Cyrielle}

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"I like the way you hold yourself

And I'd like you to be holding me"

Cyrielle

Il s'exprimait depuis cinq minutes seulement, et déjà les murmures s'étaient mués en vacarme. Le bruit semblait se répandre sous leurs pieds. Faire trembler le sol. Les enseignants ne réclamaient pas le silence ; ils paraissaient au contraire se satisfaire de l'agitation générale provoquée par le discours de leur élève favori. Car voilà ce qu'était ce mystérieux jeune homme, à n'en plus douter. L'étudiant en deuxième année le plus populaire parmi le corps professoral, promu à un rang étrange qui n'apparaissait sur aucune des brochures de l'université.

Tous les mots furent prononcés.

Tous les mots qui, la veille, avaient dansé sur les lèvres de Madeline sans atteindre leur cible.

Cyrielle écoutait, médusée. Jetant des regards autour d'elle pour vérifier qu'elle n'était pas la seule à se croire en plein rêve.

« Si tu gardes ta bouche ouverte encore longtemps, lança-t-elle en guise d'avertissement à sa voisine – celle-là même qui l'avait mise en garde quelques minutes plus tôt contre ses tendances au bâillement – , tu vas répandre de la salive partout. C'est répugnant. »

Le microphone grinça et tout le monde porta les mains à ses oreilles en se plaignant de la douleur. Le silence, ensuite, fut total et imperturbable.

« En tant que Préfet, je serai votre référent principal, poursuivit le jeune homme sur l'estrade. Votre guide, en quelque sorte. La première personne à consulter en cas de problème. Comprenez-moi bien, je ne suis pas là pour être votre ennemi, je suis là pour vous aider. Il y a encore quelques mois, j'étais à votre place. D'ailleurs, par pitié, ne me Préfet-Greenfield-ez pas, d'accord ? Pas de ça entre nous, appelez-moi par mon prénom. »

Venait-il d'adresser un clin d'œil à l'un des étudiants assis au premier rang ? Cyrielle s'avança jusqu'au bord de sa chaise.

« Néanmoins, il est de mon devoir de veiller à ce que vous respectiez les règles de l'université et si vous tentez de me duper, navré de vous l'apprendre si tôt, cela ne se terminera pas très bien pour vous. Mais venons-en aux réjouissances de la journée. Certains parmi vous en ont déjà entendu parler – je les vois qui frissonnent d'avance – mais ces derniers sont rares, n'est-ce-pas ? La grande majorité d'entre vous ont été pris de court par mon existence même, pas vrai ? Et tout ce que je vous raconte depuis que je suis arrivé sur cette estrade n'aurait pas été plus clair si je m'étais exprimé en hébreu. Alors recommençons depuis le début, si vous me le permettez. »

Il reprit son souffle le temps d'un bref instant. Un sourire fugace traversa ses lèvres et Cyrielle crut bien entendre le cœur de sa voisine percuter de plein fouet les parois de sa cage thoracique.

« Il est de coutume, ici, de proposer un stage aux élèves les plus prometteurs de la promotion. Une tradition qui existe depuis la nuit des temps mais que nous avons tendance à garder pour nous, pour des raisons bien trop longues à détailler devant vous ce matin. L'idée, c'est de former sept groupes de dix étudiants, et d'en attribuer la responsabilité à un professeur ou un cabinet partenaire avec comme objectif de travailler sur une affaire juridique précise, le soir, après vos cours. Une compétition oppose les sept groupes tout au long de l'année, à l'issue de laquelle les vainqueurs sont désignés par Monsieur le Doyen lui-même après consultation avec l'ensemble du corps professoral. Ils gagnent alors le droit d'être admis en deuxième année même s'ils échouent dans une matière aux examens finaux. Une seule matière, pas plus, insista-t-il, sévère. Alors c'est un folklore de l'université, certes. Et libre à vous ne pas participer aux sélections, libre à vous d'errer dans nos couloirs sans vous soucier une seul seconde de toute cette mise en scène, de faire comme si cela n'existait pas puisqu'après tout, aux yeux du monde, tout cela n'existe pas, en effet. Mais si je peux me permettre de vous donner mon premier conseil de l'année, ce sera celui-là : ne prenez pas cette tradition à la légère. Saisissez cette chance. C'est une vraie opportunité pour vous d'apprendre sur le terrain, loin des manuels scolaires, bien avant l'heure. Tous ceux qui ont participé à ces ateliers, à cette compétition, ont réalisé de brillantes carrières par la suite. »

CyrielleWhere stories live. Discover now