Chapitre 22 : Am I a hero now - 3/3 {Cyrielle}

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Il tomba d'abord à genoux, et puis il s'étala de tout son long. Ainsi inanimé, sur le ventre, il aurait pu être n'importe qui. N'importe quelle victime de son coup de folie. Cyrielle contemplait la lampe qu'elle tenait dans sa main, qui tremblait dans sa main, en comprenant soudain ce qu'il venait de se passer. Ainsi inanimé, sur le ventre, il aurait pu n'être qu'assoupi. Était-ce du sang, sur son... ? Non. Non, ce n'était pas du sang. Juste son esprit qui lui jouait des tours. Rien d'autre que l'ombre d'un pan de la bibliothèque, sur ce visage qui n'exprimait plus rien. Il fallait qu'elle respire. Qu'elle ferme les yeux pour que tout disparaisse. Qu'elle prie pour être autorisée à revenir en arrière. Peut-être que quelqu'un l'écouterait, cette fois. Là-haut.

Il fallait qu'elle respire.

Qu'elle cesse de trépider, au moins. Comment pourrait-elle se hisser hors de cet enfer si ces traîtres de genoux, flageolants, la maintenaient à peine debout ? Il faudrait ramper. Avancer sur les coudes, les yeux fermés. Quoi qu'il arrive, les yeux toujours fermés. Hors de question de les rouvrir si c'était pour les poser de nouveau sur le corps immobile de cet homme qu'elle aimait tant. Il n'était pas assoupi. Il n'était pas n'importe qui.

« Cyrielle ? »

Sous le choc, elle laissa tomber l'arme du crime. L'ampoule se brisa en touchant le sol et alors tout, en elle, subit le même sort. Ses paupières se décollèrent dans la douleur et elle leva le menton vers celui qui se tenait debout dans l'embrasure de la porte.

« Cyrielle ? », répéta-t-il.

Son teint était livide. Son visage d'ordinaire si rassurant, si beau, à ses yeux, paraissait n'être plus qu'une fade copie de l'original. Une poupée de porcelaine, voilà ce que son ami était devenu en la trouvant ainsi, en les trouvant ainsi. Une poupée de porcelaine, sans vie, prête à se casser elle aussi.

« Cyrielle, qu'est-ce que tu as fait ? »

Elle voulut répondre mais la vérité était si laide, si large, si lourde, qu'elle n'aurait pu se montrer sans les aveugler à tout jamais, qu'elle n'aurait pu se loger entre eux, dans cette pièce, sans les expulser à deux pôles opposés de ce monde, qu'elle n'aurait pu fouler le parquet sur lequel ils se tenaient sans l'écraser et les entraîner dans une chute dont ils ne reviendraient plus. Elle ouvrit tout de même la bouche. Fut incapable d'articuler davantage que son prénom. Encore et encore, pour appeler à l'aide. Les yeux toujours rivés sur l'homme qui gisait à ses pieds.

« Il allait tout découvrir... », murmura-t-elle quand il lui fut enfin possible de dire autre chose.

Peut-être avait-il déjà tout découvert. Où était l'enveloppe quand elle était entrée dans la pièce ?

« Tout découvrir ? lui fit écho le Préfet. Découvrir quoi ? » Elle ne répondit pas et il secoua la tête. « C'est au sujet de l'éviction des Saturnes ?

— Tu savais ? demanda Cyrielle incrédule.

— Je... Je m'en doutais. Mais je n'étais pas sûr. Tu m'évitais, mais ça aurait pu être à cause de... » Il s'interrompit, secoua de nouveau la tête. « Il t'aurait protégée. Hoffman. Il ne t'aurait pas dénoncée, il t'appréciait trop, pour ça, il... Et puis cette histoire était déjà derrière nous.

— Non, rétorqua Cyrielle.

— Je t'assure que si. Je te le promets. On aurait pu tout arranger si –

— Non, tu ne comprends pas, ce n'est pas ça. Il sait depuis toujours, pour les Saturnes, ce n'est pas ça. » Ses yeux s'embuaient, le monde devenait flou. « Ce n'est pas ça.

CyrielleWhere stories live. Discover now