CHAPITRE 5 : la Terre, Elle se nomme Grita 4/5

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Mac

Forêt primaire, Pacifique.

*

Les mains contre les lourdes portes, Mac se demandait pourquoi les arabesques gravées dans le bronze lui semblaient familières.

Au contact glacé du métal, il se souvint avoir déjà poussé ces portes. Ces dernières s'ouvrirent dans un long grincement et la fin de leur parcours fut ponctuée par un bruit sourd.

Au centre du hall, le frêne majestueux abritait toujours les mondes qui y reposaient.

Les jeunes femmes cachectiques humectaient toujours le tronc et les racines de grosses poignées de la même boue blanche.

Il avança sans crainte vers l'arbre protecteur des mondes. Arrivé à son pied, il leva la tête vers la cime. Le vert du feuillage dansait fébrilement autour des planètes supérieures, elles brillaient d'une aura bleutée.

La Terre au centre du tronc était juste la Terre ; imperturbable dans sa révolution, elle n'émettait aucune nitescence.

Il baissa la tête et remarqua que les Nornes s'étaient immobilisé les mains chargées de la glaise sacrée. Leur corps éclatant de blancheur lui fit plisser les yeux.

Un globe situé dans les racines intrigua Mac, car il était entièrement recouvert de boue. Il semblait inerte et dépourvu de vie, un froid parcourut son échine soulevant ses poils un par un. Ses yeux ne pouvaient se détacher de cette malheureuse planète, son cœur serré par son triste sort et celui de ses habitants. Cependant sans savoir comment, il avait l'intime conviction qu'elle était seule responsable de son état. Plus il la fixait, plus un voile sombre s'étendait, noircissant son âme.

— C'est à cause d'elle que les Nornes doivent purifier l'arbre, expliqua une voix grave dans son dos.

Cette voix Mac l'avait déjà entendu. Il se retourna sur le géant dénommé Tyr.

— Que s'est-il passé ? l'interrogea-t-il.

— Elle est la gangrène de l'arbre sacré. C'est la mort qu'elle sème. De ce monde provient ce qui détruit le don que donne Urd. Elle intoxique Elivagar et les mondes qu'il parcourt.

— Vous l'avez jugulé ? s'inquiéta-t-il.

— Hallinskidi et nos enfants ont arrêté ce que nous nommons Hel. Regarde, le feu de Sürt attaque le Bifröst, et bientôt Hel passera, confia le géant.

Il posa une main amicale sur l'épaule de Mac. La chaleur réconfortante de ce geste lui confirma qu'en ce lieu il était protégé.

— Qu'arrivera-t-il si Hel passe ? se renseigna Mac.

Il pressentait que le géant Tyr lui révélait quelque chose d'important.

— Hel passera, accompagnée de ses fléaux.

L'assurance du colosse déstabilisa Mac, les traits du dieu se marquaient d'une fatalité inquiétante.

— Et ensuite ?

— Ça, fils d'Hallinskidi, tu dois l'en empêcher. Retrouve Gjallarhorn et confie-la à qui de droit.

Mac pensait trouver des réponses, mais de nouvelles questions le travaillèrent. Tyr et Mac, concentrés sur l'arbre et les Nornes, restèrent muets un long moment. Tyr respirait paisiblement pourtant ses yeux rouges tremblaient de peur. Qu'est-ce qui effrayait à ce point ce colosse ? Que lui disait ce rêve ?

— Comment te croire Tyr ?

Le géant sourit faiblement, attendri par le doute de l'homme. Alors il plaqua sa main sur son front comme il l'avait déjà fait et lui montra l'avenir.

« Sang, cendres et mort.

Mac leva des yeux remplis de larmes et de cendres sur celui qui les sauvera tous.

Ce dernier tenait un cor dans sa main. Mac ne put voir son visage, mais il savait qu'il pleurait. Des rivières salées inondaient la joue qu'il percevait à peine.

Ébloui par la lumière rasante, il distingua de longues ailes traîner derrière lui.

Celui qui les sauvera tous était à bout.

Il observait silencieusement le chaos autour de lui, son torse se soulevant à chacune de ses inspirations.

Mac était subjugué par l'aura qui émanait de cet homme ailé.

Alors il regarda lui aussi. Et il vit la terre retournée. Il vit le sang rougir ce que le feu avait épargné.

Des vaisseaux éventrés se dressaient des fumées qui flétrissaient le ciel. D'autres le parcouraient bombardant à tout-va.

Les cris de la guerre et de la folie s'élevaient d'un champ de ruines.

Puis le ciel rouge qui pleurait ses enfants embrasa tout dans un souffle impitoyable. »

La chaleur de la destruction le ramena dans le hall. Il ne l'avait jamais quitté, ni Tyr ni les Nornes. Elles avaient repris leur chorégraphie monotone, éclaboussant le bas du frêne magique.

Une d'entre elles se retourna vers Mac. Ses lèvres demeuraient closes, cousues par un fil noir, mais il l'entendait dans sa tête. La question fut prononcée vivement, avec tant d'urgences qu'elle glaça Mac.

« Quel feu brûle-t-il sur Bifrost ? * »

L'interrogation lui envoya une décharge qui le projeta dans le néant, celui qu'il redoutait tant.

*

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