CHAPITRE 4 : Yggdrasil, en route vers Alfbreid 4/6

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Galindor

Galindor vida d'une traite sa troisième corne de myodd, lui qui ne buvait presque jamais d'alcool. Alerina l'observa en plissant les yeux. Elle ne l'avait jamais vu se lâcher ainsi et n'aimait pas voir l'anxiété gagner son époux.

— Galindor, calmez-vous. Se saouler de la sorte n'apportera rien de plus, ni de bon, le réprimanda Alerina.

Elle lui ôta la corne d'heidrun finement dorée de ses mains. Galindor se laissa faire, las d'attendre ses hôtes et las de ressentir cette vive sensation d'urgence. Quelque chose se préparait, il le sentait. En ce soir de solstice, il n'aurait dû être que sérénité et assurance, alors qu'il n'arrivait pas à se calmer, à réfléchir, et ce depuis que la créature lui avait annoncé l'activation de l'Arche. Cet événement rappelait les périodes de démence qui avaient suivi la première fois qu'il avait vu les Arches s'illuminer. Il sortait de son école militaire et embrassait enfin l'âge adulte. Avec à peine ses quinze siècles, Galindor avait vu chaque souverain devenir fou, et les royaumes se déchirer sans raison. Il appréhendait que l'Histoire ne se répète. À l'époque, la fraîcheur de son âge l'avait porté comme un héros d'or et de bienveillance, mais les temps passés au cœur de la Breidie aux côtés de l'amour de sa vie l'avaient endormi et le guerrier en lui s'était assoupi. Il franchissait à peine le zénith de son existence et pourtant, il se sentait vieux et dépassé.

— Mais que font-ils, ma douce ? Cela fait trop longtemps que nous les avons fait demander. Où est notre mage ? se plaignit-il.

Alerina se colla à lui, coinça son visage entre ses mains effilées et le pénétra de ses prunelles lilas. Galindor reçut la tendre énergie de la reine. Sous la peau fine et lisse d'Alerina pulsaient des petites veines violettes. La force de Valandil coulait en elle. Galindor s'émerveillait encore de l'aura puissante du soleil de sa vie. La seule à connaître comment apaiser ses tourments. Savait-elle qu'il craignait pour elle en particulier ? Alinrhor avait succombé en premier à Elivagar, le sang de ses ancêtres la trahirait-elle encore une fois ?

— Amour. Alfheim a besoin de son roi, j'ai besoin de mon roi. Toi, si calme et déférent, reprends-toi !

Il se ressaisit et embrassa soigneusement le front serti de la couronne de lumière.

Quelqu'un toqua au hayon des appartements royaux et annonça distinctement :

— Ô roi, Ô Reine, Père et Mère des Alfes, protecteurs des créatures. Vous sont annoncés à votre porte : Toth, fils de Thuin, mage des royaux Alfes ; le maréchal Herr ; dame Fabiola, gardienne de l'Arche du royaume d'Alfheim et..., la voix toussota mal à l'aise... et Tim, l'hômain !

— Tim, l'humain ! Gros bêta ! fit une petite voix féminine.

— Et Tim l'houmain, se reprit le page qui faisait le planton.

— Mais sont pas possibles ces Kréturs ! Tim, l'huumain. L'huuumain ! gronda une voix que le roi et la reine reconnurent être celle de Toth.

— Ne t'avise pas à te tromper encore une fois, petit vermisseau. Ou c'est aux latrines que tu annonceras les invités, grésilla une voix autoritaire, que les souverains attribuèrent à leur maréchal.

Cette présentation était catastrophique et l'on n'avait pas le temps de finir le protocole. Le roi et la reine échangèrent un regard entendu, l'entretien pouvait commencer.

— Entrez, tonna Galindor.

Yggdrasil : La Bataille des ArchesWhere stories live. Discover now