CHAPITRE 2 : Yggdrasil, le murmure du passé 6/7

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Toth

Le roi lui avait ordonné de rejoindre la porte de l'Ouest, là-bas, l'attendait Dame Fabiola. Les Alfdarhs n'appréciaient pas les autres peuples, et en particulier, celui des Kréturs. Elles étaient malignes, espiègles et rieuses. Elles avaient un goût prononcé pour le jeu, la boisson et la danse. Elles étaient réputées fainéantes ; et il ne comprenait toujours pas pourquoi, les Alfes les utilisaient comme domestiques.

Toth secoua la tête pour chasser de mauvaises idées tout en continuant son trajet d'un pas énergique. Il traversa les longs couloirs, sans prêter attention aux magnifiques plafonds et aux immenses fenêtres qui éclairaient vigoureusement les lieux, trop habitué, mais surtout plongé dans ses pensées.

La porte de l'Ouest donnait sur le chemin d'Oihan, une petite route secondaire qui permettait d'éviter le centre la ville d'Alfbreid. Une haute tour de guet la surplombait. Du lierre et des géraniums de vives couleurs pendaient contre les grosses arcades de marbre blanc. Les touffes fleuries accueillaient des abeilles et des papillons s'adonnant à une drôle de farandole.

Le mage alfdarh l'aperçut adossée à la pierre grise, elle regardait avec amusement la guirlande d'insectes qui butinaient et virevoltaient au-dessus de sa tête. Toth pensa qu'elle n'avait aucunement conscience de la situation. Il la trouva menue et pas très grande ; le rouge de sa chevelure surprit le mage, il était rare de rencontrer de telle crinière. Il n'avait d'ailleurs jamais vu pareille couleur de cheveu. Des éclats d'or enflammaient quelques mèches et le feu s'étendait jusqu'au fond de ses yeux sombres.

Fabiola, du coin de l'œil, avait vu arriver le mage. Elle reconnut tout de suite qu'elle avait affaire à un Alfdarh. Elle savait que ces Alfes des forêts étaient des êtres sinistres, similaires à leurs cousins, un brin plus antipathiques. Elle le regarda à peine. Elle se détacha de la pierre fraîche pour se retourner vers lui, et d'un sourire énigmatique, le salua :

— Cher émissaire du roi et de la reine, envoyé du Père et de la mère des...,

— Arrête ! Nul besoin de m'embobiner. On va simplifier les choses. Je n'aime pas les tiens. Je sais que c'est réciproque. Nul besoin d'abîmer mes douces oreilles, de ta vile voix de petit être. Plus vite nous serons sur place, plus vite je serai de retour au Palais.

Le malotru l'avait coupée comme une lame tranche la chair, la petite Kréture ne se démonta pas pour autant.

— Mage des forêts, comme ceux de ton peuple, tu n'es pas à l'aise avec le protocole de tes geôliers. Nous les Kréturs, nous en accommodons fort bien. Mais, il est vrai que nous ne sommes pas leurs captifs... Tu as raison, démêlons cette histoire d'Arche et retournons vite à nos occupations. Moi, j'ai un solstice à fêter ! sifflota Dame Fabiola.

Toth sentit ses joues se rembrunir, elle avait touché un point sensible ; il était mage en ces lieux pour l'unique raison qu'il était leur prisonnier. Son peuple, combatif, avait lutté contre les Alfes. Cette guerre avait duré si longtemps, que personne ne se souvenait qui l'avait commencé ni pourquoi. Finalement, personne n'avait gagné, tous avaient perdu.

Les Arcanes avaient déchaîné toute leur puissance pour arrêter des siècles de folie. Pour s'assurer de la tranquillité entre ces deux royaumes, les Arcanes avaient ordonné que chaque clan donne en pupille un fils. Si l'une des familles causait du tort au royaume adverse, l'héritier serait foudroyé par la colère des Arcanes et brûlerait à jamais dans les feux de la grande tour. C'était aussi pour cette raison que Toth craignait les Arcanes.

Le drôle de duo prit la route, chacun désirant se trouver autre part avec un compagnon différent. Toth commença à courir. Fabiola retrouva sa petite taille et se mit à voler à ses côtés. Toth lui lança un étrange regard, elle le suivrait donc ainsi. Les Kréturs possédaient le don de téléportation, les autres espèces humanoïdes de Yggdrasil en étaient incapables ; ceci s'expliquait par le gabarit. Ce type de transport consommant trop d'énergie, il n'était possible que pour des êtres plus petits qu'un lièvre. Fabiola volait aux côtés de Toth qui, lui, courait, véloce et léger. Comme le vent, il parcourait de longues distances sans peine, son souffle inchangé.

Yggdrasil : La Bataille des ArchesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant