CHAPITRE 1 : La Terre, les prisonniers 3/3

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MAC

Svalbard, centre de détention provisoire, prisonnier unique, Mac Peepleson.

L'index appuyé derrière son oreille, il se confiait à son oto-enregistreur, une habitude prise dès ses premiers jours au Svalbard. Deux années que le vieux renard connaissait les joies de l'incarcération et qu'il mordait sur sa chique avec la force d'un goupil injustement piégé. Il avait acquis le petit objet au même fumier qui les avait dénoncés, Greg. Mac avait commencé par raconter ses états d'âme, ses opinions et ses déboires. Une approche cathartique pour évacuer ses pensées noires et lui permettre d'avancer dans son merdier.

La dernière fois qu'il l'avait utilisé, c'était le jour où le jeune Tim avait franchi les portes barbelées du camp du Svalbard. Il se souvenait de son regard froid et pétri de peur. Les bras chargés d'une couverture rêche et d'une timbale, le nouveau avait traversé la cour boueuse d'une traite et s'était réfugié dans la cabane qu'on lui avait attribuée. Un peu paumé, il avait posé son paquetage sur le lit et avait soufflé de résignation. Mac l'avait suivi, et avait engagé la conversation comme il le faisait toujours lorsqu'un bleu débarquait. Le hasard avait décidé qu'ils partageraient le même abri et sans savoir vraiment pourquoi, il avait décidé qu'il s'occuperait de lui.

Tout d'abord méfiant, le blond lui avait répondu par oui ou par non, trouvant peut-être le vieil homme trop indiscret. Puis, il avait sorti une vieille montre. Mac en avait possédé une, dans une autre vie. Le gamin lui avait alors confié qu'elle venait de son père, un être insignifiant et invisible, qu'il ne souhaitait jamais connaître, sauf pour lui dire à quel point il lui avait pourri la vie malgré son absence ; et Mac s'était souvenu de son fils, de la façon dont il avait tout raté avec lui. Il lui avait alors conseillé de la cacher avant d'ajouter qu'un jour, lorsqu'il reverrait son géniteur, il pourrait la lui envoyer en pleine gueule, car les pourritures en son genre ne méritaient pas bien mieux qu'on leur foute le nez dans leurs propres excréments. Tim avait souri, une grimace douloureuse et écœurante. « Sage conseil, l'ami ». Ce soir-là, il avait enregistré sa dernière confession, le pensait-il.

L'oto-enregistreur recevait son ultime message. Cette technologie venait de la Chine médiévale, comme il aimait le dire. Une époque où l'Asie avait avalé le monde, comme une boulimique. Elle avait été puissante dans bien des domaines, mais celui dans lequel ses chercheurs excellaient était celui de la biorobotique. Avant, quand les satellites fonctionnaient pour tout le monde, les gens communiquaient par oto-communicateur. Maintenant, ils n'étaient ni plus ni moins des oto-enregistreurs, un journal intime en somme.

« Voilà, à peine quelques heures que je suis arrivé. Ces tocards m'ont installé dans une geôle au milieu d'un hangar militaire. Un vieux Boeing F/A-XX traîne au fond, il rouille le vieux chasseur. Pourquoi me jeter dans cette cage ? Je vais m'oxyder comme l'antiquité face à moi. Je peux m'en prendre qu'à moi. Mon filon n'était pas sans risque et j'ai perdu. Mais je ne me fais pas de soucis pour moi, c'est pour ce bon p'tit gars qui me sert d'ami que je m'inquiète. Quel merdier ! Je sais que la milice ne l'a pas cueilli. Ils ne cessent de me demander où il est passé. J'entends les pales d'un hélicoplanneur. Je te parie qu'ils envoient leurs examinateurs... exterminateurs plutôt... Pff... Quel bazar ! »

Mac demeura pensif un instant. Son dernier enregistrement n'était vraiment pas terrible, une preuve suffisante d'abandonner ce manège mégalo. Personne ne les écouterait de toute façon. Son visage cerné semblait se perdre dans de tristes réflexions. Le gardien de prison, nommé pour l'occasion, passa sa matraque sonique sur les barreaux électromagnétiques, dirigeant des décharges vers le prisonnier. Il les reçut de plein fouet le projetant à terre avec force ; le vieux renard se tordit de douleur. L'idiot qui était supposé le surveiller s'amusait à le faire souffrir et il débordait d'imagination. Il l'avait tout d'abord privé d'eau, puis avait renversé le contenu de son plateau-repas qu'il était censé lui servir. La bouillie infâme que Tim surnommait le « schnoutr » gisait sur le béton à l'entrée de sa cellule.

Yggdrasil : La Bataille des ArchesOnde histórias criam vida. Descubra agora