CHAPITRE 6 : Yggdrasil, la voie des Arches 1/8

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Gwendall

L'agitation secouait la salle du Conseil. Tous y étaient réunis. Tous, même son frère rebelle Fehu avait quitté sa forge et son auberge, pensa Gwendall. Alerina avait dû les prévenir. Il s'en sentit vexé. Il aimait croire qu'elle lui donnait quelques privilèges, lui qui s'évertuait à combler le vide qu'avait laissé la perte de sa famille. Il y avait Galindor bien sûr, mais Gwendall était presque un parent. Il avait été durant des millénaires le conseiller du père d'Alerina, Alinrhor.

Il l'avait vu sombrer dans la folie, ce roi si bienveillant n'était devenu qu'aigreur et malignité. Gwendall avait tenté de le ramener à la raison, mais les souverains Alfdarhs avaient, eux aussi, été emportés par le climat malveillant et psychotique. Les deux royaumes s'étaient déchirés dans la frénésie destructrice et venimeuse qui les avait possédés. La parodie de négociations s'était finie dans un bain de sang. La paix salutaire, tant espérée, s'était effondrée dans les cris d'agonie du clan alfdarh. La traîtrise d'Alinrhor fut non moins surprenante que sa décapitation. Le roi alfdarh, dément, emmena, dans sa perte, la tête du plus haut des Alfes et éventra son épouse. L'hystérie de cette terrible nuit imprégnait encore Gwendall. L'odeur du sang remplissait ses souvenirs douloureux, paroxysmes de cette période que tous n'auraient jamais voulu vivre. Gwendall avait caché la jeune Alerina, la protégeant et la guidant pour le jour qui l'aurait vu prendre son trône et y régner.

Il l'aimait de la même manière que sa fille, mais il se rappela la première fois où il l'avait rencontrée. Son pouvoir n'était pas bien puissant à l'époque, mais Alerina possédait déjà cette grâce qui envoûtait même le plus rocailleux des cœurs. Nul ne pouvait y résister, comme Galindor, ce remarquable guerrier Alfe, avait cédé au délicat parfum d'Alerina. Il sourit, la poitrine chaude, en imaginant son doux visage ; elle pouvait rendre fou le plus sage de tous.

On tira un siège à ses côtés, le grincement extirpa Gwendall de ses pensées.

Ainsi on venait d'ouvrir une audience et Gwendall tombait à pic. Il ne pouvait reprocher à Alerina de prévenir tous les Arcanes. C'était la plus sage des décisions, la seule qu'elle devait suivre.

Depuis tous temps, les Arcanes veillaient sur les royaumes d'Yggdrasil, agissant comme une sorte d'arbitre. En théorie, ils se devaient la neutralité pour pouvoir démêler les désaccords entre les royaumes et éviter que les chicanes ne deviennent dissensions et aboutissent à des heurts plus musclés.

Les Alfdars souffraient de l'impartialité relative de ses frères ; les Arcanes ne cachaient pas leur préférence pour les gagnants, s'ils pouvaient être nommés ainsi, les Alfes. Gwendall pensait que la vérité était tout autre. Les Alfdarhs restaient un peuple fermé dont les croyances remettaient en question celles des Arcanes. Depuis la fin de la Grande Guerre, tout Yggdrasil marchait sur des œufs de peur que l'horreur ne recommence. Alerina avait prévenu les frères de Gwendall parce qu'elle n'avait pas le choix.

La salle du conseil était circulaire, au centre une immense table de granit formait un anneau autour duquel de rustiques tabourets de chêne couronnaient le tout. Ici, tout était austère et pratique.

Pour les Arcanes, il était important que la simplicité des lieux contraste avec la force de leur magie. Un symbole pour montrer que ces sages transcendaient la concupiscence, qu'ils pouvaient atteindre sans peine et presque à volonté. Ils étaient puissants, ils aimaient le prouver et le rappeler.

Gwendall connaissait leur faiblesse. Ses frères et lui-même possédaient de grands pouvoirs et s'efforçaient de l'utiliser pour le bien d'Yggdrasil. On savait que les Arcanes étaient les gardiens d'un équilibre précieux, peu étaient au courant qu'ils n'étaient pas originaires de ce monde.

Yggdrasil : La Bataille des ArchesWhere stories live. Discover now