Yggdrasil : La Bataille des Arches

CHAPITRE 8 : Örkturnin, le déclin des Puissants 1/6

« Mes frères, regardez ! »

Alors qu'il déchirait un quelconque voile cosmique, et qu'il recouvrait peu à peu ses sens, la voix parvint à Mac distinctement. Il ne sut expliquer comment, mais il venait de voyager au travers d'un siphon irisé. Il tendit les doigts pour s'en extraire. Le liquide collant qui le submergeait se retira soudainement.

Il chuta dans l'eau et s'amortit à l'aide des mains, lui arrachant une pétarade de jurons épicés. L'intense douleur de ses phalanges brisées raviva les derniers événements et ancra Mac dans une nouvelle réalité. Face à lui, trois vieillards barbus assistaient, pantois, à son arrivée.

Mac évalua le bassin et l'Arche. Le monument ressemblait à celui présent dans le camp d'Archibald. L'urgence le rattrapa, Grita ne tarderait pas à débarquer et compte tenu des dimensions de ce putain de portail, elle fera suivre l'armée de son patron.

Il se releva péniblement et fit front aux ahuris devant lui :

— Hey, salut ! On n'a pas le temps, les vieux. Faut se casser, j'ai une ex-petite amie furieuse et son mac un peu psycho, qui cherchent à me buter. Donc, ne le prenez pas mal, mais où est la sortie ?

Tout en avançant, il examina les parois courbes qui pointaient vers les cieux. Il lui semblait avoir atterri dans une tour médiévale qui cachait l'immense fondation qui l'avait expulsé.

— Qui diable êtes-vous ? et comment avez-vous franchi notre Arche ? demanda le plus vieux des trois.

— Je n'en sais royalement rien, et je m'en bats les bijoux ! - il se précipita sur eux, quittant l'eau fraîche qui l'avait accueilli - comment on se casse d'ici les pères Noël ? attaqua l'humain.

Les Arcanes échangèrent un regard intrigué et incrédule.

— Il semble déboussolé, Afanen. Nous devrions le rassurer, déclara Tempo.

Ce dernier détaillait avec admiration l'être humain qui avait fait irruption. Quelle sensation grisante de curiosité, en lui l'effervescence d'un renouveau excitait son intellect.

Au fond des yeux de l'intrus, Gwendall comprit l'imminence d'un danger. Tel un animal acculé, il vacillait sur ses jambes, prêt à déguerpir. Cet homme n'avait pas intentionnellement traversé, on l'y avait poussé.

— Que voulez-vous fuir, Homme ? demanda-t-il.

— En voilà un qui percute. Grita, un androïde possédé. Je mettrai ma main à couper qu'elle va arriver d'un instant à l'autre.

Mac tremblait de froid, mais au fond de lui, il savait que c'était la peur qui le secouait.

— Un androïde, qu'est-ce donc ? Et pourquoi vouloir se couper la main ? s'étonna Afanen.

Un blanc suivit, le roux scruta le plus âgé des barbus.

— Il est neuneu l'ancêtre ? Une tarée meurtrière arrive d'un instant à l'autre, s'égosilla Mac.

— Afanen, le sens-tu aussi ? s'assura Gwendall.

En eux, les tambours grondaient de plus belle ; la menace pressentie arrivait.

Le passage brillant ondulait toujours entre les piliers lorsqu'une gerbe néon perça. Comme un projectile d'acier, Grita atterrit dans un salto acrobatique, les deux pieds fermement ancrés dans le point d'eau.

Les cheveux virevoltants, les bras armés de mitraillettes soniques, elle découvrait ses dents d'une grimace avide et ravie d'elle. Mac reconnut que cette diablesse savait soigner ses entrées. Messagère du chaos, elle paraissait irréelle ; Mac supposait qu'elle était bien plus qu'une simple androïde trafiquée.

— Tu pensais me planter ma jolie rousse ? brailla la femme qui venait d'apparaître.

Mac se planqua derrière les trois hommes, espérant y trouver quelconque protection. L'androïde les détailla, pliant les jambes, prête à se battre.

— Tu crois que ces trois vieilles croûtes m'arrêteront ? Par lequel je commence ? Vos gueules chiffonnées font peine à voir. Je me passerai bien de les démonter, mais je viens récupérer mon prisonnier, je n'ai pas fini avec lui, expliqua-t-elle, menaçante.

— Qui que tu sois, repars d'où tu viens ! Ta présence nous offense et tes viles paroles nous assurent de ta maligne entreprise, envoya Afanen.

Sa voix avait retenti avec force et autorité ; son visage fixe, il dominait la scène.

Tempo, toujours empreint de sa curiosité malsaine, contemplait la femme ; tout devenait diablement captivant. Un homme, une femme qui n'en est pas une et une promesse d'un chamboulement ; il trépignait à l'idée de voir comment les événements allaient s'enchaîner. Si cette Grita désirait l'intrus, pourquoi ne pas marchander et obtenir ses motivations ?

— Mon frère, laissons-lui le temps de s'expliquer. Pourquoi ne pas lui rendre cet intrus contre ses réponses, proposa Tempo.

Gwendall entendait toujours le chant du chaos sous son crâne, et ce fou de frère, toujours insensible à l'alerte, discutait avec la menace. Il essaya de le raisonner :

— Qui nous dit qu'elle ne nous agressera pas et qu'elle ne reviendra pas avec des légions des siens ?

— C'est exactement ce que je vais faire. La voie est enfin ouverte, ce n'est pas pour venir vous faire un passage de politesse et disparaître, renchérit Grita.

Gwendall échangea un regard entendu avec Afanen : ils devaient expédier cette chose au-delà de leur monde.

Tempo toujours empreint d'une malacie malsaine, s'approcha de l'intruse.

— Que comptes-tu faire ici ? la questionna-t-il.

Grita empoigna l'Arcane de la raison avec vélocité et le coinça dans ses bras, une main sur sa trachée, l'autre pointant son arme sur ceux qui lui barraient l'accès à sa proie.

Dans le même temps Afanen tendit ses doigts vers elle, un éclair pourpre s'en échappa et propulsa la femme machine en arrière. Tempo fut éjecté à l'opposé. Tandis qu'elle se relevait son corps parcouru d'une onde bleue, elle cracha :

— Tu vas le regretter !

Afanen renvoya le même sort avec plus de puissance, Grita s'envola et disparut au travers du fluide qui toujours palpitait entre les piliers.

L'Arcane de l'Empereur rejoignit prestement Tempo, affalé sur la pierre froide.

— Mon frère, comment vas-tu ? s'enquit-il avec douceur.

Le visage perdu de Tempo affichait un regard noir, une lueur furtive s'effaça dans ses rétines. Ce dernier secoua la tête et il déclara d'un air absent :

— Je me souviens.

— Moi aussi, le rassura le chef des arcanes, moi aussi.