Chapitre 38: Perdre une mère

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Ophélia ne pouvait détacher son regard de ses mains. Elle les avait lavées jusqu'à manquer de s'en arracher la peau, avait nettoyé chaque trace qui les maculait. Elles scintillaient, propres et nettes comme elles ne l'avaient jamais été. Alors pourquoi l'adolescente avait-elle l'impression qu'elles étaient encore tachées de sang? A chaque fois, elle avait l'impression qu'elles en étaient couvertes. Elle serrait entre ses doigts la broche de la reine. Celle-ci était cassée, elle s'était déchirée du vêtement de Frigga lorsqu'elle avait été tuée. Ophélia se souvenait vaguement l'avoir ramassée, mais elle ne pouvait desserrer ses doigts du morceau de métal.

Une boule remonta dans sa gorge et elle se ratatina dans son lit, ses larmes trempant une fois de plus l'oreiller. La déception amère de la défaite, le sentiment d'impuissance et le chagrin la clouaient là. Cela faisait plusieurs heures que l'attaque avait eu lieu. Ophélia était si mal en point qu'elle avait été ramenée directement dans sa chambre, là où elle pourrait se reposer. Elle avait immédiatement pris son médicament pour éviter la moindre crise et lui permettre de reprendre des forces. La fatigue de son corps lui avait imposé une courte sieste, mais depuis son réveil ses pensées les plus noires ne cessaient de tourbillonner dans son esprit.

Frigga était morte.

Et c'était sa faute.

La pensée tournait en boucle dans sa tête. Lorsqu'elle pensait à autre chose, son esprit n'arrivait qu'à rejouer la scène dans son esprit. Et Ophélia voyait mourir la reine, encore et encore.

A chaque fois, le même constat revenait. Elle était en partie responsable de ce qui s'était produit. Bien sûr, elle n'avait pas donné l'ordre, ni tenu l'arme qui avait mis fin à la vie de la déesse, mais si elle avait été plus forte, plus intelligente, la reine serait encore en vie. Si seulement elle avait pris Extremis avant... Elle aurait pu mettre fin à la vie de l'elfe noir et de son compagnon avant même qu'ils n'aient à toucher la souveraine.

Pourquoi ne l'avait-elle pas fait ?

Et maintenant, la mère de Thor et Loki était morte. Même son pouvoir de guérison avait été inefficace. Frigga était morte sur le coup. Elle qui avait tant insisté pour être auprès de la reine, pensant qu'elle pourrait peut-être faire la différence ! Sa présence n'avait strictement rien changé. Elle avait été balayée si vite par les ennemis que s'en devenait pitoyable. Durant tout le combat, elle avait juste été totalement inutile. Son corps faible ne lui avait même pas permis de sauver la vie d'une seule personne. Une de plus dans la tragédie qui avait frappé Asgard. Le royaume pleurait beaucoup de ses enfants, en sus de sa reine. Cependant, dans le chagrin général, c'était le décès de Frigga qui avait le plus marqué les habitants. Leur reine avait elle aussi péri aux mains de l'ennemi. Tout le monde l'aimait.

Ophélia n'avait que peu connu la mère de Thor. Après tout, hormis leurs quelques petites réunions informelles pour discuter de la manière dont Ophélia torturait son fils, et les repas qu'elles avaient eu ensemble, elles n'avaient pas eu l'occasion de faire vraiment connaissance. Et pourtant, Ophélia l'appréciait grandement et la tenait en grande estime. Frigga avait toujours un côté maternel avec elle et une immense bonté. Elle souriait souvent aux piques d'Ophélia envers sa famille. Et puis, elle était une reine incroyable. Peut-être la meilleure dont Asgard pouvait rêver. Forte, intelligente, impériale. Alors Ophélia ne pouvait s'empêcher de pleurer elle aussi la mort d'une personne aussi exceptionnelle.

Quelqu'un toqua à la porte. Ophélia ne répondit pas. Elle n'en avait pas le courage. Pourtant, la porte s'ouvrit quand même. L'adolescente contempla la personne qui venait d'entrer. Wisna.

La guérisseuse semblait éreintée. Elle avait probablement dû s'occuper de tous les soldats blessés avec ses consœurs. Le chagrin se lisait aussi sur son visage. Elle connaissait intimement quelques-unes des victimes, la reine la première. Il était normal qu'elle soit dans un tel état. Pourtant, la guérisseuse tenait bon. Elle était vêtue d'une manière sobre mais élégante, un peu trop cérémonieuse pour être sa tenue de travail. Elle s'assit sur le bord du lit de l'adolescente.

Realta 2 - La VoyageuseWhere stories live. Discover now